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Nous avions annoncé sur les réseaux sociaux que nous démarrerions l’année sur les chapeaux de roues avec cet événement, on ne pensait pas que cette blague un peu ringarde allait être d’actualité, et ce de manière aussi inquiétante.
Avouons-le, le 20 janvier, même si on s’attendait au pire, l’investiture de Trump a été un sacré festival fasciste et réactionnaire. Tout y est passé : annonces ahurissantes de projets colonisateurs au Canada, au Panama, au Groenland ; loi anti-immigrés, décrets immédiats contre la communauté LGBTQiA+, en panique totale, jusqu’au salut nazi de Musk…
C’est vertigineux.
Chez nous, Ciotti et Vardon semblent fascinés. Qui cela étonne-t’il encore ? Je l’avoue, je suis encore surpris. C’est peut-être mon côté naïf. Ébahi également lorsque je vois encore aujourd’hui le drapeau de l'État israélien qui continue de flotter sur le fronton de la mairie de Nice.
Pourquoi ?
Au lendemain du 7 octobre 2023, nous pouvions l’entendre, en solidarité avec les otages et leurs familles. Mais dès la semaine suivante, les Palestiniens étaient décrits par les autorités israéliennes comme des “animaux humains”, tous complices, qu’il fallait éradiquer.
On ne demande pas à Estrosi de mettre en perspective ce conflit de plus de 75 ans. On ne lui demande pas non plus d’expliquer que cette guerre a commencé bien avant le 7 octobre, et que ce n’est pas un conflit entre Israël et le Hamas, mais bien une guerre coloniale hors de tout cadre du droit international. On ne lui demande même pas d’arrêter d’instrumentaliser la lutte contre l’antisémitisme lors des différents rassemblements qu’il organise où la France Insoumise, et plus largement l’ensemble des personnes qui se sentent concernées par ce qui se passe en Palestine, se font traiter de tous les noms et accuser d’antisémitisme. On ne lui demande pas ça, on le connaît suffisamment.
On lui demande, excusez du peu, de ne pas mettre sur la mairie, au nom de tous les Niçois et les Niçoises, le drapeau d’un état dont les représentants sont sous mandat d’arrêt par la Cour Pénale Internationale pour crime contre l’humanité pour, entre autres motifs, utiliser la famine comme arme de Guerre.On lui demande de ne pas mettre sur la mairie, au nom de tous les Niçois et les Niçoises, le drapeau d’un état auquel la Cour Internationale de Justice intime de prendre des mesures immédiates pour empêcher tout acte de génocide.
On demande à Estrosi de ne pas mettre sur la mairie, au nom de tous les Niçois et les Niçoises, le drapeau d’un état qu’Amnesty International accuse désormais de crime de génocide.
Ce week-end à Paris, nos camarades de Tsedek! et de l’Union Juive Française Pour la Paix organisent un colloque sur le devoir de mémoire pour penser le fait génocidaire dans l’Histoire et dans l’actualité, précisément à l’occasion des commémorations des 80 ans de la libération d’Auschwitz. Au programme, réflexion sur le négationnisme et les complicités autour des génocides des juifs, des Tziganes, des Arméniens, des Tutsi…
Et aujourd’hui ?
On pense à elles et à eux depuis Nice et on leur souhaite que cet événement soit une grande réussite.
On vit un moment de clarification. Jean-Marie Le Pen est mort il y a quelques semaines. Un nombre considérable de médias et de politiques ont euphémisé son passé de tortionnaire en Algérie, ses propos négationnistes, ses mots dégueulasses sur la Shoah et sur les chambres à gaz. Dans la presse et sur les plateaux télé, ça parlait de tribun, de dérapages…
Et cette extrême-droite qui veut laver son passé en se présentant aux avant-posts de la lutte contre l’antisémitisme se retrouve aux obsèques de Jean-Marie Le Pen, de nouveau aux côtés des néonazis qu’elle voulait planquer depuis des années et aux côtés desquels elle n’a finalement jamais cessé d’être. Ce sont les mêmes qui voient des jets de petits cœurs et un geste d’amour devant le Sieg Heil, le bras tendu de Musk. Sauf que maintenant, ils sont rejoints par les militants du Printemps républicain. Cette soi-disante gauche obnubilée par les musulmans et par la guerre des civilisations. Raphaël Enthoven y a vu un “geste désordonné d’un homme qui envoie son cœur à la foule”.
Le monde est instable, turbulent et il va falloir s’accrocher.
Depuis sa création, la France Insoumise a toujours réfléchi dans le cadre du droit international, avec la paix et la justice chevillées au corps. Cela lui a souvent été reproché et c’est toujours le cas aujourd’hui. C’est pourtant ce qui fait notre force et notre crédibilité face à l’instabilité du monde.
