Le huitième président de la Ve République s'est engagé à nous aimer dans son deuxième discours inaugural : "Nous ne céderons rien à l'amour du déclin et de la défaite", puis pour conclure : "Je vous servirai avec amour".
Est-ce une bonne chose ?
Il peut-être utile à mon sens de se poser la question. Parler d'amour est un acte qui n'est pas à proprement parler : politique. En tout cas c'est quelque chose que l'on situerait plutôt dans la sphère personnel, familiale, religieuse ou artistique. Introduire ce concept d'amour dans le champ politique c'est introduire une forte subjectivité dans le champ de l'action publique.
"Nous ne céderons rien à l'amour du déclin et de la défaite" qu'est-ce à dire ? Vous en connaissez beaucoup vous qui ont "l'amour du déclin et de la défaite" ? N'est-ce pas une phrase très subjective ?
"Je vous servirai avec amour". De même : que met notre Président dans le terme servir ? Profondément transformer le droit du travail, signer les traités internationaux comme le Céta ou le Tafta, ou toutes les autres décisions qu'il prendra, appelle-t-il cela servir ? Servir avec amour ? Peut-être est-il bon de se dire que pour d'autre cela s'appelle appliquer une politique néo-libérale, ou tout simplement gouverner. Est-il concevable de penser que la gouvernance d'Emmanuel Macron sera certes une gouvernance mais pas un service ? Si l'on parle de service public, c'est dans le cadre de la fonction publique, pas dans le statut d'élu. Un élu n'est pas un fonctionnaire de l'état. Si l'on peut penser qu'un fonctionnaire sert l'État, éventuellement avec amour, peut-on vraiment penser qu'un élu serve l'État ? Avec amour ?
Introduire la notion, le concept d'amour, a certes un fort pouvoir subliminal dans le champ sémantique politique, mais en appeler à l'amour, à être aimé, ce n'est pas sans poser question.