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Billet de blog 16 avril 2017

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L’ADN des valeurs et la valeur de l’ADN ou le miroir des Machiavels

"Il est temps maintenant que chacun se reprenne et revienne à la raison".

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"Il est temps maintenant que chacun se reprenne et revienne à la raison".(1)
On ne saurait qu’abonder à la tirade que Mr François Fillon verbalisait, il y a peu, au terme de la réunion de son parti, ou il aura réussi l’inattendu exploit de tordre le bras à l’ensemble de sa famille politique et au-delà.
Si les mots hors contexte, on tout mon soutient, la situation qui nécessita cette tirade, me laisse abasourdi. Car en effet messieurs, il est temps de revenir à la raison, et peut être, dans un élan de sagesse républicaine, acter la scission que nous laisse voir le gouffre qui se creuse entre vous, et entre nous. Car à l’instar du pathétique mais nécessaire théâtre de la gauche irréconciliable, il me semble que le clan des éléphant (2), se trouve en position similaire de l’équilibriste au bord de la falaise. Les précipices n’étant pas les mêmes, le cheminement de la division reste semblable.
En ses jours de campagne ou le mot «rassemblement» sert de paravent au démembrement, je me remémore cette maxime qui voulait que «ce qui nous rapproche est plus fort que ce qui nous divise».   
Il apparaît maintenant fort probable que ce qui nous divise est bien plus important que ce qui nous rassemble.


