Juin 1980, je me souviens des conseils de mon père avant l'entretien d'entrée au lycée agricole de Chambray:"Surtout tu leur parles pas de tes théories fumeuses!" J'ai rien dit. pas un mot sur le fait que ce monde semblait perdre la boule (du haut de mes 14 ans tu parles), pas un mot de mes premières lectures , de mon souvenir d'un vieux monsieur qui versait une larme en agitant un verre d'eau, pas un mot sur la souffrance animale, Greenpeace et autres babacooleries cibles de toutes les risées d'une France forte et fière de ses rendements agricoles , de sa technologie qui allait assurer ll'alimentation de toute la planète, sûre de l'infini potentiel de la nature et de l'infaillibilité de ses politiques.
Pourtant , il semblait évident que ... mais non.
Trois ans d'études plus tard et un bac agricole en poche, je quitte les rations alimentaires, les amendements artificiels, les quotas laitiers et les montants compensatoires; dégouté de ce modèle absurde dont je ne veux plus entendre parler. Et comme tout le monde , je continue mon chemin de consommateur Des amis ont continué dans cette voie de diverses façons; du gros céréalier à l'éleveur de chèvres dans les Cévennes. Depuis trente cinq ans , je vois ce monde agricole se déliter devant nous à l'instar de l'éducation , des transports ou de la santé
35 ans ! 35 ans que de multiples voix hurlent à la machine industrielle de freiner, 35 ans que des citoyens , des associations, des municipalités parfois crient à la folie meurtrière de ce système mercantile absurde et assassin.Et l'on voit aujourd'hui des "paysans" perdus, éperdus , hagards quémandant encore un crédit pour continuer à produire du porc sur caillebotis "Vous comprenez c'est ma vie , je suis né dedans" qu'ils disent en reniflant. mais si tu es né dedans, sors vite!!!Les infos nous abreuvent de lieux communs et d'approximations, on fait pleurer le chaland avec des drames familiaux , des faillites, des crédits... Mais ce système, ils se sont jetés dedans en battant des mains et en se foutant des écolos barbus qui leur prédisaient la chute de cet échaffaudage branlant.La FNSEA, ce tremplin pour coqs de cantons, les a assuré de son soutien , de leur bon droit, de la marche de l'histoire. Et maintenant? Et maintenant , le château commence à trembler, le sable sur lequel il repose est lui aussi maintenant un produit et l'édifice s'écroule. Ces braves paysans , si fiers de leurs productions commencent à comprendre que le fruit de leur travail est pourri.Ces protecteurs de la nature, de la culture et de la tradition déversent le lait dans les rivières , brulent des pneus , répendent du lisier dans les cours d'eau, ils souillent leur propre couche, preuve du respect et de l 'attention qu'ils portent à l'environnement. Pas une fois d'ailleurs le mot environnement, l'idée de souffrance animale n'est évoquée. Ca c'est pour les idéalistes, nous on parle subventions, crédits et couts de production. Ce midi, à l'heure des infos, le gouvernement annonçait les premières subventions. Vous savez quoi ? Crevez.