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Billet de blog 7 avril 2016

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Le marché du recyclage en France à la croisée des chemins

Le recyclage est complexe de par son organisation, ses filières, sa structure économique. Face aux soubresauts de la crise chinoise et les tourments que vivent les éco-organismes, et dans un contexte d’économie circulaire, le secteur est en pleine mutation.

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Qu’on ne s’y trompe pas : si le recyclage en France génère des milliers d’emplois et affiche des milliards d’euros de chiffre d’affaires, tous les clignotants ne sont pas au vert. Après une baisse en 2013 et 2014 du volume de déchets collectés en raison de la crise qu’ont traversé les industries de transformation et l’artisanat, sources de déchets destinés à être recyclés, la locomotive économique du recyclage a poursuivi son ralentissement en 2015. En cause ? La crise financière chinoise. La Fédération des entreprises du recyclage (Federec), qui réunit plus de 1 300 petites et moyennes entreprises dans tout l’hexagone et dont 37% de l’activité est le recyclage de la ferraille (déchets d’acier broyé, extraits des véhicules mis à la casse, des appareils électroménagers ou des bâtiments) subit en effet de plein fouet le krach des bourses asiatiques de l’été dernier. Les recycleurs français restent dépendants des cours des Matières Premières Vierges (MPV). La récente baisse des prix causée par le dumping de ferrailles pratiqué par la Chine en réponse à une crise des matières les rend vulnérables. Et au-delà de l’éclatement de la bulle chinoise et la dévaluation du yuan, un chiffre donne le tournis : les usines chinoises absorbent, à elles seules, entre 40 et 50 % des matières premières mondiales. Donc, mécaniquement, si l’économie chinoise va moins bien, les exportations, notamment de la France vers l’Asie, sont moins importantes. Et de surcroît, Pékin a de moins en moins besoin d’importer de ferraille parce qu’elle utilise de plus en plus ses propres déchets d’acier. Certains spécialistes estiment que la Chine, peut-être dès 2020, pourrait même devenir un exportateur net de ferraille dont elle pourra inonder le marché mondial.

La situation des métaux non ferreux (aluminium, cuivre, zinc, plomb, nickel), qui représentent au total la moitié du chiffre d’affaires de la Federec, n’est guère plus réjouissante. Cotées en bourse, leurs valeurs sur le London Metal Exchange sont alarmantes. En janvier 2016, le prix de l'aluminium s'établit ainsi à 1 481,1 dollars la tonne, un cours en baisse de 18,4% sur un an. Pas mieux pour le cours du cuivre en baisse de 23,3% depuis janvier 2015 ou encore le plomb avec une chute de 11% sur un an.  

L’économie circulaire tire la FNADE vers le haut

L’autre versant du recyclage assuré par la Fédération nationale de la dépollution et de l’environnement(entreprises de services à la propreté comme Veolia, Suez…) est moins touché par la crise. La FNADE, qui rassemble 234 entreprises privées, des prestataires de services, des constructeurs, des bureaux d’étude et des fabricants de matériels affiche clairement sa volonté d’accentuer sa logique d’économie circulaire. Si le concept est à la mode et adopté par les Français dans leur vie de tous les jours, il n’en est qu’à ses balbutiements. Son principe : face à la consommation exponentielle des ressources naturelles, expliquée par la hausse de la consommation dans les pays développés et de l’essor démographique, l’économie circulaire se pose en modèle alternatif, basé sur une utilisation plus efficiente des ressources. Il s’agit, notamment, de transformer les déchets en matières premières. Un modèle qui s’appuie sur l’écoconception, l’écologie industrielle, le réemploi, la réparation, la réutilisation et le recyclage. Dans un contexte de renchérissement et de raréfaction des matières premières et de volatilité des cours, le recyclage contribue ainsi à renforcer l’indépendance nationale dans son approvisionnement en matières premières. Ce concept d’économie circulaire suscite donc de véritables ruptures bousculant certains principes économiques, juridiques et organisationnels.

L’opacité des éco-organismes

C’est le cas pour les éco-organismes, à la gestion complexe et opaque, qui devront revoir leur modèle économique s’ils ne veulent pas figurer parmi les perdants de l'économie circulaire.

