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Billet de blog 4 octobre 2023

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Pour en finir avec l’écologie punitive, un seul remède, une économie démocratique

Dans un renversement significatif des étymologies, écologie et économie sont employés à contresens. Et si on remettait un peu d’ordre dans tout ça ?

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L’écologie, c’est, étymologiquement l’étude produisant un discours (logos) de la maison, de la famille, de la maisonnée, du patrimoine (oikos signifie tout cela en grec) donc de notre environnement matériel, social. Les écologues ou écologistes sont, au sens étymologique, des gens qui étudient notre environnement dans toutes ses dimensions.

Comme ces scientifiques ont vite compris que notre environnement / patrimoine / société se dégradait à vitesse grand V, ils se sont engagés dans l’action politique, dans deux directions opposées.

Il y a le premier type d’écologues / écologistes.

Les personnes de ce premier type ont milité pour la protection, la restauration de l’environnement, voire la réinvention d’un environnement meilleur, ont même créé des organisations et des partis politiques, et ont fait main basse sur le label « écologiste ».

Bien leur en a pris, puisque tout le monde ou presque voudrait un environnement meilleur, ils ont fait des voix.

Mais, effet pervers de cette appropriation, personne ne parle des écologues / écologistes du deuxième type, ceux qui, pas plus bêtes que ceux du premier type, et pas moins instruits, constatant comme les autres la dégradation de l’environnement, ont fait le choix de l’accélérer.

Il existe une grande variété d’écologues / écologistes du deuxième type : ceux qui mentent sciemment sur la pollution qu’ils génèrent, ceux qui veulent vendre leurs combustibles fossiles avant épuisement de leurs stocks, ceux qui disent qu’il n’y a rien à faire pour contrer le changement climatique, d’origine naturelle, ceux qui crient que la maison brûle et remettent des bûches dans la cheminée, ceux qui vendent des solutions miracles et des potions magiques, ceux qui font leur beurre de la dépollution et seraient bien embêtés s’il n’y avait plus de pollution, j’en passe et des pires.

Le problème est que ce sont ces écologues / écologistes du deuxième type qui sont au pouvoir partout dans le monde, et qu’ils pratiquent l’écologie punitive avec des raffinements de cruauté qui feraient pâlir d’envie les spécialistes de la torture: ils nous font rôtir, ils nous inondent, ils nous asphyxient, ils nous empoisonnent, ils cassent les liens sociaux, ils font des guerres et nous font la guerre.

Ils ont choisi d’utiliser leur connaissance de l’écologie, brillamment démontrée par les rapports internes des multinationales de l’énergie, de la chimie, etc., pour nous « punir » et s’enrichir à nos dépens, monétaires et vitaux. L’expression punition n’est peut-être pas la meilleure, car nous ne sommes pas coupables de leurs méfaits, contrairement à ce que dit leur propagande culpabilisante qui tient à nous faire pisser sous la douche et ne prendre la bagnole que pour aller au boulot. Ils font plutôt penser à ces bandits qu’on appelait les chauffeurs, qui rôtissaient la plante des pieds de leurs victimes pour les rançonner. Ils chauffent tout, les pieds, l’atmosphère, les salles pour leurs larbins politiciens. Sans doute inspirés par Orwell, ils ont réussi à appeler écologie punitive tout ce qui s’oppose à leur pratique de la torture.

Autre grande victime des trafics d’étymologie, le mot économie. C’est toujours le même oikos, maison / famille / maisonnée / société / environnement, mais il ne s’agit pas de l’étudier et d’en parler (logos), mais de l’ordonner, lui apporter une règle, une loi (nomos). L’économie au sens étymologique serait donc l’art de donner des règles pour la tenue de notre maison (celle qui brûle). Ce serait du management, étymologiquement encore le fait de tenir son ménage.

Le problème, c’est que ceux qui fixent les règles, les économistes au sens étymologique, sont en fait les gens au pouvoir, dans les entreprises, l’état, la société, et que ce sont nos écologistes punitifs de tout à l’heure, nos chauffeurs.

Mais ils prétendent n’être que des élèves studieux, ils ne font que respecter les règles scientifiques élaborées par ceux qu’on a coutume d’appeler « les économistes ».

Ces  « économistes » devraient en bonne logique s’appeler des écologues, puisqu’ils cherchent à comprendre ce qui se passe dans notre maison, précisément, pour ce qui est de leur spécialité, des écologues de la production de biens et services, bien sûr dans le contexte où elle s’exerce, « naturel », social, politique, etc.

Mais la plupart de ceux qui ont raflé la mise sur le terme économie / économique / économiste (les « orthodoxes ») prétendent découvrir des « lois naturelles » de « l’économie » et se contenter de les expliquer, faisant comme si les économistes (étymologiques, ceux qui nous gouvernent) ne faisaient rien, alors que ce sont ces derniers qui ont fixé les règles du jeu et manipulent les pièces. C’est l’ordre (nomos) qu’ils ont imposé que ces « économistes » observent et érigent en logos.

C’est comme si l’observateur une partie d’échecs, ne sachant pas que des règles ont été fixées et que des joueurs sont à l’œuvre, déduisait de son observation que la nature des pions est de se déplacer alternativement de case blanche en case noire, sauf pour manger une pièce de l’adversaire.

Aujourd’hui, pour les écologistes punitifs et économistes étymologiques qui nous gouvernent, vu les règles et la position des pièces, c’est échec et mat en trois coups contre toute défense. Il n’y a pas d’alternative, autant en emporte le vent, pardon l’ouragan, après moi le déluge (et peut-être même avant), donc autant continuer à profiter au maximum, peut-être aussi avec l’espoir halluciné que les règles de la physique sont aussi plastiques que celles qu’ils ont promulguées pour la société et l’économie ou qu’ils vont vivre sur Mars quand Courchevel sera désertique.

Ou alors, on change les joueurs et ils définissent de nouvelles règles. C’est au peuple de décider des normes, au peuple d’être « l’économiste en chef » comme on dit de nos jours, parce que c’est sa maison qui brûle, ses pieds qui rôtissent, sa bouche qui s’assèche, son sang qui s’empoisonne, ses poumons qui se vitrifient et sa bicoque qui prend les bombes.

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