“Paix, pain, liberté” face au fascisme et à la guerre. Tel était le slogan du Front Populaire en 1936 avant la catastrophe de la Seconde Guerre mondiale. À la libération, le ministre du Travail Communiste et responsable CGT, Ambroise Croisat, a permis la création de la Sécurité sociale, formidable expérience communiste qui a réussi et que Ciotti veut découper à la tronçonneuse, façon Javier Milei, l’actuel président argentin.
Donner en fonction de ses moyens et recevoir en fonction de ses besoins. Sortir de la précarité et de l’insécurité liées aux problèmes de santé, souvent causés par le travail. Sortir de la précarité face au vieillissement. C’était le début des jours heureux, mais Croisat nous avait avertis : "Ne parlez pas d'acquis sociaux, mais de conquis sociaux, parce que le patronat ne désarme jamais”. En effet, les fameuses Trente glorieuses, la parenthèse libérale des années 80 qui ne s’est toujours pas refermée, la désindustrialisation et le chômage de masse. Nous assistons à la casse du service public, jusqu’à se retrouver avec un hôpital à bout de souffle, qui ne peut même plus gérer correctement une forte épidémie de grippe en hiver. Au passage, force aux soignants et aux soignantes de Nice et de ses environs qui se sont toujours mobilisées de façon acharnée pour défendre notre bien commun.
Toutes ces réjouissances du capitalisme font que les gens n’y croient plus et n’ont plus envie d’y croire, en se détournant des urnes et en s’abstenant massivement lors des différentes élections.
Car quand on y réfléchit, pourquoi voter ? Un hôpital à l’os, une école qui accentue encore plus les inégalités, des pompiers pressurisés depuis des années sans que leurs problèmes ne soient pris en compte. Ah ça, il y a du monde sur les photos avec les pompiers, mais lorsqu’il s’agit de mettre de l’argent dans les services publics, tous nos élus s’enfuient, toutes et tous ensemble, comme une nuée de moineaux !
Lorsque je discute politique autour de moi, en fonction de l’âge des personnes avec qui j’échange, il y a deux dates qui ressortent régulièrement quand on m’explique pourquoi on s’abstient de voter. Le tournant libéral de 1983 et le référendum de 2005 sur le traité établissant une constitution ultra-libérale pour l’Europe. Dans les deux cas, le peuple, le collectif, se sont fait flouer. Un choix démocratique a été tranché par les urnes et c’est l’inverse qui a été imposé par soi-disant réalisme.
À leur tour, les plus jeunes ont aussi leur point de repère antidémocratique désormais. Le troisième donc. Juillet 2024, face à la menace du fascisme au pouvoir, les électeurs et les électrices de France se sont massivement déplacées pour placer en tête de l’élection le Nouveau Front Populaire, alors que personne ne misait sur ce pronostic. J’ai encore en tête les cris de joie face aux résultats, le 7 juillet dernier, quand nous étions rue Smolett pour la soirée électorale, après les quelques secondes de sidération positive dues au soulagement.
Juste après les européennes qu’il a perdues, Macron dissout l’Assemblée nationale et perd encore :
- Personne n’a gagné !
- Ah ? Mais, on est devant quand même…
- Oui, mais ça ne compte pas !
Et pourquoi ? C’est la double-pensée de 1984, le roman d’Orwell ? Quelques citations tirées du livre : “La Guerre c’est la paix”, “La liberté c’est l’esclavage”, “L’ignorance c’est la force”, et maintenant, on pourrait ajouter : “Les gagnants sont les perdants”.
On pensait avoir réussi à éviter Ciotti en ministre de l’Intérieur, finalement, on a Retailleau.
J’hésite…
Macron ne respecte pas le choix des urnes. C’est très grave. Il s’entête en nommant Barnier, puis Bayrou après la censure du gouvernement. Bayrou, qui fait l’andouille mais qui manœuvre, malin comme un vieux singe. Ce type est tellement au centre que, du coup, il se retrouve à la tête d’un gouvernement réactionnaire comme on n'en avait jamais vu. Cherchez l’erreur.
Ces gens qui nous demandent d’être raisonnables nous imposent Retailleau, formé chez Philippe de Villiers, raciste, qui adopte les thèses complotistes du choc des civilisations et du grand remplacement. Homophobe, antimariage pour tous, et qui a félicité il y a quelques jours Alice Cordier, cette militante identitaire du collectif Némésis, farouchement contre le droit à l’avortement, qui organise des happenings sanglants devant des statues de Simone Veil.
Le NFP a gagné, mais maintenant, on a Darmanin à la Justice, ce vieux compagnon de l’Action Française, empêtré dans des accusations de viol et qui a usé de son pouvoir pour obtenir des faveurs sexuelles. Darmanin, aujourd’hui à la Justice et qui sautait en cadence avec le représentant d’Alliance Police lorsqu’il était à l’Intérieur pour dire que le problème de la police, c’était la justice.
