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Olivier Faure

Premier secrétaire du Parti Socialiste. Député de la 11ème circonscription de Seine-et-Marne

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Tribune 10 mai 2025

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Le socialisme écologique, une idée qui fait son chemin

À l'occasion de l'anniversaire de l'élection de François Mitterrand, le Premier secrétaire du Parti Socialiste Olivier Faure se remémore un « espoir qui se conjuguait enfin au présent » et aspire à « un souffle et une vision à retrouver. » Il appelle à « inventer un socialisme écologique » qui liant justice sociale et climatique serait un rempart aux nationalistes et à l'extrême droite.

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Premier secrétaire du Parti Socialiste. Député de la 11ème circonscription de Seine-et-Marne

Le 10 mai 1981, collégien, j’ai vu les tours de mon quartier s’embraser dans un élan d’allégresse. Cette victoire fut la plus belle parce qu’elle venait après une si longue marche dans l’opposition, après tant d’années d’abnégations de milliers de militants, mais surtout parce que pour des millions de Français, l’espoir se conjuguait enfin au présent. Il n’y a rien de nostalgique dans cette évocation. Simplement un souffle et une vision à retrouver.

Dans ce moment de grande bascule du monde, je repense et revois le visage marmoréen de ce vieux président qui le 17 janvier 1995, au seuil de sa vie, était venu livrer son testament devant le parlement européen.

Enfant d’un siècle apocalyptique, contemporain de deux guerres mondiales, il prononça ce jour-là, ces mots qu’il souhaitait préventifs et qui sont devenus prédictifs :

« Il faut vaincre ses préjugés ... il faut vaincre notre histoire car si on ne la vainc pas, il faut savoir qu’une règle s’imposera : Le nationalisme, c’est la guerre. La guerre, ça n’est pas seulement le passé. Cela peut être notre avenir. »

Nous en sommes là. Les nationalistes sont de retour. L’extrême droite alliée à l’extrême argent. Cet argent qui, pour reprendre ses mots, « corrompt jusqu’à la conscience des hommes ».

De la Russie de Poutine, nous n’avions rien à attendre. De nos alliés américains sur lesquels nous nous sommes si souvent reposés, davantage. Désormais nous savons que les vents sont mauvais d’où qu’ils viennent. Et qu’il appartient à notre génération, française et européenne, de s’affirmer pour ne plus procéder que d’elle-même. A l’heure des nouveaux prédateurs, il faut opposer plus qu’une résistance, une espérance. Jean Moulin ne s’était pas limité à combattre l’oppression, il avait bâti avec ses frères d’armes, un programme, celui des « jours heureux ». Parce qu’il n’y a rien de plus puissant qu’une idée pour laquelle se battre.

Et c’est ici qu’à nouveau, il faut évoquer l’avenir d’une idée, l’idée socialiste ! 

Le changement auquel notre monde est confronté - technologique, climatique, géopolitique - s’annonce en effet radical. C’est tout le pacte humaniste issu de la victoire sur le nazisme qui est aujourd’hui remis en cause. Et la tâche qui nous incombe est de donner à l’exigence de paix, de démocratie et de fraternité humaine, un nouveau socle.

Ma conviction est que l’idée socialiste, née du combat immémorial de l’humanité contre l’injustice, annoncée par la Révolution française, aiguisée par les luttes ouvrières, consacrée par les grandes réformes sociales qui ont émaillé la deuxième moitié du siècle dernier, peut et doit en être l’alliage.

Parce qu’elle voit dans la communauté humaine un ensemble dans lequel l’égalité est le moyen de la liberté ; parce qu’elle refuse de considérer l’homme en dehors de sa condition sociale et matérielle, c’est-à-dire aussi écologique ; parce qu’elle est par conséquent seule en mesure d’ajuster l’exigence de justice sociale, qui lui est consubstantielle, à l’exigence nouvelle de justice écologique qui s’impose désormais.

