Par Olivier Ceccaldi, le 15/12/2023 à Ouistreham, Quai Charcot
Ce vendredi à midi, lorsque le camion de l’association Vents contraires arrive sur le quai Charcot, à 1 kilomètre du port commercial de Ouistreham, il fait 5 degrés et le vent souffle en rafales. Deux jours par semaine, l’association apporte une aide logistique à la centaine d’hommes soudanais qui vivent sur place. Si les recharges de crédit internet et l’accès à l'électricité sont les bienvenus, c’est surtout la possibilité de se doucher à l’eau chaude qui redonne le sourire, alors que nous sommes à quelques jours de l'hiver.
Il faut rappeler que depuis l'installation du campement il y a 3 ans, l’accès à l’eau a toujours été difficile pour toutes les personnes qui y ont vécu. En octobre 2022, l’ONG Solidarités internationale, qui intervient également sur le site, préconisait dans son rapport “ Diagnostic social: Eau, Hygiène et assainissement” l’installation de douches, de sanitaires et d’un point d’eau au camp.
Près d’un an plus tard et face à l’absence de réaction de la mairie de Ouistreham et de la Préfecture du Calvados, plusieurs associations et collectifs, dont Vents contraires, ont saisi en juin le juge des référés du tribunal de Caen. Elles demandent la mise en place d’infrastructures afin de permettre un accès digne et salubre à l’eau pour les personnes exilées.
La juridiction administrative a ordonné à la mairie ainsi qu’à la Préfecture d’agir et en juin : un WC chimique et un point d’eau avaient été installés, insuffisants pour la centaine de personnes sur place. Le Conseil d’Etat avait dû trancher en juillet dernier,
(CE, 3 juillet 2023, Nos 475136, 475262) [note de bas de page] en rejetant l’appel de la mairie de Ouistreham et en ordonnant l’application de l’ordonnance précédente, qui demandait à ce que les associations soient consultées pour la mise en place d’installations sanitaires adaptées.
Depuis, deux WCs et deux douches ont été installées à la demande de la DDETS du Calvados, qui s’est substituée à la mairie. Celle-ci ne souhaite pour l’instant ni dialoguer avec les associations, ni prendre à sa charge les installations et leur adaptation aux besoins des personnes exilées.
En attendant, et malgré le risque d’une amende forfaitaire journalière décidée par le Conseil d’Etat, de nouveau saisi face à l’absence d’application de l'ordonnance de juillet (CE, 1er décembre 2023, N° 487539) [note de bas de page], les personnes présentes sur le campement sont toujours dans une situation sanitaire grave. Pour Ahmed, jeune soudanais de 23 ans, “la situation est très compliquée car il n’y a pas d’eau chaude et tous les toilettes sont condamnés”. Chaque jour, les hommes sont obligés de se contenter du simple robinet d’eau froide pour la vaisselle et leur toilette quotidienne.
En fin de journée, la mairie a tenu pour la première fois depuis le début du litige une réunion en présence des associations pour tenter de trouver une solution à cette situation. Johanès Si Mohand, coordinateur de l’association Vents Contraires, espère que “les engagements oraux pris par la mairie pour une mise en conformité des installations d’ici la fin de l’année seront tenus”. Un espoir, mais également un regret d’avoir dû tant batailler alors qu’une solution aurait pû être envisagée il y a bien longtemps si les pouvoirs publics avaient accepté de travailler main dans la main avec les associations.