Premier exemple, celui d’Éco-emballages, éco-organisme historique épinglé pour avoir effectué des placements à risques dans des paradis fiscaux en 2008. Si cet épisode a passablement terni l’image d’Éco-emballages, d’autres problèmes liés à la collecte sont pointés du doigt par la Cour des comptes. L’institution a rappelé début 2016 que les règles d’attribution aux entreprises et aux collectivités souffraient de complexité. Elle note la persistance d’une forte dispersion du coût de collecte et de tri entre collectivités (de l’ordre de 1 à 3) qui s’explique principalement par le mode de collecte (apport volontaire ou porte à porte ou mixte).

Éco-emballages n’est pas la seule structure à qui les sages de la Cour des comptes demandent une réorganisation opérationnelle. L’institution de la rue de Cambon appelle ainsi à "consolider" le dispositif des éco-organismes qui concourent avec beaucoup d’autres (producteurs, collectivités locales, opérateurs de collecte, de tri ou de valorisation) à la gestion des déchets. Leurs intérêts sont souvent antagonistes. Les pouvoirs publics leur ont fixé des objectifs très ambitieux. Pour les atteindre, la Cour considère que des conditions doivent être réunies, qui concernent l’information du consommateur, la transparence des données et la maîtrise des coûts.

D’autre part, la Cour des comptes évoque l’idée d’une solution radicale « qui consisterait à sortir la phase "tri" du service public de gestion des déchets et de confier une responsabilité opérationnelle en matière de valorisation aux éco-organismes ». Problème : qui dit argent public dit service public. Dans le cas des éco-organismes, les cahiers des charges d’agrément indiquent bien que la mission exercée est « d’intérêt général ». Mais la particularité des éco-organismes est que leurs actionnaires sont aussi leurs principaux contributeurs. Et leurs règles de fonctionnement font que plus ils sont efficaces (plus ils parviennent à faire collecter et recycler les déchets dont ils ont la responsabilité), plus ils doivent demander d’argent à leurs actionnaires-contributeurs, pour financer ou aider à financer la collecte et le recyclage. Ainsi, avec l’idée de « solution radicale » de la Cour des comptes, les conflits d’intérêts pourraient être légion. Une telle perspective supposerait, donc, qu'aucune entreprise intéressée au tri et à la collecte ne puisse devenir actionnaire des éco-organismes.

Une consolidation des recycleurs nécessaire

Le métier de ferrailleur, métier historique du recyclage en France, est au cœur de la consolidation préconisée par la Cour des comptes. Il est loin le temps l’image du ferrailleur sans scrupules volant une cloche d’église par ci, des rails de chemin de fer par là. Aujourd’hui, même si on recense quelques brebis galeuses, le métier s’est professionnalisé. 2016 sera ainsi peut-être l’année d’une restructuration comptable de la filière. Une hypothèse et une réalité économique envisageable dans la mesure où, avec 2 500 établissements pour 1 300 entreprises, une multitude d’entreprises de type PME, TPE pourraient être facilement absorbées. Derichebourg et Guy Dauphin Environnement pourraient être les maîtres d’œuvre de cette transformation. La première a bien compris l’intérêt de consolider ses comptes en absorbant plusieurs plateformes en 2015 et début 2016. Résultat : la crise du cours des métaux ferreux n’a pas eu d’impact sur le chiffre d’affaires de l’entreprise. Mieux : avec l’absorption de petites sociétés et de plus gros acteurs de la ferraille comme Gallo, Derichebourg, présente dans 14 pays, a réussi à améliorer le taux d'utilisation de ses matériels industriels de recyclage, en particulier de ses broyeurs.

Cette logique de consolidation rappelle la stratégie de Guy Dauphin Environnement, filiale du groupe Ecore, qui, depuis les années 1980, accentue sa politique de croissance externe fructueuse à travers son cœur de son métier : le recyclage des ferreux, de l’acier en particulier, et des non ferreux. Initialement installée dans le Calvados, puis en Bretagne, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Ile-de-France, GDE a réussi à s’implanter en 2011 dans l’Est grâce au rachat de Metalifer. Prochains objectifs de GDE, qui a réussi à s’élever comme le principal concurrent de Derichebourg : une implantation dans le Centre et le Sud-ouest de la France.

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