France-Télévision exploite l’histoire, pour produire du divertissement historique si édulcoré qu’il relève de la censure.
Un billet extrêmement intéressant de l’historienne Annie Lacroix-Riz nous relate les voies de la banalisation, à la limite de la falsification de l’histoire par l’émission « Complément d’Enquête » à l’occasion de la réalisation d’une émission finalement « people » et titrée « Dans l’intimité de Liliane Bettencourt".
Le rapport à l’histoire de France Télévision y est remarquablement explicité : il s’agit de réunir le plus possible d’informations, éventuellement nouvelles, pour ensuite les expurger et donner du groupe l’Oréal la représentation la plus politiquement correcte possible, laissant apparaître seulement, comme un coin d’ombre, les accointances cagoularde des dirigeants de ce groupe industriel.
Comme un sorte de frisson d’interdit. Une touche d'ambiance, pour se la jouer "Brigades du Tigre"...
Sont ainsi passés sous silences les implications et crimes des principaux dirigeants de ce groupe industriel, impliqués dans la collaboration active, l’activisme anti sémite, la spoliation des juifs, la collaboration avec l’ennemi.
De même, et expliquant peut-être les raisons de ce premier niveau de censure, la continuité du financement occulte des partis politiques par le capital de l’Oréal de la 4° république à la 5° république est occulté. On conviendra pourtant de la pertinence de cet aspect des choses dans l’actualité contemporaine.
Pourtant les auteurs de l’émission avaient fait appel à une historienne compétente pour préparer leur émission, et celle-ci leur avait apporté quantité de documents jusque là restés inconnus dans les archives.
Autre niveau de censure : le travail de documentation et de recoupement d’archives nombreuses, essentielles et dormantes a été requis de l’historienne, utilisé (apparemment pour repérer ce qu’il fallait passer sous silence) et ensuite purement et simplement occulté lors de la diffusion de l’émission permise par ce travail.
Il apparaît donc que France-Télévision :
- substitue une représentation people de la firme l’Oréal et sa présidente à la connaissance historique de ce groupe industriel et du rôle des ses dirigeants et de ses capitaux dans la collaboration, l’activisme d’extrême droite, le pillage des biens juifs d’une part, le financement plus ou moins occulte de carrières politiques de la 4° et la 5° république d’autre part
- utilise le travail d’histoire, sans le créditer, non pour diffuser des connaissances et de la culture, mais pour produire une histoire de convenance, largement édulcorée, voire censurée qui s’appelle « complément d’enquête » mais ressortit du divertissement dans sa pire acception, qu’il faudrait appeler diversion.
J’écris ces quelques lignes pour faire ressortir sous une forme brève quelques aspects de ce que Annick Lacroix-Riz écrit dans son billet excellemment sourcé et documenté, et interprète d’une manière plus riche, étoffé, avec plus d’envergure. Pour approfondir donc ne pas manquer le billet :
http://blogs.mediapart.fr/blog/annie-lacroix-riz/041213/pourquoi-les-francais-ignorent-encore-que-le-fondateur-de-l-oreal-fut-un-agent-de-l-ennemi