Je reprends avec ce deuxième billet, la critique d’une des théories d’Antoinette Rouvroy : « Des algorithmes puissants faisant des analyses statistiques sur les données personnelles disponibles de manière quasi-illimitée permettent d’anticiper les comportements humains » . Ces mécanismes sont déjà en place, selon elle, et nous « gouvernent » déjà ont déjà pris le contrôle de nos vie.
L’écueil que je voudrais mettre en évidence avec ce billet est « le syndrome Harry Potter »… ou pourquoi il ne faut pas surestimer la puissance des analyses statistiques. Amazon, sans doute le plus grand site marchand au monde, en tous cas sans doute un de ceux qui dépense le plus en recherche et optimisation de son site, fait souvent des recommandations d’achat, en fonction de votre « profil » d’achat… et des achats des clients qui ont un « profil » similaire. Intellectuellement séduisant… en réalité assez médiocre. Les recommandations les plus courantes :
- Des livres du même auteur que celui que je viens d’acheter (souvent sous forme de « double pack »). Pas besoin d’être Polytechnicien pour arriver à ce genre de recommandation.
- Des livres que plusieurs des clients qui ont acheté le même livre que moi ont aussi acheté… ce qui se traduit souvent par le dernier « Harry Potter ». Ben oui, c’est effectivement très probable que les ouvrages en top des ventes soient aussi achetés par les clients dont le panier ressemble au mien
- Des articles complémentaires à ceux que je viens d’acheter… rien de bien nouveau non plus là dedans, la papeterie de votre quartier fait la même chose.
- Du dentifrice Vademecum. Pourquoi ? Aucune idée, Amazon a peut-être détecté que je m’étais fait récemment arracher une dent ? Ou alors ils ont simplement un accord publicitaire avec cette marque aujourd’hui ?
Bref, « tout ca pour ca » a-t-on envie de dire ? On est bien loin du fantasme de l’algorithme qui peut anticiper vos désirs et vous faire oublier les limites de votre carte de crédit.
Il y a 12 ans, j’ai eu la chance de faire une « mission de conseil » en logistique dans une entreprise de VPC (vente par correspondance). J’ai un peu travaillé avec un « actuaire » pour analyser la diversité des commandes, pouvant m’aider à optimiser les flux logistiques. Son travail consistait à réaliser des analyses statistiques sur les commandes pour améliorer les promotions, les catalogues (pas de net à l’époque !), les idées pour les conseillers téléphoniques… 3 conclusions à en tirer :
- Les sociétés de VPC font depuis des années ce genre d’analyse… puisqu’elles disposent des bases de données des achats de leurs clients. Internet n’a donc rien inventé.
- Ce n’est pas la poule aux œufs d’or, du moins si on en juge par la profitabilité de la Redoute et des 3Suisses. Même des experts n’arrivent pas forcément à en tirer de la valeur.
- Le DG de la boîte m’a rapidement remis les pieds sur terre quand j’ai évoqué les opportunités marketing offertes par ce genre d’analyse : tout ca ne vaut rien face à un bon vieux coupon de réduction de 30% !
Pour terminer, j’aimerais rappeler que faire des analyses sérieuses, c'est-à-dire permettant de détecter des corrélations « statistiquement signifiantes »… cela demande du temps, de la puissance de calcul et surtout de l’expertise. Laisser tourner des analyses en automatiques sans intelligence humaine en espérant des résultats qui génèrent de la valeur est vraiment très naïf. Que certains paient pour de telles analyses « fausses », évidemment, c’est pourquoi Google est si riche. Est-ce dangereux, menaçant pour nos libertés ? En quoi suis-je menacé quand Amazon me propose un article que je vois au top des ventes de Carrefour ou que les pubs que me présentent lefiigaro.fr sont inspirés des pages que j’ai parcourues précédemment ?
Prochain billet : « what’s new about it ? »