Le glissement d'une psycho-socio-genèse des comportements sociaux et politiques à une explication des événements politiques et de la conjoncture, nationale, internationale, voire mondiale mérite qu'on se pose la question de sa validité...
C'est une explication de plus en plus martelée, avec une apparence de bon sens et de justice qui reste son principal argument.
Ainsi, les événements de Paris 7 janvier 2015 sont expliqués à la louche par les injustices et mauvais traitements subis par une partie de nos concitoyens, rapportés tantôt à des territoires ("quartiers", "le 93"), tantôt à un âge ("jeunes", ados", tantôt à une catégorie socio-professionnelle ("ouvriers", exclus), ou un statut scolaire ("LEP, "décrocheurs", "lycéens", ou d'insaisissables origines ("maghrébins", "arabes", "musulmans")... Dans un sens plus ancien que celui benoîtement anoné par les médias pédagogues, c'est d'un "amalgame" ( "melting pot ") que nous nous interrogeons s'il est réussi: et non... ce n'est pas la pierre philosophale, tous comptes faits. Zut!
Mais les tueurs du 7 janvier, tueurs de journalistes, de citoyens trouvés sur le passage,et de juifs sélectionnés sur critère ethnique ne sont certainement pas compris par une telle démarche. Ni le quelque millier de "djihadistes" français que l'on évoque ou nie... Que l'on veut "déradicaliser" (toujours le fantasme des "racines", là où elle n'ont probablement pas grand-chose à voir), et mettre en quartier de haute sécurité (deux objectifs pour le moins contradictoires...)
Ces individus ont adopté une position politique et militaire spécifique, ils ont été recrutés et formés. Ils ont fonctionné ensuite selon le schéma classique des agents dormants d'un pouvoir ennemi, infiltrés sur le territoire visé, et réveillés avant d'être sacrifiés, avec leurs nombreuses victimes, dans un combat où la fin justifie les moyens.
Ils ne sont pas "représentatifs" des catégories sociales dont ils sont issus, et auxquelles ils n'appartenaient plus vraiment en fait, car devenus, par leur choix personnel dans le cadre des manipulations qu'il ont acceptées, autres.
L'opération de propagande montée par le pouvoir pour transformer le mouvement de riposte à leur violence antidémocratique et antisociale en délimitation de la vraie France et recensement des bons citoyens (ceux qui "sont Charlie" avec le vice-président américain, le premier ministre israélien, un dictateur africain, un putchiste ukrainien intronisé par les services secrets atlantiques, le premier ministre britannique, "notre président", bref le directoire du monde capitaliste) a créé de toute pièces la marginalisation et l'exclusion du politiquement correct de milliers de citoyens qui n'ont pourtant rien à voir avec les tueurs de Paris...
Tous les discours expliquant la sociogenèse de la communauté des "pas-Charlie" par l'exclusion sociale et culturelle participent en fait, paradoxalement, de cette même exclusion.
J'ai envie de dire qu'il n'y a pas d'un côté des citoyens avec qui il faut parler politique et de l'autre d'autres qu'il faut (ré-) éduquer et (re-) socialiser.
Que pense un jeune citoyen, élève de LEP, quand il entend un gentil auditeur de France-Inter expliquer les assassinats du 7 janvier par le fait qu'il "aurait moins de 500 mots de vocabulaire"... On ne le sait pas... On veut simplement qu'il fasse "une minute de silence", une de plus...