Ma position de citoyen n'y connaissant rien et n'ayant plus depuis longtemps la moindre confiance en la nature humaine et ses possibles conflits d'intérêts, est de m'abstenir de me faire vacciner pour l'instant et d'attendre aussi longtemps que possible pour voir si de potentiels effets secondaires vont se révéler. Mon ami de son côté fait aveuglément confiance à la science et entend bien se faire vacciner dès que cela sera possible. Jusque-là pas de désaccord majeur. Chacun fait comme il veut. C'est du moins ce que je croyais.
Notre discussion est alors arrivée sur le terrain de l'obligation vaccinale.
Il considère que ce vaccin devrait être obligatoire ou à défaut, que les gens atteints par le virus ne devraient pas être pris en charge par la Sécurité Sociale s'ils ont refusé d'être vaccinés. Il pense également que les accès aux lieux publics (cinémas, théâtres, musées, restaurants, etc.) devraient être limités aux seuls vaccinés. Je ne comprenais pas en quoi cela pouvait le déranger, puisque, même vaccinés les porteurs du virus continuent semble-t-il à transmettre le virus et se faire vacciner ne protège donc en rien son prochain. D’autre part, s’il était vacciné, puisqu’il croit à l’efficacité du vaccin, il ne risquerait donc rien face à un non-vacciné. À force de discuter, son argument final a donc été de dire qu’il ne voyait pas pourquoi ceux qui refusent le vaccin devraient en faire payer le prix à la société et je dois avouer que cet argument m’a un peu ébranlé. Il faut dire que j’ai souvent du mal à contrer dans une discussion parce qu’il me faut un certain temps pour que les idées me viennent et finalement, à court d’arguments, j’ai clos notre échange par un « buvons un coup puisque de toute façon on ne sera pas d’accord ».
Mais j’ai cogité et je sentais comme un malaise dans cet échange et dans les arguments qu’il avait avancés. Si la société ne prend pas en charge des malades sous prétexte qu’ils ne sont pas vaccinés, cela revient au fond à nier tout le principe de solidarité de notre système de santé. Et pourtant, son argument n’est pas dénué de logique puisqu’en me permettant d’obtenir un vaccin « gratuitement » la société fait donc bien preuve de solidarité et refuser le vaccin revient à refuser ce soutien, et par voie de conséquence, à accepter de devoir prendre individuellement à ma charge les coûts que représenterait mon hospitalisation éventuelle.
Sauf que… Je me suis souvenu qu’il a été très longtemps fumeur, jusqu’au jour où son médecin lui a dit que s’il n’arrêtait pas la cigarette, il risquait pour de bon de vraiment écourter son existence. Durant toute cette période où il a été fumeur, il ne s’est vraisemblablement jamais posé la question de savoir ce qu’il pouvait coûter à la solidarité nationale. Or on sait parfaitement et on accepte parfaitement que la société prenne à sa charge tous les malheureux qui font un cancer du fumeur. Même chose pour toutes les victimes de l’alcool que ni vous ni moi n’avons jamais poussé à boire. Et si l’on cherche bien, on peut trouver mille exemples pour lesquels son raisonnement devrait l’amener à reconsidérer le principe de solidarité. Pourquoi prendre en charge les obèses que personne n’oblige à manger plus que de raison, les accidentés de la route que personne n’oblige à conduire sur leur trajet vers leurs vacances d’été, les chasseurs qui se blessent entre eux pour avoir voulu assouvir un plaisir bien égoïste ? Et tant qu’à faire, si nous n’avons pas de voiture, refusons de payer pour l’entretien des routes, si nous ne prenons pas le train, refusons que nos impôts servent à l’entretien des lignes de chemin de fer, si nous avons des panneaux solaires, refusons également les coûts d’entretien des lignes électriques par la collectivité. Bref, jetons-nous à corps perdu dans une privatisation de la société à l’américaine.
En conclusion de tout ça, j’ai bien l’intention de refuser ce vaccin et j’attends de la société qu’elle me prenne en charge si d’aventure je devais être hospitalisé parce que je n’aurais pas eu la prudence de me faire vacciner, tout comme elle le ferait si j’attrapais une pneumonie pour être sorti insuffisamment couvert par temps froid ou si je me cassais une jambe pour avoir voulu m’amuser sur une paire de skis.