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Billet de blog 28 octobre 2016

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Le jour de gloire de la morale

L’humanité est démoralisée et la morale a le vent en poupe. C’est merveilleux !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La démocratie, c’est un peu comme Eden – c’est un choix. Un choix originel, qui plus est. Celui qui nous définit comme civilisation. J’imagine assez aisément que la fameuse pomme devait être délicieusement séduisante, après tout, c’est le premier fétiche sexuel de l’histoire chrétienne qui, depuis, est régulièrement ponctuée d’histoires de cul des plus jouissives, comme celle des filles incestueuses de Loth (une lignée est ainsi fondée après le déluge) ou encore de David (qui descend de cette lignée) dévoré par son désir pour Bethsabée au point de tuer son mari, alors qu’il était tout de même assez fort pour résister à Goliath (le sage roi Salomon est le fruit de cette union). La morale, me direz-vous ? Dieu a choisi de leur accorder sa grâce, tout comme le cardinal Barbarin l’accorde naturellement aux prêtres pédophiles et les lois de la République, aux politiciens et entreprises pas tout à fait catholiques.

Savourons donc les détails croustillants de la lutte morale d’aujourd’hui qui prend systématiquement la forme d’un parti politique - pour que ses petits soucis financiers ne signent pas son arrêt de mort avant la grande messe, la Manif pour rien s’est aussi posée en choix politique pour tous.

A notre glorieuse époque, la moralité de la démocratie se résume totalement, purement et simplement au choix des candidats à la présidentielle. Ce petit fou de monsieur Debord avait raison : à force de regarder BFM et le JT de 13h, on a fini par croire que c’était vraiment notre plus belle la vie. Enfin, ce n’est plus si simple, puisqu’il nous faut désormais choisir, dans chaque camp, les candidats qui pourront ensuite se présenter au poste tant convoité de la personne la plus détestée de France. C’est un choix difficile, tant la liste est souvent gracieusement homogène et tant on a du mal à choisir celui (ou celle !) qu’on détestera le plus, mais c’est un choix démocratique. Et puis, nulle occasion n’est trop bonne pour insulter Cécile Duflot. On peut aussi choisir de vivre dans une dictature - la Commission européenne, investie d’un savoir divin lui donnant le droit de secrètement négocier les talmuds commerciaux en notre nom, semble penser que c’est une bonne idée.

Bref, choisissez et multipliez-vous, camarades. Avec un peu de chance, les contraceptifs seront interdits juste après l’avortement et vous n’aurez d’autre choix que de vous multiplier ou de vous convertir massivement à l’homosexualité. Une chose est sure, il est totalement inutile de rêver à pouvoir choisir votre vie. Je sais que le monde ne s’arrête pas à la Vierge Marie, mais vous conviendrez tout de même que le seul choix dont tout être humain doit disposer librement et sans entrave est celui, si chrétien, de pécher et de payer pour ses péchés. De préférence très cher. Si possible, à vie. Particulièrement pour le péché d’être né pauvre.

La morale est l’ordre naturel des choses. Elle interdit tout naturellement la procréation aux homosexuels. Vous conviendrez qu’on peut difficilement songer à les laisser fonder des lignées, car il suffit de voir ce qu’ils créent : prenez ce Caravage, tellement imbu de sa personne qu’il colle sa tête sur les hommes, les femmes, les enfants, et même la Méduse. Les homosexuels ne sont pas capables d’aimer un enfant comme le fait une maman, comme l’a fait la Sainte Vierge, par exemple, qui elle n’a jamais couché avec un homme. Ils reproduiront forcément à l’infini ce cycle vicieux absolument pas naturel et créeront d’autres homosexuels juste bons à se droguer. 

La morale interdit aussi la légalisation de la drogue, même si cela permettrait de désengorger les prisons et de mieux gérer la consommation. Après tout, qu’est-ce qu’il y a de si mal avec les prisons ? C’est devenu une manie, pour la partie gauchiste de la population, de pleurnicher sur le sort des délinquants. Les droits de l’homme, ok, mais pour avoir des droits, il faut déjà être un homme, c’est quand même assez simple à comprendre. Et les vrais hommes cherchent un vrai travail, plutôt que dealer du haschisch.

