Ayant fait un billet sur la fin probable d'Opel, je me devais de suivre cette histoire par un second billet.
Vous aurez lu dans les journaux qu'Opel a trouvé un repreneur, Magna, un sous-traitant de l'industrie automobile fondé il y a 40 ans par un Autrichien, présent dans 23 pays, principalement aux USA et Canada. Magna est environ 2 fois plus gros qu'Opel par les revenus, 1,5 fois par le nombre d'employés. Magna est soutenu dans cette aventure par un investisseur Russe.
Il y a 3 critères absolument fondamentaux à respecter pour éventuellement permettre la survie d'Opel sur les 10 ans qui viennent :
1/ Réduire drastiquement la capacité de production, les usines Opel, environ 8 en Europe dont 4 en Allemagne étant utilisées à peine à 50% (même avant la crise)
2/ Réduire l'impact des coûts de développement et accéder à un marché plus grand pour atteindre la taille critique nécessaire à un constructeur généraliste. Opel est le plus petit d'entre eux, avec moins de 1,8 millions de véhicules vendus par an.
3/ développer des produits adaptés au marché : design sexy, économes, fiables, si possible en se tournant vers les nouveaux types de motorisation. Aujourd'hui, Opel est à la traine en matière de motorisation. Le diesel de 160cv équipant la toute nouvelle Insigna est environ 15% 20% moins performant (en matière de consommation et de CO2) que le moteur plus puissant de la Mercedes Classe C.
Cette décision de vendre Opel à Magna est donc triplement mauvaise :
1/ Magna se tire dès le départ une balle dans le pied (ou dans les pneus !) en garantissant le maintient des sites allemands d'Opel. Bien sur, il va sans doute fermer certains des sites anglais, belges et espagnols, mais cette décision est politique et non pas rationnelle, économique, qui devrait donner la priorité aux sites les plus productifs, modernes.
2/ Magna ne va rien apporter à Opel en terme de nouveaux marchés. L'idée comme quoi l'investisseur Russe va lui permettre de vendre des centaines de milliers de véhicules en Russie est une vaste plaisanterie. Rien n'empêche aujourd'hui Opel de le faire. Le marché Russe est en pleine déconfiture. Et même si cela marchait cela ne serait pas suffisant, loin de là.
3/ Magna va certes apporter à Opel des nouvelles technologies, mais certainement pas des compétences en matière de développement véhicule et de marketing produit. C'est cela qui fait cruellement défaut au constructeur. L'Insigna a certes gagné le titre de véhicule de l'année dans sa catégorie, mais les critiques automobiles relèvent de nombreux défauts dans ce véhicules. De plus, Magna va se mettre en porte-à-faux vis à vis de ses autres clients.
En conclusion, une fusion avec Fiat, même imparfaite, aurait eu beaucoup plus de sens. Sans même parler de la politique industrielle européenne... qui montre surtout en l'occurence qu'elle n'existe pas.
Comment en est on arrivé là? Comment a-t-on pu ainsi prendre une décision aussi contraire aux intérêts à long terme du constructeur alors qu'une autre solution se présentait?
1/ Il existe, j'en suis convaicu, un facteur psychologique important. Les Allemands, en général, ne font guère confiance aux pays d'Europe du sud. Même l'habilité de Macchione, le patron de Fiat, ne semble pas les avoir convaincus qu'il pourrait aussi aider Opel. Il leur est toujours plus facile de se mettre d'accord avec des Américains et des Autrichiens qu'avec les pays Latins.
2/ Malheureusement, la politique de bas niveau et le jeu des syndicats allemands a eu le dessus sur une politique industrielle rationnelle. Le gouvernement en particulier voulait montrer qu'il savait défendre les emplois en Allemagne, ceci avant les élections générales de septembre. Magna a donné la garantie qu'il conserverait les 4 sites de production allemands, alors que Fiat n'a absolument pas voulu donner de telles garanties, sachant qu'une consolidation de l'outil de production s'imposerait. On passera sur le fait que la Belgique et l'Angleterre, où se trouvent 2 sites importants, ont compté pour du beurre. Ils seront les premiers à fermer. La coopération européenne ne fait pas le poids devant les intérêts politiques locaux. Mais ça on le savait déjà. On remarquera enfin que les partis présents dans la coalition gouvernementale (CDU/CSU, SPD) ont donné leur accord. Rendront-ils des comptes quand tout cela partira en vrille?
Il se peut aussi que "j'ai tout faux", et qu'il existe un accord confidentiel entre GM et Opel pour que dans 3 ou 5 ans, une fois Opel et surtout GM "assainis" chacun de leur côté, ils se remettent ensemble (Comme Philippe Riès le laisse entendre dans son article d'hier http://www.mediapart.fr/journal/economie/290509/gm-fiat-opel-et-les-autres-la-nouvelle-planete-automobile#comment-165004).
Encore faudra-t-il que les 2 entreprises au bord de la faillite soient plus en forme dans 3 ans que maintenant... A suivre donc...