Le propos est extrêmement documenté, méticuleux, circonstancié, argumenté, hautement pédagogique et persuasif lorsqu’il s’agit de quantifier les sources d’énergie disponibles face aux besoins indispensables, d’en évaluer les potentiels respectifs, les avantages et les inconvénients, les déficits, les économies inévitables, les prévisions, les choix qu’il nous faut faire pour le climat… C’est fouillé, passionnant. On comprend bien tout. Le ton est martial. Y’a pas de place pour le doute.
En résumé : c’est sûr et certain, de l’atome, y n’en faut ! Y’a pas moyen d’y couper. Mais vous savez, c’est pas si dangereux que ça ! Tchernobyl et Fukushima ont tué moins de gens que la cigarette, les accidents de la route, les guerres...
On admet que peut-être bien, dans le fond, ouais, faut voir, si c’est obligé… On chancelle. On commence à fléchir. Ça fait deux heures que ça dure. On approche de la fin. Il va conclure. L’apothéose est imminente.
C’est alors que du fond de la salle émerge une petite voix (sans doute une groupie extatique en mal de selfie). Et la petite voix demande : « Pour les déchets ; qu’est-ce qu’on fait ? »
Et là, tout d’un coup, paf ! La rationalité se fait la malle dans un hoquet. Ça doit être l’heure de l’apéro. On est saisi d’ivresse. On se rue sur les cacahuètes.
« Les déchets, on les enterre et on les oublie », qu’il dit.
Est-ce qu’il y a moyen de faire autrement ? On ne le saura pas. C’est pas prévu. Puisqu’on vous le dit. Y’a qu’à, faut qu’on...
Et le spectateur-péquin-lambda se dit : crotte de bique, jusque là je pigeais à peu près, mais le coup de la merde-au-chat sous le tapis, je savais pas que ça procédait d’une méthodologie scientifique.
Ben si, que dit le professeur savant ! Au Gabon, y’a deux milliards d’années (en gros), la Terre s’est fabriquée (toute seule sans qu’on lui demande) un vrai réacteur plein d’uranium-nium qui, c’est certain, n’a jamais tué personne. D’ailleurs personne de ce temps-là n’est venu se plaindre. Donc on peut faire pareil dans la Meuse avec nos petits bras. Pour le tout venant du délétère, faut tabler sur trois/quatre siècles. Ça va, quoi ! Pour les trucs les plus dangereux, comptez quand même 100.000 ans, mais y’en a tellement peu que c’est même pas la peine qu’on en parle.
Le tout semble-t-il est de bien régler son souffle et sa foulée.
Et le péquin se dit encore : tant que le sachant sait, tant qu’il le prouve avec des arguments qui ont l’air de tenir la route, on salue, on s’incline, on remercie, on se sent moins con, on irait presque jusqu’à bientôt voter pour...
Mais dès que le sachant ne sait plus et se met à louvoyer dans le brouillard en nous lançant des clins d’œil de baroudeur prêt pour l’aventure... Gaffe ! C’est là que commence le délire. Parce que pour parier sur les trois siècles et plus encore sur les 100.000 ans qui viennent, même Madame Soleil s’est dégonflée.
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