Le contour des clans se faisant plus clair et plus visible de jours en jours, nous pouvons d’ors et déjà observer les marqueurs qui les définissent, car devant ce paysage politique mouvant, et constatant le repositionnement de ces curseurs, il est apparu un discours, à l’issu des primaires de la droite et du centre droit, actant les retrouvailles de ses acteurs avec ce qui a été nommé comme «l’ADN» de la droite. Chacun des perdants ayant validé la victoire du champion, tous se félicitaient d’avoir maintenant un digne représentant de leurs valeurs communes. «Défendre nos valeurs» est de fait devenu l’argument du tribun, malgré une définition plutôt vaporeuse.
Peut être est-il bon à ce moment de la campagne, d’observer les contours de ces valeurs constitutives de cet ADN.
Définies à grand trait, on peut distinguer «la valeur travail» par le train de mesures économiques ultra-libérales sensées rétablir la compétitivité de nos entreprises en vue du redressement financier de notre pays et d’une baisse définie comme massive du chômage.
Amusons-nous du paradoxe qui voudrait que favoriser le travail et le retour à l’emploi passe par des facilités de licenciement, une fiscalité minimum par le biais d’une baisse des charges finançant notre modèle social, qui n'aura d’autre effets, comme à son habitude, que de conforter ou développer les marges, précariser les détenteurs d’un contrat de travail et favoriser l’inflation des salaires des directoires. Le différentiel entre la demande et l’offre sur les postes à salaires médian ou inférieur demeurant négatif, la pression à la baisse des rémunérations demeurera pour cette tranche de travailleurs. De plus, accroître la charge des «insiders»(3), est un contre sens sur la création de postes.  A défaut de nouveautés, cette  méthodologie à déjà été appliquée par plusieurs disciples des théories de F.Hayek(4) et qui finit invariablement pas l’apartheid, entre trois groupe non-homogènes numériquement et hiérarchisés. Paupériser une partie importante d’une population décentralisée, précariser un nombre que l’on voudrait croissant du groupe des «insider» béni d’être dans l’emploi, favoriser les franges numéraires les plus élevées, qui se traduirait par le «ruissellement» de cette manne d’emplois et de capitaux libérés. Si la conclusion se veut une évolution verticale, l’horizontalité statique du postulat de départ rend l’équation caduque. Je finirai cet aparté en posant une question: avec qui doit on être compétitif? Car si la réponse est la Chine ou bien l’Ukraine, nous pouvons d’ors et déjà danser sur les cendres de notre contrat social.
Un point qui est devenu sujet, plus encore depuis que l’organisation «Sens commun» s’est emparée du représentant des bleus, avec son assentiment bienveillant, c’est la famille. A ce stade, je reconnais mon ignorance quand à la définition de la famille. Mon inculture ne prête pas à conséquences car eux le savent, ce que doit être une famille. D’ailleurs «la famille c’est une valeur. Ce n’est pas une variable d’ajustement budgétaire comme les autre»(5).
L'ex premier ministre nous donne d'ailleurs à voir un magnifique tableau représentatif de la sienne, que j’ai cru à tord disparu avec les vestiges passéistes du patriarcat autoritaire.
Enfin, faisons un tour dans l’argumentaire d’un pays fort, à l’autorité restauré, un pays fier et debout, une identité retrouvée et préservée. A défaut de l’emploi du mot «patrie» tombé en désuétude parce-que trop connoté, on s’emploie à définir le morphotype du français, pour définir la France. Je m’inquiète d’ailleurs du retour d’un reflex Girondin, perceptible dans certains meetings, qui voudrait opposer le bon sens du terroir provincial à une bourgeoisie Parisienne hors sol.
Je remarque cependant, que mis bout à bout, les discours du champion de la droite définissent surtout une politique de «fort avec les faibles, et faible avec les puissants».
Ceci ne sont que des grands thèmes, mais on peut distinguer l’ossature du triptyque «travail, famille, patrie». On pourrait croire à tord, que ce fondement est incroyablement répulsif et pitoyablement amnésique, et pourtant, de mon point de vue, la surcouche, l’enrobage est encore plus dévastateur.
Car je peux accepter et comprendre, sans jamais le partager, que l’on soit convaincu du bien fonder des préceptes du Pétainisme. Je comprends le principe de présenter une carte postale d’un passé idéalisé comme un futur enviable, définissant de ce fait, les bases intellectuelles du conservatisme.
Je suis en revanche tout à fait imperméable au respect forcé de l’irrespect-able.
En effet, quelle est cette valeur qui permet à un conducteur fou d’emprisonner ses passagers afin de les plonger dans l’abîme, que vaut ce néo-libéralisme débridé qui encourage le grand à manger le petit tout en se réjouissant que les miettes lui fasse repas. Quelle est cette valeur, qui ne cesse d’argumenter sur le moins d’état, occultant de ce fait l’essence même de l’état, qui se doit protecteur contre la loi du plus fort? Quelle est cette valeur qui autorise à dénoncer que le pot de confiture n’était pas rangé dans le placard lorsque l’on se fait prendre la main dedans?
Est-ce donc cela cet ADN retrouvé? Cet ADN permet il donc de trier ses vérités, de jouer avec les cerveaux les plus perméables afin de les dresser contre les autres? La porosité des idées ainsi que les programmes entre le parti du prince et de ce que l’on nomme encore l’extrême droite ne cesse de me stupéfier, est-ce cela cet ADN?
Si ce corpus de valeurs se résume à valider «Le prince de Machiavel» comme principe acceptable, voir recommandable afin de mener campagne, alors actons la scission entre nous.
Ce qui n’est pas acceptable dans notre quotidien et en nos foyers, se doit de l’être encore moins lorsque que l’on délègue notre parole au sein de la démocratie représentative.
De plus, cette séparation semble prendre un aspect de plus en plus naturel du fait que nous avons assisté communément à la naissance d’un centre gauche qui a pour effet de redéfinir la palette de couleur partant maintenant du rose pale au rouge vif. Le schéma est identique à droite, où l’on observe un dangereux rapprochement des lignes dures qui, si l’honneur est au rendez-vous, accouchera nécessairement d’un divorce avec ce qu’il restera de la droite réellement républicaine. L’éventail restera inchangé mais les forces majoritaires se déplacent vers la face la plus sombre. On peut d’ailleurs constater que plus qu’un bouleversement, c’est une évolution entamée en 2007 est qui arrive douloureusement à maturité.
