Un consensus mou entoure la réception critique du dernier film d’Oliver Laxe, Sirat, dont le scénario est l’un des plus bidons qui soit et dont la réalisation rappelle le pire du cinéma des années 1980. Le synopsis de départ n’est pas en soi inintéressant : un père, accompagné de son jeune fils, part à la recherche de sa fille dont il n’a plus de nouvelles depuis 5 mois. Le voici dans le désert marocain demandant aux participants cosmopolites d’une rave party des nouvelles de sa progéniture. Très vite, les fêtards sont délogés par les forces de l’ordre dans une séquence d’une rare grossièreté : l’une des participantes et héroïnes du film choisit d’uriner outrancièrement devant un jeune militaire qui n’en demandait pas tant.
Le père, Luis, incarné par un Sergi López plutôt convaincant, suit 5 ravers que l’on présentera comme autant d’adolescents attardés, partis en direction de la Mauritanie en quête d’une nouvelle fête en plein désert. Le film lorgne en direction d’une dystopie ridicule où l’on comprend que la troisième guerre mondiale, opposant des belligérants qui nous resteront inconnus, vient d’être déclarée. On a connu scénario moins poussif.
Le film ennuie par ses péripéties creuses, par ses séquences de survie dignes d’un téléfilm de fin de week-end jusqu’à ce que survienne le rebondissement le plus inepte qu’il nous ait été donné de voir au cinéma : enfermé en compagnie de son chien dans la voiture de son père, le fils de Luis voit la voiture de celui-ci reculer en marche-arrière et finalement tomber dans un ravin. Si le réalisateur nous épargne l’horreur de la séquence, restant fort heureusement hors-champ, il n’en relance pas moins son histoire à partir de ce drame dont la raison d’être est de terrifier le spectateur.
Dans son film Funny Games, le réalisateur autrichien Michael Haneke, encourageait paradoxalement le spectateur à quitter la salle s’il ne tenait pas à assister à une montée en puissance de l’horreur. Rien de tel ici puisque nous voilà embarqués dans un scénario digne d’un jeu vidéo dans lequel la plupart des protagonistes finiront par exploser, piégés par un terrain miné. La plupart des spectateurs enthousiastes de ce film niais prétendent qu’il ne faut rien spoiler ou divulgâcher, sauf que ce film est un gâchis à lui tout seul. Le spectateur finit par être piégé par un dispositif scénaristique jouant avec des peurs dont on se demande si elles sont plus archaïques que puériles. Le cinéma n’est pas un jeu vidéo dans lequel il serait loisible même de jouer avec la vie de ses personnages ; à moins d’assumer la part de nihilisme qui semble être au cœur d’une note d’intention qu’on préfère ignorer.
« Sois sûr d’avoir épuisé tout ce qui se communique par l’immobilité et par le silence » : à l’adage de Robert Bresson, Laxe nous épuise à partager tout ce qui se communique par le mouvement perpétuel et une musique assourdissante ; et ce n’est pas faute d’être nous-même un amateur de musique techno.
L’image qui nous est donnée des populations autochtones est d’un orientalisme frisant le mépris, et résolument anachronique. La séquence dans laquelle un jeune berger faisant paître son troupeau de chèvres s’enfuit loin de ces barbares chevelus, tatoués, grotesques, relève d’un ethnocentrisme gênant. Le film vaudrait pour la beauté époustouflante de ses paysages ? Suffit-il de poser sa caméra en plein désert pour séduire des spectateurs en mal d’évasion ? Antonioni, Wenders ou Bruno Dumont ont su faire évoluer leurs personnages dans des espaces désertiques, solitaires voire hostiles, en les mettant au service de leur narration. Les personnages créés par le réalisateur n’emportent à aucun moment l’adhésion : ce sont des brûlés vifs, des amputés de la vie dont l’un arbore fièrement un tee-shirt aux couleurs du Freaks de Tod Browning ; argument d’autorité nul et non advenu.
De quelle monstrueuse parade nous parle-t-on ici ? De la douleur d’un père ayant perdu son enfant ? Là n’est même pas le cœur du sujet tant le réalisateur s’évertue, en évitant tout pathos, à tomber dans un film de série Z vide et creux. Nul ! On reverra Mad Max pour rire ou les films de Luc Besson, dût-on en mourir d’ennui.