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Aujourd’hui, je voudrais apporter une précision. Pas une justification, mais une précision. Parce qu’on les entend déjà à la mairie. Je l’entends déjà moi, Estrosi : "Pourquoi manifester suite à un crime islamophobe, et ne pas participer aux rassemblements contre l’antisémitisme organisés par la mairie de Nice ?"
Et c’est vrai que si on ne regarde pas les choses de près, ça peut poser question.
Parce que Christian Estrosi, le maire de Nice – et j’y mets aussi Éric Ciotti et tous leurs copains, c’est pareil – organisent tout de suite des hommages et des discours de soutien dès qu’il s’agit d’un acte antisémite. Très bien. Ce n’est pas ça qu’on va leur reprocher. Ce qu’on leur reproche, c’est de faire de ces rassemblements de soutien des événements islamophobes.
Pour eux, la lutte contre l’antisémitisme n’est utile qu’à partir du moment où ça peut leur servir dans leurs agendas, pour taper sur les musulmans, les musulmanes, et plus largement sur les personnes racisées. Précisément en les assimilant – je mets des guillemets – à de "nouveaux antisémites".
En instrumentalisant la lutte contre l’antisémitisme de cette façon, ils dressent les gens les uns contre les autres, provoquent encore plus de tensions, et ils alimentent le racisme. Ce qui n’arrange en rien la lutte contre l’antisémitisme. Bien au contraire.
Au hasard : qu’est-ce qu’on n’a pas entendu sur les manifestations de soutien au peuple palestinien les samedis, place Garibaldi ? Comme quoi elles favoriseraient la montée de l’antisémitisme, en chatouillant des relents communautaristes. Ce n’est pas raciste, ça, comme argument ?
Parce que quand on y réfléchit bien, le rempart à l’antisémitisme, c’est de notre côté qu’il se trouve. C’est nous qui faisons tout pour ne pas essentialiser les juifs de France et du monde entier avec les agissements de l’État israélien. C’est de notre côté qu’il n’y a aucune ambiguïté entre les termes antisionisme et antisémitisme. Pas dans leurs cerveaux aliénés.
La partie de la gauche qui ne flanche pas sur la question palestinienne en prend pour son grade également. On est qualifié de collabos, de lâches… j’en passe. Notez bien la sémantique : si on est des collabos, c’est que nous sommes envahis. Mais par qui, dites-moi ? Qu’est-ce qu’il entend par là, Estrosi, quand il parle de "cinquième colonne islamiste" ?
Depuis le 11 septembre 2001, d’années en années, ils ont réussi à immiscer dans les têtes ces concepts de "guerre de civilisation" et de "grand remplacement". C’est particulièrement vrai chez les chroniqueurs de plateaux télé et radio, complètement radicalisés. Sérieusement, CNews, c’est devenu Radio Mille Collines aujourd’hui.
Quand j’ai été candidat insoumis pour la campagne du Nouveau Front Populaire, j’ai été accusé par Estrosi de "porter les valises de l’antisémitisme". Il a dit ça face à Jean-Jacques Bourdin sur Sud Radio, une radio écoutée par la France entière. Au passage, on note qu’il considère les porteurs de valises comme des collabos. Ça veut tout dire.
Dans un contexte et une ambiance pareille, il est impossible de participer à leurs rassemblements, qui sont de véritables pugilats contre les musulmans, contre les étrangers, contre toute la gauche qui ne lâche rien.
En juin dernier, au lendemain du viol collectif d’une jeune fille juive à Courbevoie – viol qui avait été aggravé par son caractère antisémite avéré – différentes organisations amies, comme la Ligue des Droits de l’Homme, ont organisé un rassemblement de soutien place Garibaldi. En dehors de tout cadre municipal. Sans Estrosi, sans Ciotti, sans Vardon.
Nous y sommes allés. Nous, les militantes et militants de la France insoumise, aux côtés de tout ce que Nice peut compter de militants et sympathisants antiracistes sincères. Eh bien, ça a été une véritable respiration.
Et c’est pour ça qu’il faut se réapproprier toutes les luttes antiracistes. Et ne rien attendre des autorités locales pour faire quoi que ce soit. Ils sont les diviseurs, et ne permettront jamais une quelconque concorde nationale sur ce sujet.
Parce qu’il faut bien l’entendre : le racisme est un tout, cohérent. Et en toute logique, on ne peut pas être antiraciste à moitié.
Comme BHL, quand on lui demande pourquoi il invite à son colloque l’équivalent du Zemmour anglais : "Au moins, il n’est pas antisémite." Voilà sa réponse !
Si on commence à classer ce qui est acceptable, plus ou moins acceptable ou inacceptable, on s’enfonce dans une logique raciste, coloniale, de hiérarchisation, de ségrégation. Comme le disait Frantz Fanon : "Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous."
On pourrait compléter cette phrase : quand vous entendez dire du mal des Juifs, des Musulmans, des Noirs, des Roms, des personnes LGBT, et plus largement des personnes discriminées, tendez l’oreille. On parle de vous. De nous. Du futur de notre société.
Je me rappelle de ce qu’a dit ce syndicaliste policier sur le plateau de "C dans l’air" il y a quelque temps. En parlant du ton que certains policiers pouvaient adopter pendant les contrôles d’identité, il a dit : "Bamboula, c’est à peu près convenable." Et ça, c’est tous les jours, plusieurs fois par jour, sur BFM, CNews, LCI et compagnie.
Voilà où nous en sommes. Voilà ce qui, petit à petit, a amené au meurtre d’Aboubakar Cissé. Paix à son âme.
Et face à ça, Estrosi n’est pas – et n’a jamais été – un rempart pour protéger qui que ce soit. Ni les juifs, ni les musulmans, ni personne.
Regardez comme il a fait ressortir tous les fachos avec son histoire hallucinante de statue de Jeanne d’Arc. Au rassemblement autour de la statue, il y avait l’extrême droite la plus dure, complotiste, qui théorise le grand remplacement musulman comme un complot fomenté par les juifs pour détruire l’Occident.
Toujours se souvenir de la phrase de Fanon. La graver. L’afficher. Se la tatouer…
Le contexte raciste dans lequel on s’enfonce doit rencontrer une résistance populaire. On le doit à Aboubakar Cissé. On le doit à tous les gens qui regardent tout ça, ébahis, la peur au ventre, et qui se disent : "La prochaine fois, c’est mon tour."
Ce crime, ça doit être le début de quelque chose. D’un sursaut collectif.
On ne remerciera jamais assez les organisations qui ont permis ce rassemblement :
Le Collectif Contre Attaque Anti Raciste – l’acronyme, ça fait "CCAAR" : Care, comme un truc qui fait du bien ;)
La Jeunesse Communiste, toujours là, du bon côté.
Les jeunes Insoumis de Nice avec leur dynamisme et leur volonté de ne jamais lâcher le terrain.
Et enfin le Front Populaire Étudiant, le syndicat qui nous débarrassera définitivement des fachos de l’UNI.
Je vous remercie.
Pour aller plus loin :