Face à cela, on le dit avec conviction : il n’est pas possible de négocier. Le NFP, c’est un programme de rupture. Point.
Pas de négociation avec la réaction !
Censure, Destitution, Démission, dans les urnes, dans la rue aux côtés de toutes les organisations progressives et combatives que la France insoumise a toujours accompagnées. Féministes, antiracistes, écologistes, LGBT, internationalistes, pacifistes… Dans la rue, en répondant présent lors des mouvements sociaux à l’appel des syndicats.
Partout, tout le temps : RÉSISTANCE !
On a de la chance, il y a un magnifique soleil aujourd’hui… Oui, l’hiver, il fait beau à Nice. C’est ce qui a attiré les riches hivernants d’Angleterre et de Russie dès la fin du XIXe siècle. Un bel endroit, avec un ciel électrique que Yves Klein a immortalisé avec son célèbre IKB, International Klein Blue. C’est sûr, c’est plus sympa que le fog anglais en plein hiver. C’est lorsqu’il a compris qu’il pouvait disposer d’une lumière aussi intense toute l’année pour sa peinture que Matisse a décidé de s’installer à Nice.
Un ciel magnifique, qui se détache d’un sol rude, sec, peu fertile à de nombreux endroits. Les gens étaient pauvres ici, on le voit bien à la cuisine locale. C’est une cuisine faite d’ingrédients très basiques. Des pois chiches, des blettes, des oignons que la créativité a transformé en socca, en pissaladière, en tourtes aux blettes sucrée et salée.
Peu à peu, l’économie de Nice s’est transformée autour du tourisme qui a été accueilli comme une aubaine, jusqu’à finalement ne dépendre quasiment que de lui. Pieds et poings liés, avec le risque que tout s’écroule d’un coup si problème climatique, économique ou autre. Et Christian Estrosi qui continue dans le délire, avec une surenchère d’événements sportifs internationaux comme le tour de France, les multiples Iron Man ou encore les Jeux Olympiques d’hiver. Moi, moi, moi ! Toujours volontaire pour accueillir les événements mondiaux sur un territoire si fragile.
Une folie.
Avec une hôtellerie de luxe en pleine expansion et une transformation du port qui va s’orienter exclusivement vers une activité de yachting pour rattraper son “retard” sur Monaco et Antibes, avec son quai des Milliardaires. C’est le moment de profiter des derniers instants des pointus sur le port de Nice, tant qu’ils ne seront pas mis sous verre, folklorisés. Nice, c’est le deuxième aéroport de France, derrière ADP, Aéroport De Paris. Estrosi a pour projet de l’agrandir encore plus, avec encore plus de navettes en hélicoptère entre Nice Ouest et Monaco, plus de jets privés. Plus, plus, plus ! Plus de pollution sur un territoire à la qualité de l’air déjà médiocre et dont la cause vient principalement des transports, vu qu’il n’y a pas d’industrie ici.
Nice, tout le monde le sait donc, c’est une très belle carte postale.
Mais derrière cette carte postale, il y a tous les quartiers que l’on ne veut pas voir sur les magazines municipaux et métropolitains : Bon Voyage, L’Ariane, Notre-Dame, Saint-Roch, Riquier, Les Moulins, Magnan, Trachel, Nice Nord, Las Planas… La liste est non exhaustive.
À Nice, 22% de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. C’est ici à Nice, qu’il y a le quartier le plus pauvre de France. Mais tout est lié, et bien au-delà de cette extrême pauvreté. On le voit sur les difficultés que tout le monde rencontre pour se loger. Avec le Airbnb en roue libre et un droit de préemption en centre ville uniquement réservé pour les projets fonciers liés au tourisme. Ou encore avec la loi SRU sur les logements sociaux qui n’est pas respectée. Pour rappel, Nice compte 14% de logements sociaux quand il en faudrait 25%.
Tout cela crée une tension sur tous les ménages. Et pas forcément sur ceux qui devraient bénéficier de ces logements sociaux. Combien de couples gagnant correctement leur vie dorment dans leur salon pour laisser une chambre à chacun de leurs enfants ? Combien galèrent et sont obligés de s’éloigner vers Contes ou Drap pour se loger, avec des routes embouteillées qui ne suivent pas et un manque flagrant de transports en commun.
Combien tirent la langue pour se déplacer dans des transports en commun de plus en plus chers et qui ne vont même pas encore jusqu’à l’Ariane et la Trinité, plus de 20 ans après le premier coup de pioche ? Les plans et simulation Youtube sont magnifiques pour la ligne 5 : Palais des expositions, Bon Voyage, l’Ariane, la Trinité, Drap. En 2025, à Nice, cinquième ville de France, ce tracé aussi évident que nécessaire en est encore à l’état de fiction.
