Bientôt 80% de la population mondiale sous les mêmes mesures d'austérité! Dans une publication de South Centre et de 'Justice Sociale dans le Développement Global'(associations de pays en développement), deux économistes connus, Isabel Ortiz et Matthew Cummins, passent en revue les mesures d'ajustement structurel prises dans 181 pays. Effarant! Depuis que la politique économique est passée de la relance, même timide, post-crise financière en 2008-2009, vers des politiques de restrictions, le monde entier a basculé dans l'austérité depuis début 2010, et elle est plus sévère encore en 2012. Si nous, en Europe, avons parfois l'illusion d'être particulièrement touchés, surtout au sud de l'Europe, ce que démontre leur analyse, c'est que le rouleau compresseur de l'austérité est partout à l’œuvre et prend les mêmes formes exactement dans le monde entier. A savoir:
«(i) l'abandon progressif ou l'élimination des prix de soutien,(ii) la réduction et/oule plafonnement de la masse salariale et (iii) les augmentations des impôts sur la consommation, sur des ventes et taxes sur la valeur ajoutée (TVA), envisagées dans près de 100 pays à travers le monde. Non loin derrière, d'autres approches d'ajustement incluent les réformes généralisées (iv) des retraites et (v) le rationnement et /ou le ciblage renforcés des filets de protection sociale, qui concernent plus de 80 pays, en moyenne, dans le monde. Bien qu'un peu moins fréquemment, deux autres politiques d'austérité sont envisagées dans près de 35 pays,.. des réformes (vi) du système de santé et (vii) les réformes de la réglementation du travail. L'examen des rapports du FMI montre que d'autres mesures d'ajustement sont également envisagées, telles que les réformes de l'éducation...»
Les auteurs ont analysé les rapports pays du FMI pour le monde entier, et arrivent à la conclusion que l'austérité affecte encore plus les pays pauvres ou à revenus intermédiaires que les pays riches! Pas surprenant : c'est l'Amérique latine qui est la région du monde la moins affectée (si l'on met de côté la situation spéciale de la Chine), car plusieurs pays, dont le Venezuela ou l’Équateur, ont refusé de se plier.
Lorsque j'étais à Tunis, pour le Forum Social Mondial, la presse faisait état d'une fuite de documents qui devaient restés privés: un échange de courrier entre le Ministre des Finances et Christine Lagarde, pour la négociation d'un important prêt du FMI. Or, la première exigence du FMI était l'élimination des subventions aux produits de base: carburant, couscous, céréales. Ce qui embarrassait le gouvernement au vu du souvenir inscrit dans l'histoire de la Tunisie : les émeutesde 1984, la dernière fois qu'un gouvernement avait osé touché à ce qui permet à la masse des pauvres de survivre !
Ainsi donc, le rapport Ortiz et Cummings indique que la mesure la plus communément enclenchée est l'élimination ou la réduction de ce type de subventions pour des produits de première nécessité, avec 100 pays (78 en développement et 22 pays à hauts revenus).
La deuxième mesure la plus fréquente est la réduction de la masse salariale de la fonction publique, affectant 75 pays en développement et 23 pays à haut revenus.
La troisième est la réforme des retraites, environ 87 pays en développement et 39 pays à haut revenus: augmentation des cotisations, allongement de la durée travaillée pour l'éligibilité...
On apprend ainsi, dans ce document explosif, que la réduction de la couverture des systèmes de protection sociale, d'une part, et la 'flexibilisation' du travail (32 pays dont 15 PED), d'autre part, font, aussi, partie des réformes engagées dans le monde entier !!
Et ce mouvement d'étranglement devrait augmenter au moins jusqu'en 2016!
Donc un document à lire absolument. Une traduction en français sera bientôt disponible. Actuellement in English: http://www.socdevjustice.org/
C'est tragi-comique, on pense à la chanson de Brel sur l’alcoolique triste: Non, Ho, t'es pas tout seul! Effectivement presque tous nos gouvernants font la même politique 'suicidaire' (comme dirait Paul Krugman) simultanément.
Une politique de réduction des (soi-disant) déficits publics qui fait plonger les économies entières, écrase les pauvres et le travail, avec des accents moralisateurs – vous avez trop dépensé depuis 40 ans, c'est péché, souffrez maintenant!
Le diable n'est-il pas affiché à la Bundesbank comme étant la création monétaire ? (lirehttp://alaingrandjean.fr/2012/09/26/la-creation-monetaire-oeuvre-du-diable/. Silence! on privatise.