Médiapart est le lieu d'intenses débats et initiatives autour de "lanceurs d'alerte".
Autour de blogueurs engagés dans de difficiles combats, et aussi de comment il faut comprendre et structurer, collectivement ou a titre individuel, le complexe phénomène de l'alerte.
Mohamed Sangaré, notamment, fait des propositions, telle celle de créer une ""édition"...
Dans le fil de ces débats, je propose la contribution suivante:
Irrésistibles noyades?
Merci de la précision sur le projet d'édition. Elle radicalise mon analyse, à savoir que le blogueur lanceur d'alerte est un individu qui s'engage dans l'espace public, face à des pouvoirs, plus ou moins légitimes, plus ou moins puissants et habiles, plus ou moins hônnêtes, plus ou moins relayés. Le lanceur d'alerte rompt la loi du silence, au nom d'interêts supérieurs (la personne humaine, l'intérêt public, la loi, l'écologie, l'égalité, la justice, la vie ou autres broutilles), alors que le pouvoir entend faire respecter son autorité, son immunité, son intangibilité, son intérêt propre et considère que le lien d'autorité dans lequel il tient le lanceur d'alerte est constitutif de l'ordre social et économique. Ce dernier point n'est pas sans effet, puisque le pouvoir bénéficie des services officiels et officieux de nombreuses institutions (juridictions disciplinaires, presse canine de garde,mécanismes ordinaires de docilité sociale, partis godillots etc..)
Une attente irraisonnée, ou un malentendu peuvent faire croire au lanceur d'alerte que puisque sa cause est juste elle sera soutenue et relayée par le, ou les supports journalistiques qu'il voit mener eux aussi de justes combats. Pourtant ce transfert d'une cause à l'autre n'a rien d'assuré, car les journaux sont des institutions et des organisations qui ont leur logique et leur fonctionnement propres, reposant notamment sur le statut spécifique de l'entreprise de presse(directeur de publication) et des journalistes. Ces entreprises et ces professionnels ont dans l'espace public un statut et un rôle, reconnus par la loi mais en fait maudits par les pouvoirs politiques, économiques et/ou maffieux. Ces entreprises et ces professionnels ne sont pas pour autant neutres et sans stratégie, idéologie et limites.
Ĺévolution économique et technologique a conduit certaines de ces entreprises à donner - en échange d'un financement de type nouveau sauvant à point nommé un segment journalistique du déclin économique - aux profanes une opportunité innovante d'expression et d'existence dans l.espace public. Certains de ces profanes ont investi ce statut de"blogueurs" pour intervenir en "lanceurs d'alerte"...
Ils sont loin, simples clients à titre payant des médias participatifs, de participer du statut d'exception, des protections et solidarités qui bénéficient, dans une certaine mesure toujours limitée par les pouvoirs et arbitraires contraires, aux professionnels du journalisme ou aux membres, élus et militants des partis politiques.
Dans ces conditions, le "lanceur d'alerte" n'est protégé que par lui-même et les citoyens qui comprennent, soutiennent ou simplement légitiment son combat... Jusqu'à ce que les pouvoirs se paient sa peau, ou qu'il tombe dans l'oubli, ou que sa cause soit suffisamment reconnue, relayée, légitimėe que finalement elle aboutisse... Souvent fort tard et après bien des dégâts... (Ce qui légitime partiellement l'analogie avec le Zola de l'Affaire Dreyfus, malgré des différences essentielles)...
Cette situation n'est pas satisfaisante pour la démocratie ni l'intérêt public, elle est troublante quant à l'éthique des entreprises de mėdiaparticipation... Les initiatives pour la changer sont donc urgentes...