Je l’ai dit tout à l’heure, la foi dans les pouvoirs publics n’est pas à son plus haut niveau et on l’observe avec l’abstention. En Europe, en France, particulièrement à Nice. Pour nous, pour la gauche de rupture, les scores progressent nettement depuis 2017 où Jean-Luc Mélenchon avait fait 17% ici. En 2022, il fait 22%. Quasiment le même résultat qu’au national.
Pour les législatives qui ont suivi, Enzo Giusti, le candidat NUPES issu de la France Insoumise, est arrivé au second tour sur la 3e circonscription des Alpes-Maritimes. C’est Libération, l’Ariane, et plus loin la Trinité. C’était inédit. Des gens l'arrêtaient dans la rue, émus parce qu’ils n’avaient jamais encore eu l’occasion de voter pour la gauche au second tour. Aux Européennes, Manon Aubry est arrivée en tête de la gauche et de l’écologie à Nice, devant Raphaël Glucksmann. Lors des législatives de 2024, après la dissolution, c’est tous les candidats du NFP qui sont arrivés devant l’ensemble des candidats soutenus par Christian Estrosi.
Beaucoup d’entre vous étaient présents le soir des résultats du second tour. Rappelez-vous, c’était chez nous que l’on faisait la fête ! Ça faisait la gueule chez Ciotti qui avait pourtant gagné localement, mais qui avait perdu son pari de la collaboration au niveau national. Et quelle ambiance de défaite à la soirée chez Graig Monetti, le candidat d’Estrosi qui n’a pas voulu se désister au second tour parce que j’étais Insoumis.
Les tronches qu’ils avaient…
Si les événements n’étaient pas aussi graves, on s’en délecterait. Mais la vérité, c’est que l’on sait définitivement maintenant, si on en doutait encore, que l’on ne pourra pas compter ni sur la droite pseudo gaulliste, ni sur le centre, face au fascisme qui vient.
Chez les Insoumises et les Insoumis, on est nombreuses et nombreux sur le terrain, dans les manifs, dans les collectifs. On tracte, on organise des évènements, des conférences avec le succès que l’on voit aujourd’hui. On fait venir des députés comme Manon Aubry et François Piquemal pour parler logement. Ou comme Rodrigo Arenas pour parler de l’état des écoles car il y a du boulot à Nice. Et bientôt Raphaël Arnaud à Grasse pour une action antiraciste.
On est là !
Comme dirait Jean-Luc Mélenchon, “formés, organisés, disciplinés”… On a un objectif : la bifurcation face à la ligne qui semble inéluctable du capitalisme et du fascisme.
Alors pour finir, on peut en parler quand même un peu, il y aura plusieurs échéances électorales dans les mois et les années qui viennent. Comme on le dit souvent, la France Insoumise répondra toujours présent et sera toujours du côté de la solution.
On peut tirer une leçon de ce qui est en train de se passer aux USA. Quand on a une gauche qui ne propose pas un programme de gauche, quoiqu’il arrive, on perd face à la droite de plus en plus à l’extrême-droite.
- On ne double pas la droite sur sa droite.
- Sur un lit d’abstention, l’électorat préférera toujours l’original à la copie.
Un projet alternatif pour la ville de Nice ne pourra se construire que sur des bases solides d’une gauche, écologiste, de rupture.
Et je voudrais mettre en garde face au dingue Ciotti qui s’amuse à imiter les pires dingos ultralibéraux, libertariens et suprémacistes du monde occidental, on fait confiance à Estrosi pour jouer au papa réconfortant alors que l’on sait tous ici que son projet et celui de Ciotti sont de même nature. Ne lui laissons pas la possibilité de s’afficher comme le vote utile face à Ciotti/Vardon en partant divisés aux futures municipales.
C’est bientôt Carnaval. On pense à Cristòu Daurore qui n’est pas avec nous aujourd’hui parce qu’il organise le championnat mondial de lancer de Paillassou à cet instant même sur la place Saint-Roch. On n’a pas réussi à se régler correctement pour les dates et on s’en excuse. Je suis bien dégoûté, parce qu’habituellement, je fais partie du jury officiel ;)
Le sujet de la dignité des Niçoises et des Niçois à retrouver un carnaval populaire, sans barrière de 3 mètres de haut, en impliquant les écoles et les quartiers dans les festivités du centre-ville a été remis sur la table avec le lancement d’une pétition en ligne, qui a circulé bien au-delà de nos cercles militants.
Alors, comme au Carnaval, on renverse la table, on garde espoir, on a la patate et demain, on reprend la main sur nos destins !
Olivier Salerno,
Nice, le 26 janvier 2025
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