Au moment où chacun (1) proclame la nécessité de :
« Faire barrage au Front National » … il peut être intéressant d’examiner de près la stratégie de Nicolas Sarkozy, l’ancien conseillé de Mr.Buisson. En effet que voyons-nous :
- - les sarkozistes refusent clairement fusion et désistement qui pourraient faire élire leurs concurrrents socialistes plutôt que leurs rivaux nationalo-frontistes…
- - les sarkozistes appellent sans hésitation les électeurs lepénistes à voter pour eux là où ils en ont besoin pour battre le PS
- - Nicolas Sarkozy ne fait pas mystère de son regret de n’avoir pas su suffisamment occuper le terrain de l’extrême droite pour en recueillir les voix plutôt qu’elles n’aillent au FN…
- Nombre de sarkozistes martèlent qu’ils sont mieux à même que le FN de mettre en œuvre les idées de l’extrême droite.
Toutes ces poses et positions des sarkozistes pourraient nous amener à regarder autrement l’avertissement si fréquent de « sagesse » que nous donnent beaucoup de gens bien intentionnés : « souvenez vous que beaucoup d’allemands ont laissé le parti nazi conquérir le pouvoir faute d’avoir pris conscience du danger représenté par ce parti pour les libertés, les minorités, la paix et la démocratie » …
En effet la conclusion fréquente de « ce rappel de l’histoire » est souvent la nécessité de faire barrage au FN.
Pourtant, quelle est la différence entre le FN et les sarkozistes ?
Principalement que le FN est peu masqué, il affiche clairement son intention de mettre en œuvre des politiques discriminatoires, d’affirmer une identité confessionnelle de la France, d’aggraver les atteintes aux libertés au nom de la sécurité, de combattre le syndicalisme, de favoriser l’inégalité sur critères ethniques au nom de « l’identité » … L’électeur qui favorise le FN n’est donc pas néo-pétainiste par inadvertance, mais pleinement informé.
Au contraire, les sarkozistes se font passer pour des « républicains » (en oubliant de préciser que la notion de « démocratie » n’est pas incluse dans leur acceptions du mot « république ») d’une part, tout en disant, d’autre part, qu’ils sont disponibles pour répondre aux aspirations, à la colère, aux désirs des électeurs du FN … Qui « posent de bonnes questions » mais ne font que l’erreur de ne pas voter Sarko.
Alors… le pouvoir antidémocratique qui pourrait surgir demain des urnes sans que nous y ayons pensé peut-il vraiment n’être que celui de la chatelaine Le Pen, de Monsieur Collard et de la jeune Maréchal-le Pen ? Ou Sarkozy ne serait-il pas lui aussi parfait dans le rôle.
Comme d’ailleurs il se tue à l’expliquer ouvertement aux électeurs de l’extrême-droite concurrente.
La précision et la justice nécessitent probablement de ne pas mettre toute la droite, ni tout le parti « Les Républicains » dans le même sac… Mais il faut quand même observer que pour l’instant la très grande majorité des chefs d’écurie chez « Les Républicains » souscrivent à la stratégie de conquête du pouvoir à l’extrême-droite de leur leader (pour parler anglais, en allemand on dirait « führer »… Le temps est révolu où les politologues conseillers des puissants disaient que les élections se gagnaient « au centre »…
C'est pourtant la lutte contre l'extrême-droite, ss idées, ses pratiques, sa représentation du monde qui fait défaut en France depuis longtemps... et singulièrement plus encore depuis que les médias et les dirigeants des partis alternants se sont laissés convaincre de la "dédiabolisation", la "banalisation", voire parfois la "justesse" des "idées" de l'extrême-droite qui auraient pour seul défaut de favoriser les affaires de l'entreprise familiale Le Pen...
Le Ps d'aujourd'hui s'achète une vertu en retirant ses listes, pour arbitrer entre les deux extrêmes droites concurrentes...
Il espère ainsi que demain une certaine réciprocité poussera l'électorat à voir en eux un rempart contre l'extrême droite...
Il aurait mieux fait de ne pas mépriser, inférioriser, décourager, dégouter cette gauche qui aujourd'hui ne vote plus pour lui, soit qu'elle s'abstienne soit qu'elle vote pour les partisans d'une politique authentiquement de gauche ...
L'extrême-droite ne se bat pas à droite, ni au centre, elle se bat à gauche...
On ne la combat pas en reprenant ses idées, en copiant ses pratiques militaires et policières, en substituant les manifestations officielles aux manifestations démocratiques et en écrivant la constitution qui lui complait...
(1) A propos de l'un de ces "chacuns", voir:
http://indiscipline.fr/le-nouveau-quadripartisme-a-creuser/comment-page-1/#comment-33382