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Billet de blog 15 novembre 2011

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Quelle politique industrielle pour la France? Notre Ministre n'en a peut-être pas....

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Dans le cadre des Journées de l'Economie à Lyon, les 9-11 novembre, nous sommes allés écouter quelques conférences, notamment sur Quelle politique industrielle pour la France? avec le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, François Barouin. Le sujet était intéressant, tel que l'avait développé l'économiste Patrick Arthus devant une classe d'élèves à la Chambre de Commerce et d'Industrie plus tôt dans l'après midi, opposant le désir de rentabilité forte et immédiate demandée par 'les vieux', notamment les fonds de pensions, et le besoin pour l'industrie d'investissement sur de longues périodes à faibles rendements immédiats.

Aujourd'hui, avait dit Arthus, nous sommes une société dirigée par une classe de rentiers vieillissant aux dépens de la jeunesse poussée dans les petits boulots temporaires à faibles revenus. La France est en passe de devenir un pays dé-industrialisé, un pays qui sacrifie sa jeunesse, dit Arthus au groupe d'adolescents. En terme d'industrie, la France, avec seulement 12% d'emplois dans ce secteur, est très proche de la Grèce (8%) et loin derrière l'Allemagne, et la tendance s'accélère.
Le soir à la table ronde dont Arthus était modérateur, on attendait donc l'avis du Ministre, puis de la patronne du Médef.
Et bien ce fut simple: Baroin n'en dit pas un seul mot, n'effleura même pas le sujet. Dans une envolée brillante, car c'est un excellent orateur, il nous rappela l'engagement des pays européens à se désendetter lors des dernières réunions tant de la zone euro que du G20. Son leitmotiv peut se résumer à quatre lettres célèbres en économie politique depuis le règne de la Dame de Fer Margaret Thatcher en Grande Bretagne: TINA, There Is No Alternative, en français: "Il N'y A Pas d'Alternative", ce que nous pourrions donc surnommer la politique "YAPA"

Les petites phrases 'YAPA' de M. le Ministre François Barouin : il blâme 'le financement à crédit des politiques publiques ... pendant 30 ans, ce qui a semé le doute sur les marchés' et 'engendré' un 'doute' sur le risque souverain. Ainsi, dit-il: Les Grecs n'ont pas d'autres solutions que la privatisation. (...) Qui dit endettement dit perte de souveraineté (...) Le Fond européen va protéger l'Italie, car...il n'est pas question que la France et l'Allemagne augmente le financement». Il y a eu une véritable avancée lors du G20, pour la première fois on a parlé de coordination (il le souligne), coordination entre les Etats et les représentants du privé.».

« Etre au rendez-vous ... c'est atteindre ces objectifs intangibles. (...). Nous ne pouvons plus vivre à crédit. Nous ne dévierons pas d'un millimètre. Nous devons parvenir à stabiliser la zone euro. (...) On n'est pas là pour avoir une bonne note, on doit faire baisser le coût du crédit pour garder notre souveraineté...»


YAPA et seulement YAPA: réduire les dépenses tout en demandant aux banques de renforcer leurs fonds propres (Bâle III), dans les faits cela revient à faire passer le flux du crédit dans un entonnoir très étroit. Une situation où non seulement tous les investissements publics sont sévèrement réduits, mais le crédit aux artisans comme aux Petites et Moyennes Entreprises - les PME- est étranglé.
Donc faillite et chômage. Et Arthus l'avait rappelé dans l'après midi: les PME performantes et innovantes en France sont systématiquement rachetées par de grand groupes, la plupart, étrangers. On n'a pas comme aux Etats Unis de cas à la Bill Gates ou Steve Jobs, des cas de projets personnels innovants qui commencent dans un garage et se terminent en entreprise internationale. « En France les projets de garage, restent dans le garage 20 ans après... » dit Arthus. Ceci dit, avec une attaque sur notre modèle social (décidément le grand vilain aujourd'hui), le représentant de Natexis et du Cercle des Economistes, parle bien de politique industrielle mais ne dévie guère de la vision orthodoxe qui, justement, empêche tout financement de l'industrie !

On dirait la mémoire économique en Europe comme euthanasiée: la montée du Nazisme en Allemagne fut précédée directement par la politique d'austérité déflationniste et la dissolution du Reichstag (et c'est cette politique d'austérité qui permet au parti Nazi de passer de 14 à 107 députés!) par le très catholique Brüning, Chancelier de 1930 à 1932.
Ainsi donc les envolées de Mr le Ministre sont quelque peu contradictoires: pour garder notre souveraineté, l'objectif premier de notre gouvernement, nous ne pouvons accepter de nous plier aux agences de notation, donc nous allons garder le triple A, quel qu'en soit le prix!

Allez comprendre? Après 20 mn (c'est beaucoup pour une table ronde avec 12 invités 'prestigieux',) M le Ministre, donc, ayant excellemment bien rappelé la politique décidée avec Bruxelles et la Troika (BCE, FMI et Commission) que l'on devrait nommer "YAPA", annonça qu'il avait un train à prendre pour Paris, et donc ne serait pas là pour toute la soirée (se terminant à 20h), décidément nos ministres sont débordés à force de courbettes multi-directionnelles...). Bref, il fut suivi par Mme Parisot, qui, se posant en défenderesse des PME, a rappelé son accord avec 'YAPA' et l'accord de tous les représentants du privé, lors du G20.

Les petits et moyens patrons des PME apprécieront que leur représentante se réjouisse de leur mort ou rachat prochain ! Mais, Parisot, a ajouté un son de sirène dangereux: réduire le coût du travail: voilà l'ambition pour les PME, réduire drastiquement les cotisations.

Ce n'est pas donc pas sur l'investissement et le crédit, pas sur l'étranglement des sous-traitants, par les plus gros (dont parla avec une certaine passion le Médiateur), pas sur l'austérité qu'elle battra campagne: c'est sur le ratissage de l'investissement social! «Au G20, tout le patronat était d'accord...»
Moins de cotisations, donc moins de ressources pour la sécurité sociale, etc, couplé à moins d'investissements publics et des conditions de crédit plus restrictives, cela devrait faire frémir des entrepreneurs un peu imaginatifs: sans consommateurs, sans clients, sans tissu industriel, les PME françaises vont-elles produire seulement pour l'exportation? Pour quelle destination? La Chine?

Sur la table ronde, seul Philippe Aghion semble réagir un peu. Il note que la notion même de politique industrielle a été 'délégitimée' par les autorités de la concurrence européennes, qui interdisent tout regroupement industriel en Europe au nom de la libre concurrence! Depuis 2007, la Grande Bretagne s'est spécialisée sur le secteur financier, la Grèce et l'Espagne en sont restées au low tech et à la spéculation immobilière. La Chine, quant à elle, n'a pas de scrupule à faire de la politique industrielle. Enfin sur le changement climatique, tous d'accord, mais il faut l'Etat pour soutenir l'innovation. Notre réponse est de ré-inventer une politique industrielle, de gouverner autrement.

Qu'en conclure? Quelle politique industrielle pour la France? Le Ministre... de l'Industrie s'abstient de proposer une politique industrielle! L'accent est mis sur 1) la lourde charge des cotisations sociales, et 2) la nécessaire montée des régions françaises en imitant les Landers.

L'Etat, celui qui s'investit dans l'économie du pays, est pris en étaux et affublé de tous les maux. Il ne sert plus qu'à accompagner la dé-industrialisation.

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