Le titre est bizarre:
”L’anti-Mélenchon au parlement européen”.
Ce 15 avril, un étrange portrait, signé Ludovic Lamant, fait la Une de Médiapart.
De Mélenchon, pas un mot dans le papier, son évocation n’est qu’une accroche qui essaie de drainer du lectorat, et dont le seul rapport au sujet est: de n’avoir aucun rapport avec lui…
Passons, et voyons à quelle rencontre nous fait voguer le vent de ce titre.
Il s’agit du député Daul, qui dirige le Parti Populaire Européen (c’est à dire la droite ultralibérale, qui, main dans la main avec les socialistes, domine le parlement de Strasbourg).
L’homme n’est pas" l’anti-Mélenchon" qu’on annonce, n’ayant rien à voir avec ce dernier, mais il est bien « l’ami » de Viktor Oban, dont l’autoritarisme, la brutalité, le racisme et les atteintes à la liberté de la presse n’amoindrissent pas l’admiration qu’il lui porte pour un fait d’armes: « n’avoir pas créé de Goulag »…
La liste de ses abstentions de nuire s'arrête là...
Il caresse l’extrême-droite des PECO où il a détecté un « réservoir considérable de voix » (avis à ceux qui se demande pourquoi la commission européenne a entrepris d’annexer l’Ukraine après avoir recraché la Turquie …)
Il a été choisi par Chirac, puis nommé par Sarkozy. Vu le mode de scrutin son élection n’a rien à voir avec les électeurs.
D’ailleurs Ludovic Lamant considère comme un titre de gloire du personnage qu’il soit inconnu des citoyens après 15 ans de mandat, tout en étant « une star à Bruxelles » , c’est-à-dire un « primus inter pares » dans l’assemblée anti-démocratique qui prend abusivement à Bruxelles le nom de « Parlement européen »…
Qu’il soit une star de l’oligarchie bruxelloise est confirmé à plusieurs reprises dans le papier par … Daniel-Cohn Bendit, réduit par l’article à la fonction d’applaudimètre du spectacle strasbourgeois. Fonction dont on ne contestera pas qu’elle soit à peu près tout ce qui reste de « politique » à ce vert bien fané, dorénavant marchand de salades européistes.
La star est définitivement couronnée par Catherine Trautman… Car les solférinien(ne)s sont d’abord expert ( e ) s en carrière politicienne. L’intérêt public n’étant qu’un souci second.
On se souvient de Moscovici qui rappelait hier sur France-Inter son cv pour signifier à Hollande de le caser dans une pantoufle de commissaire européen… Si le « choc de simplification » est de l’esbroufe, les entrechocs des ambitions carriéristes sont eux bien réels, et sur ces « courbes-là » Trautman ou Cohn-Bendit ne parient pas à la légère.
Bref, ses pairs, ses semblables et Ludovic Lamant nous l’attestent, l’homme, inconnu du public, méprisant l’électeur, est le grand député européen. Le député d’anthologie.
L’homme connaît son métier : il négocie, la nuit, dans des couloirs, des compromis obscurs et excelle à déplacer les lignes au mieux de ses intérêts et de ceux de l’oligarchie.
On vous le dit un « grand député » !
Qui aurait du être Président du Parlement croupion.
Un député, c’est-à-dire, un homme de réseau, qui gouverne au mieux au gré des courants de lobbies. Il ne craint que la lumière et l’exécutif, auquel prudemment il ne s’oppose jamais.
Dans les coulisses du Parlement il fait: des affaires.
Faut-il se mêler d’intendance, il délègue à une auxiliaire, députée de second rang mais technocrate habile qui tient pour lui les cordons de la bourse. Car au parlement européen on sait donner leur place aux femmes…
Disons-le tout net, ce portrait est imbuvable. Le personnage est mauvais.
Mais comme il est vrai !
Comme il est archétypique !
Voilà comment sont les « députés » des deux grands partis (PPE et PS) que le Parlement Européen entretient à grands frais (à nos frais).
Des gens qu’on appelle parlementaires mais n’ont pas de pouvoir législatif.
Qui se disent « élus », alors qu’ils ont été inscrits sur des listes que seuls 25 à 30% d’électeurs ont validées, sans aucune visibilité, inscrits par les services de ressources humaines des exécutifs des divers états membres.
Qui se disent "députés" alors que l’exécutif dont ils assurent la communication, et pour qui ils produisent des expertises est totalement hors de leur contrôle…
Qui ont reçu les suffrages au titre d’entités régionales sans existence politique et sociale (qui se sent « citoyen du « Nord Ouest » ??? ou du « Massif central Centre, circonscriptions fantômes créées pour favoriser l’abstention et ne pas voir ‘électeur déranger le choix des partis).
De « politique » ces gens n’ont que le fait d’être des apparatchiks des partis au pouvoir, grassement payés. Autant d’emplois quasi-fictifs qui sont en réalité d’importantes subventions au fonctionnement des partis de l’oligarchie et de l’alternance sans changement.
D’hommes d’affaires ils ont toutes les caractéristiques, beaucoup d’entre eux sont venus là pour bénéficier de l’immunité, et leur mandat quotidien est de faire fonctionner les lobbies, dont ils sont souvent eux-mêmes des rouages.
Alors, c’est de ces gens-là aussi qu’il faut dire : tous dehors !
Dégoutée, et on la comprend, une partie de la gauche propose pour les prochaines européennes la pure et simple abstention.
Cette démarche laisserait intacte, et même renforcerait, le système de recrutement de la nomenklatura européenne.
Au lieu de cela, il faut élire, à l’occasion de ces élections, si pipées soient-elles, le plus grand nombre possible de députés d’un autre modèle. Des gens qui ne s’attacheront pas à briller aux yeux de Cohn-Bendit où d’autres experts en strasbourgisme.
Qui peut-être, et je dirais même certainement, parce que je l’espère, ne perdront pas trop de leur temps à siéger dans ce pseudo-Parlement, venant seulement quand, par leur vote et leur présence, ils pourront dire haut et fort l’illégitimité de l’Institution européenne, de sa commission dictatoriale, de ses lobbies tout-puissants, proclamer l’illégitimité des traités signés sans ou contre le vote des peuples » souverains », lutter contre le prochain traité atlantiste, condamner les aventures impérialistes menée pour le compte de l’OTAN.
Qui surtout, considéreront que leur mandat de députés est d’abord dans les luttes, contre l’austérité, contre les lois anti-ouvrières, contre la dérégulation capitaliste, pour la défense des services publics, pour l’égalité des citoyen(ne)s, contre le racisme et la xénophobie, pour la laïcité.
Bref, des députés, qui prendront leur mandat du peuple, sans s’arrêter à sa définition par une institution illégitime, croupion, où les parlementaires ne sont qu’un ornement du pouvoir de l’exécutif et des puissances économiques, comme dans l’ancien régime.
Bref, dehors le modèle « Daul », « Trautman », « Cohn-Bendit ».
Place au modèle Tsipras… Des gens qui seront là par la volonté du peuple et travailleront à construire une autre Europe. Et d’abord en luttant ouvertement contre les traités abusifs, la règle d’or, le « gouvernement économique » sans contrôle, la domination capitaliste.