Selon l'étude annuelle du Cabinet Mercer, il reviendrait plus cher de vivre à Dakar que de vivre à Francfort. Pardon? En effet, Dakar est, à égalité avec Abidjan, la 34ème ville la plus chère du monde, alors que Francfort pointe à la 40ème position.
http://www.mercer.com/costoflivingpr#top_50
Remettons ces chiffres dans leur contexte
Tout d'abord, Mercer. Mercer est sans doute le cabinet de conseil leader en matière de "ressources humaines". Il intervient sur les sujets de réorganisation, de politique salariale et de "bonus", d'échelles hiérarchiques....et de politique d'expatriation. Il publie depuis plusieurs années un barême du "cost of living" dans les plus grandes métropoles mondiales, ce qui permet au multinationales d'adapter la rémunération de leurs expatriés en fonction du pays et de la ville où ils vont résider. Ah, ok, on comprend mieux.
Et oui, ce "coût de la vie" à Dakar ne vaut que pour l'expatrié, qui veut absolument vivre à la même température, en mangeant les mêmes choses, en faisant bénéficier ses enfants de la même école dans la même langue, en conduisant la même voiture.. à Tokyo (toujours le plus chère), New-York (la référence), Paris, Francfort ou Dakar... Ce barême ne représente donc en rien le coût de la vie pour le Sénégalais "moyen". Pas si sûr.
1/ D'une part, il n'y a plus vraiment de Sénégalais "moyen". Dans ce royaume de l'ultralibéralisme, il y a les riches (qui ont du capital, des réseaux puissants, la possibilité de voyager, de commercer avec l'étranger...) et les pauvres qui ne bénéficient d'aucune espèce de couverture sociale. Il est aujourd'hui quasiment impossible de vivre décemment avec un salaire de fonctionnaire. La valeur d'un poste de fonctionnaire se mesure en fonction de la corruption qu'il permet de générer. Un commissaire des douanes, par exemple, peut vivre très, très bien.
2/ Le logement intervient pour une bonne part dans le coût de la vie. Or, du fait du foncier limité, du fait des nombreuses entreprises et organismes internationaux ayant leur siège à Dakar, l'immobilier est devenu très très cher à Dakar. Un instituteur gagne par exemple 100 000CFA (150€) par mois, alors qu'il est difficile de trouver un 2 pièces correct pour moins de 80 000CFA (120€) par mois dans un quartier populaire de la capitale sénégalaise. Cela est renforcé par l'argent des immigrès qui s'investit en premier lieu dans l'immobilier. Les familles modestes ou pauvres, si elles ne bénéficient pas des largesses d'un enfant parti à l'étranger, doivent donc se contenter de logements insalubres et difficiles d'accés. Les programmes de construction lancés par le gouvernement profitent en premier lieu à ceux qui sont solvables : les familles ayant un enfant immigré aux USA, en Europe... et capable de payer.
Cette étude du Cabinet Mercer est donc une belle photo de la mondialisation telle qu'elle se construit. Quelques uns en profitent. La grande majorité en souffre. Il n'est même plus question de "croissance qui profite à tous" ou de "redistribution". Ici, plus les uns s'enrichissent, plus les autres sombrent.
PS: Je passe mes vacances à Dakar, photo prise par mes soins