C’est pour cela aussi que la morale abat sa main vertueuse sur les chômeurs, délinquants déguisés qui refusent de donner leur part à la société en nettoyant les couches des seniors incontinents. Regardez-les, ces fainéants qui rechignent à se salir les mains et veulent pouvoir choisir un boulot plus glam. Il faut ronger leurs droits comme ils rongent nos impôts. Même les Soviétiques ont fait confiance à la Bible : ceux qui ne travaillent pas ne devraient pas manger. C’est tout à fait naturel.

La morale interdit la légalisation de la prostitution, même si c’est le meilleur moyen de protéger les femmes qui choisissent d’exercer le plus vieux métier du monde et encore plus celles qui ne le choisissent pas. La femme doit pouvoir librement disposer de son corps, mais pas pour le vendre hors des liens sacrés du mariage ou du contrat de travail, naturellement.

Tiens, à propos de la nature, il paraît que l’étau écologique se resserre bien plus vite que prévu. Pas grave. Le pétrole, le chocolat et les téléphones portables ont tous la même odeur de mort et on s’en fiche éperdument. La France n’a pas inventé le parfum pour rien, Süskind est témoin. C’est le privilège naturel de la civilisation. Ces punks à chiens qui prétendent défendre le milieu naturel contre les aéroports n’ont pas compris qu’il fallait se parfumer pour être entendu. Or, dans les aéroports, le parfum est détaxé.

Nous sommes naturellement assez nombreux à être nostalgiques de la guerre froide et de l’appeler de nos vœux : le monde était alors plus simple, chaque camp faisait la danse du ventre (avec le CMI et pas la GPA, notez bien) et avançait des arguments séduisants - lumière au bout du tunnel ou télévision dans chaque maison - pour prouver son bien-fondé. C’était bien, c’était chouette. On n’avait pas à penser aux hordes de migrants qui viennent nous manger nos pommes une fois qu’on a bombardé leurs pays de nos valeurs démocratiques. Maintenant, quitte à choisir entre deux lumières au bout du tunnel, autant garder le capitalisme – l’histoire a prouvé que c’est un virus plus résistant qui a pleinement rempli sa promesse de la télévision.

Quant à tous ces gens qui cherchent prétendument à fuir les bombes et la misère pour échouer dans des décharges publiques, pardon des jungles, ou échouer tout court, l’indignation est futile. On a certes aboli l’esclavage, mais nous ne sommes pas assez dingues pour abolir nos frontières imaginaires où, dans un cauchemar spatio-temporel, notre esprit assimile toujours cette panoplie de teints bronzés au viol. Ce ne sont pas des êtres humains, même quand ils sont tout petits et ne peuvent violer personne. On ne sait jamais, on doit être prudents pour l’avenir. La France n’est pas un harem, mais une civilisation chrétienne ancestrale qui remonte aux illustres Gaulois. Ne me lancez pas sur le sujet, j’ai abdiqué avec joie mes ancêtres les gogols pour être gauloise, alors que tous ces migrants égorgent toujours leurs moutons dans leurs baignoires et n’abdiquent rien, au contraire. Et ce, après plusieurs décennies de civilisation bien cloitrée en HLM, ghetto ou prison pour beaucoup d’entre eux, rendez-vous compte !

Quoi, vous êtes indignés ? Et bien, vous êtes libres d’aller pécher en manifs et de choisir vous aussi la prison, de préférence en comparution immédiate pour outrage à agent (toute résistance aux choix de nos dirigeants est un outrage !) – l’heure est au trading juridique à la microseconde.

Liberté, égalité et fraternité c’est has been.

Quand on est moderne, on revendique fièrement l’indignité. Elle a un parfum enivrant de transgression, tout comme la pomme, la femme d’Urie le Hittite et la mèche enragée de Donald Trump. Paradisiaque.

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