(En commentaire du billet de Vingtras :
http://blogs.mediapart.fr/blog/vingtras/071113/le-racisme-est-une-lepre)
Les métaphores sont d’un usage risqué…
Dire “le racisme est une lèpre”, n’est-ce pas définir le racisme comme une maladie… Donc quelque chose qui se soigne, tout simplement, mais dont celui qui en souffre n’est pas responsable.
« We are sick, we are sick,
We are sick, sick, sick,
Like we're sociologically sick!” (West Side Story)
Ou bien n’est-ce pas désigner aussi le raciste comme un « lépreux », au risque de renouveler envers le raciste l’ostracisme, dont les lépreux étaient les victimes, à ceci près que pour les racistes se serait légitime… Au risque de voir le raciste dire « et alors ! » et renvoyer le compliment…
Il semble qu’il faille distinguer plusieurs choses :
- le racisme comme croyance. Croyance tout d’abord en « la race », catégorie anthropologique fausse. Lutter contre le racisme sous cette forme c’est travailler à faire connaître le fait scientifique que les races n’existent pas indépendamment de constructions, plus ou moins imaginaires, tendant à distinguer diverses catégories d’humains sur des critères physiques, génétiques. Le plus courant étant celui de la couleur de la peau… Critère dont la fragilité ne résiste pas à quelques incursions dans le monde extérieur. Tel est blanc à Sao Paulo et noir à Barbès, tel est « jaune » (on dit maintenant « asiatique » !) le matin quand il quitte son China Town, blanc la journée au bureau et pourra le soir être noir pour faire la fête. Beaucoup d’occidentaux voyageant en Chine ont pu voir qu’on les reconnaissait non pas à leur peau blanche (qui ne l’est d’ailleurs que rarement…) mais au fait qu’ils n’ont pas les cheveux noirs… Etc… Et, pour prendre un dernier exemple, nous sommes beaucoup à rire encore de cette pauvre ministre sarkoziste qui proclamait n’être pas raciste, avec comme argument d’avoir un ami « encore plus noir qu’un arabe »…
- le racisme comme idéologie politique et technique de pouvoir, qui désigne certains humains comme ennemis, ou inférieurs, ou différents à des fins de discrimination et de manipulation. Exprimer clairement et explicitement celui-là est illégal en France et c’est donc affaire de tribunaux. Mais il trouve facilement à s’exprimer dans des euphémismes politiquement corrects : « préférence nationale » ou « d’origine, de culture, de religion x » ou « population ayant vocation à »…
- le racialisme comme système social qui assigne des statuts dans la société selon l’appartenance à telle ou telle race, identifiée soit par contrôle administratif des filiations (voir l’Amérique ségrégationniste qui déclarait « noire » une personne dont un arrière-grand parent était « noir » et refusait à cette personne l’essentiel de ses droits civiques pour ce motif), soit selon l’appréciation de la « race » par visualisation « évidente » (« Interdit au x et aux y », est interprété par les videurs d’un coup d’œil et sans discussion)…
Toutes ces choses doivent être combattues. Aucune d’entre elles ne relève d’une maladie. Les assimiler à des maladies est doublement étrange :
1 - c’est accepter l’a priori que la maladie justifierait l’ostracisme des malades (se souvenir de la manière dont J-M Le Pen parlait : « « Les sidaïques, en respirant du virus par tous les pores, mettent en cause l'équilibre de la nation. (…) Le sidaïque, – si vous voulez, j'emploie ce mot-là, c'est un néologisme, il est pas très beau mais je n'en connais pas d'autre –, celui-là, il faut bien le dire, est contagieux par sa transpiration, ses larmes, sa salive, son contact. C'est une espèce de lépreux, si vous voulez »").
2 – c’est déresponsabiliser le raciste, dont les pratiques et les discours ne sont plus considérées pour leurs significations sociales, économiques et politiques mais simplement pour leur cause supposée dans une morbidité, que l’on crée plus qu’on ne la combat en la définissant ainsi…
Sans doute le billet auquel je réponds est-il d’inspiration sincèrement antiraciste, pourtant je ne crois pas qu’il puisse atteindre son but, reposant sur une métaphore qui le contredit.