Notre mission, celle de notre génération, est d’inventer un socialisme écologique qui mettra toute son énergie à combattre les forces qui détruisent le vivant parce que ce sont les mêmes qui exploitent le travail des hommes et les ressources de la planète, au risque de nous priver de ce qui fait notre humanité.

Que nous dit le socialisme ? Que l’individu et le droit à l’exercice de la liberté que lui a donné la Révolution ne peuvent être compris indépendamment des moyens concrets qui leur sont garantis ? 

Que nous dit l’écologie sinon que la vie de l’homme ne peut se concevoir indépendamment du monde naturel et vivant dans lequel il se trouve ?

L’économie ne peut prétendre déterminer la loi fondamentale ni la finalité profonde, et il appartient à la communauté humaine de la définir en élargissant sa responsabilité à toutes les dimensions de vie sur terre. Au recul des droits humains s’ajoute la dégradation de nos ressources. Ce n’est pas une coïncidence. Cette dégradation indiffère l’avidité et la cupidité des puissants.

L’enjeu est dès lors de concevoir une société de coopération qui pense l’humain en relation avec tout ce qui le fait vivre.

Cela doit nous conduire à réviser notre vision de la croissance pour lui préférer une mesure des progrès du bien-être, de la qualité de vie, de la santé et de l’éducation.

Cela doit nous amener à approfondir notre conception de la démocratie pour associer les citoyens à chaque étape du combat à mener pour la justice sociale et écologique, notamment dans le cadre de la stratégie de planification que celle-ci requiert : ajuster la fiscalité en faisant porter l’effort d’abord sur les plus riches, soustraire aux marchés ce qui relève des biens communs, soutenir l’économie circulaire, sortir des énergies carbone… À chaque fois, sous le contrôle et l’évaluation des citoyens.

Cela doit nous entraîner à approfondir encore la lutte contre les inégalités, puisque ce sont les plus fragiles socialement qui sont aussi les plus exposés aux conséquences du réchauffement climatique et au recul de la biodiversité.

Cela doit nous obliger à assumer nos responsabilités dans la défense de la paix, en nous attaquant notamment aux causes profondes de déstabilisation que sont les inégalités de développement et le rôle dangereux joué par les sociétés transnationales dans l’accaparement des ressources naturelles. Ce qui nous conduira à élargir nos alliances à d’autres continents, d’autres partenaires, d’autres peuples pour faire respecter leur dignité et changer les règles du jeu mondial.

C’est cette ambition humaine intégrale, globale, que nous devons porter.

Mitterrand encore, cette fois à Cancun en octobre 1981, avec ce discours puissant sur la liberté des peuples et la force de l’histoire de la France révolutionnaire dans sa lutte pour la dignité humaine :

 « A tous les combattants de la liberté, la France lance son message d'espoir.

- Salut aux humiliés, aux émigrés, aux exilés sur leur propre terre qui veulent vivre et vivre libres.

- Salut à celles et à ceux qu'on bâillonne, qu'on persécute ou qu'on torture, qui veulent vivre et vivre libres.

- Salut aux séquestrés, aux disparus et aux assassinés qui voulaient seulement vivre et vivre libres.

- Salut aux prêtres brutalisés, aux syndicalistes emprisonnés, aux chômeurs qui vendent leur sang pour survivre, aux indiens pourchassés dans leur forêt, aux travailleurs sans droit, aux paysans sans terre, aux résistants sans arme qui veulent vivre et vivre libres

- A tous, la France dit : Courage, la liberté vaincra »

Oui la liberté vaincra si nous faisons obstacle à la vague réactionnaire, identitaire, qui monte et que la droite libérale déjà vaincue, s’ingénie à imiter ; à nous de nous mobiliser contre les conséquences irréversibles que l’indolence climatique des gouvernements fait courir à la planète et à la cohésion future de nos sociétés ; à nous d’offrir aux peuples, plutôt qu’un « sauve qui peut » nationaliste, les outils d’une nouvelle alliance humaniste, pacifique, démocratique et fraternelle.