Car à bien regarder la tournure prise par la campagne du «prince» depuis le début de ses déboires judiciaires, et le profil de certains composant de son entourage, un malaise profond et dérangeant me saisi lorsque j’entends le camps auto-proclamé républicain se persuader du lignage du grand Général alors qu’il illustre quotidiennement l’opposé par l’utilisation du clivage en place du rassemblement. J’ose espérer que le cercueil du général fut prévu avec assez de largesse pour prévenir des nombreux retournements dont il est victime actuellement.
Abonder en ce discours et valider cette attitude reviens pour ma part à accepter l’inacceptable, un exemple de malhonnêteté intellectuelle.
Accepter l’inacceptable ne fera jamais parti de mes propres valeurs, elle se définissent d’ailleurs inversement à ce postulat.
Car le mouvement que l’on observe actuellement au sein du peuple de droite, c’est de faire fi du représentant au profit du produit. Le programme plutôt que le candidat. Hors jugement des orientations programmatiques, que je ne partage pas, mais je conçois et respecte qu’il peut être un choix sincère, je m’étonne de ce raisonnement fallacieux qui voudrait que le discours ne soit pas dépendant de la légitimité de son porteur?
La probité et l’honnêteté de celui qui est censé être le meilleur d’antre nous, afin de nous représenter tous, n’est elle pas un sujet?
En caricaturant l’expression de ce raisonnement, cela voudrait-il dire que si Marc Dutroux écrivait le meilleur programme jamais conçus pour l’éducation national, il serais acceptable de lui confier un ministère de tutelle?
La réponse pourrait être que c’est évidement une question de curseur, je vous répondrai que c’est une question de principe. La somme des petites lâchetés du quotidien se solde généralement par une honte insurmontable. Deux réactions sont possibles sur pareil chemin, l’aveuglement de l’auto-conviction ou bien le redressement volontaire du refus.
Notre seuil d’acceptation est-il sans limite que nous acceptions d’être représenté par un modèle d’individualisme, l’incarnation de l’entièreté d’un pays peut-il se faire par le défenseur d’une caste?
Le spectacle de l’avènement des boutiquiers qui nous aura fait admirer les revirements et renonciations insensés de toute une famille politique, de toute les familles politique d’ailleurs, validant le principe que «la fin justifie les moyens», me plonge au-delà de l’amertume.
Car la politique, c’est une caisse de résonance de la parole, c’est une posture qui se doit d’être admirable, c’est le symbole du verbe et du geste, et à ce titre, la fin ne justifiera jamais les moyens.
Il arrive assez souvent que la noblesse politique oblige les moyens à primer sur la fin.
Car à des fins de lutter contre le chômage, le moyen ne saurait être de noyer les chômeurs, comprenez par là que l’efficacité ne peut s’affranchir de tout principes humains. L’hystérique moustachu allemand des années 30 nous à d’ailleurs fourni une parfaite illustration des effets de cette maxime sur des esprits débridés.
Nous en sommes donc à l’heure du choix, et avant d'être une orientation politique, il est un choix de vie, un choix de société. Car en ces temps troubles qui voient les porteurs de la parole, démonétiser le bien que nous leurs avons confié sur les principes de la démocratie représentative, en cette époque qui nous contraint à l’acceptation du cynisme comme expression, c’est une posture qui doit faire réponse.
Notre devoir de citoyen se confond avec notre devoir d’humain. Qui d’entre nous montre du doigt les turpitudes du voisin lorsque nous sommes mis en accusation?  Quelle est notre réaction à la découverte du chaos de la chambre d’enfants, malgré ses innombrables promesses de rangement, quel crédit accorde-t’on à la parole de notre semblable qui a fait nombreuses démonstrations de contres vérités.
Et nous-mêmes, notre personne, se grandît-on dans le mensonge, dans la duperie, dans la malhonnêteté? Quel reflets acceptez-vous, celui de la droiture de la vérité ou celui de la courbure de la compromission?
Devant votre miroir, vous êtes votre propre juge, vous êtes mis en accusation matin et soir.
Les partisans du «prince» nous répondent que oui, ils sont coupables, mais que cela n’est que de peu d’importance et que l’objectif final dépasse le chemin emprunté. Cela vaut pour les plus lucides alors que les autres se plongent dans une désolante négation du réel.
Le ministre de la propagande du 3éme Reich théorisait: «répéter un mensonge avec suffisamment de force et assez longtemps et les gens le croiront».(6)
Précisons que ce discours verra sont impact décuplé proportionnellement au fanatisme de l’auditoire, travail qui est mené actuellement par le représentant du slogan «le courage de la vérité»(sic).
Notre étique personnelle et collective est-elle à ce point en lambeaux, que nous acceptons un mensonge pour demi-vérité, que nous écoutons le cynique verbe du clivage comme discours de valeur?
Être citoyen sous-tend bien plus qu’être détenteur d’une carte d’identité, cela comporte une critique lucide  de nous même, de notre monde, et une relative noblesse de comportement.
Nous sommes le contre-pouvoir, et il en va de la responsabilité de chacun de se grandir quand on veut nous faire petit. Nous portons tous la responsabilité de la nation car nous sommes la nation, nous sommes les gouttes d’eau qui constituent l’océan.
C’est à ce titre que notre parole prend un poids particulier tous les 5 ans. J’ai conscience que le choix est rude, et à défaut de savoir réellement ce que nous voulons, sachons avant tout ce que nous ne voulons plus, ce que notre sentiment de petite grandeur nous interdit ou pas. Cela est un travail personnel et personne n’a à prendre le pas sur votre volonté à ce sujet.
Je veux croire qu’une fois son auditoire dissous, la parole fausse disparaîtra dans le même élan, car le néfaste ne réside pas dans le discours fou mais bien dans les oreilles attentives qui l’écoutent. 

Ne vous y trompez pas, je ne suis pas un farouche adversaire de Mr Fillon, je suis un adversaire de la situation qu’il nous impose à tous. Je suis rempli de honte et d’amertume que ce spectacle soit possible dans notre pays.
Le grand bond en arrière vient encore de faire un pas en avant.
(1)  Lundi 6 mars 2017 lors d’une réunion exceptionnel du comité politique de Les Républicains
(2)  Aux USA le parti républicain est symbolisé par un éléphant, les démocrates par un âne.
(3)  Vision économique impactant les niveaux de rémunération par l’opposition entre les insider du monde de l’emploi et les oustiders qui en sont exclu.
(4)  Friedrich Hayek 1899-1992, économiste philosophe, père de théories économiques libérales dont seront issues les orientations des gouvernements de Mme Thatcher et Mr Reagan.
(5)  Tweet de François Fillon le 14 juin 2014
(6)  Joseph Goebbels, principe verbalisé par Hitler lui-même sous une autre forme :«Un mensonge répété dix fois reste un mensonge; répété dix mille fois il devient une vérité»

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