Le film Don’t look up présente une satire assumée de la réaction au changement climatique. Au centre de l’action, on trouve Peter Isherwell et son entreprise Bash qui suggèrent une “autre approche” face à l’astéroïde. Si Isherwell et Bash sont des caricatures, le “techno-optimisme” qu’ils incarnent n’est-il pas ce qui nous a gouverné ces dernières années ? “Le progrès technique nous sauvera et une action systémique n’est pas nécessaire”, semblent-ils dire. Le bilan climatique du dernier quinquennat à cet égard est inquiétant. Aujourd'hui, demandons une autre politique climatique, car face au dérèglement planétaire, le techno-optimisme ne suffit pas !
Comme documenté par le GIEC, l’influence humaine sur le climat et la biodiversité est chaque jour plus manifeste, le déni et la non-action sont en perte de vitesse, mais le techno-optimisme est sur une pente ascendante.
Le déni et la non-action correspondent à la politique menée par D. Trump pendant son mandat présidentiel. Dans le film, cette position s’identifie à la campagne Don’t look up de la présidente Janie Orlean et ses conseillers. Celle-ci s’effondre quand la comète devient clairement visible… Comme dans le film, les effets du changement climatique deviennent de plus en plus évidents et le déni de plus en plus difficile à justifier.
A contrario, le techno-optimisme gagne du terrain. Il suppose que des progrès techniques nous épargneront les pires dégâts des scénarios climatiques et de biodiversité compilés par le GIEC et l’IPBES. Dans le film, le techno-optimisme est incarné par Peter Isherwell et Bash. Délaissant les solutions existantes et systémiques, il s’agit de “ne pas changer tout de suite” et de s’en remettre à des solutions techniques expérimentales ou actuellement inexistantes, afin de prolonger des modèles économiques lucratifs. Dans la réalité et par exemple, Bill Gates écrit dans le Financial Times que l’innovation “est le seul moyen pour le monde de diminuer ses émissions de gaz à effet de serre” pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Il n’est pas le seul à tenir ce discours, toujours plus présent politiquement en France. Sous une autre forme, le techno-optimisme énonce : “sans progrès techniques significatifs, le changement climatique et l’Anthropocène signifient la fin de nos sociétés”.
En réalité, attendre rend seulement la situation plus douloureuse. Des actions fermes décidées en même temps que le protocole de Kyoto en 1997 auraient évité l’essentiel du réchauffement actuel, tout en étant plus simples que celles nécessaires aujourd’hui. Ne commettons pas la même erreur aujourd’hui : poursuivre le business as usual en priant pour que l'innovation nous tire de l'embarras n’est ni la seule option existante, ni la plus efficace, ni la plus sûre ! Si l’innovation technique est importante, ce n’est pas elle, mais la transformation de nos modes de vie et de production qui doit constituer le cœur de notre réponse climatique.
Le techno-optimisme s’identifie à travers son discours, ses actions et ses motivations. Comment évaluer le quinquennat passé sous ces angles-là ? Les bilans climatiques existants et le cas de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) montrent que si le discours est fort, les actions restent insuffisantes.
Trois sources évaluent globalement l’action climatique de ce quinquennat : les rapports du Haut Conseil pour le Climat (HCC), une étude du cabinet Carbone 4 et l'évaluation du BCG commandée par le gouvernement. Si approches, périmètres et ressources de ces bilans diffèrent, ces documents issus d’institutions indépendantes s’accordent tous sur un point : les mesures prises ne suffisent pas pour que la France respecte ses engagements de l’accord de Paris de 2015.
La CCC fournit un autre exemple. Constituée de 150 citoyens tirés au sort, elle est née d’une volonté présidentielle et s’est réunie avec le mandat ambitieux de définir des mesures “permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre [...] dans un esprit de justice sociale”. Très concrètement, la Convention a avancé 149 propositions pour atteindre le but fixé. Alors que E. Macron avait promis d’appliquer “sans filtre” (suivant ses propres mots) les propositions de la CCC, sa majorité n’a repris ses travaux que très partiellement. Par exemple, la Convention proposait d’instaurer un malus pour les véhicules neufs de plus de 1400 kg (26 % des ventes), la mesure ne s’applique finalement qu’au-delà de 1800 kg (moins de 2 % des ventes).
Reste les motivations : on se rappelle d’E. Macron renvoyant ses contradicteurs au “modèle Amish” et au “retour à la lampe à huile” au sujet de la 5G. Cette réaction simpliste n’est pas à la hauteur des enjeux. Le discours du 12 octobre 2021 est dans la même veine : la décennie critique pour les objectifs de l’accord de Paris se termine en 2030. Dans ce contexte, prototypes d’avions bas-carbone ou relance de l’aventure spatiale (!) à la même date ne sont que des diversions !
Le constat est clair : des discours ambitieux, des mesures immédiates insuffisantes et une foi aveugle en le progrès technique. La politique climatique de ce quinquennat est techno-optimiste. Que faire alors ? Reprendre les propositions de la CCC et les approfondir pour le prochain quinquennat. La crise ukrainienne rend encore plus urgente la réduction de notre dépendance aux énergies fossiles.
Dépasser le techno-optimisme est impératif : son échec est déjà prévisible voir programmé, car il n’y a pas de négociation possible avec une concentration en CO2. Dans le film, cet échec anéantit l’humanité. Dans la réalité, le GIEC note dans un projet de rapport fuité en 2021 : « La vie sur terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes. L’humanité ne le peut pas. ». Ces mots ont un sens. Face à l’urgence climatique, le techno-optimisme ne suffit pas.