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Billet de blog 16 mai 2020

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Que signifie pour la santé mondiale, l'action de l'UE contre le COVID-19 ?

Alors que s'ouvre ici à Genève à l'ONU, lundi 18 mai, une Assemblée mondiale de la Santé (AMS) exceptionelle puisque seulement sur le COVID-19 et virtuelle, il est pertinent de voir comment l'engagement de l'Union Européenne pourrait signifier l'amenuisement de la responsabilité de l'ONU. Nous rapportons ici l'enquête d'une journaliste d'investigation P. Patnaik

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Que signifie réellement, pour la santé mondiale, l'engagement pris par l'UE le 4 mai de lutter contre le COVID-19 ?
par Priti Patnaik

DES DOCUMENTS MONTRENT COMMENT L'ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ (OMS) EST MISE À L'ÉCART DANS "LE CADRE DE LA RÉPONSE GLOBALE À LA CRISE DU COVID-19"
L'Organisation mondiale de la Santé est en train d'être affaiblie alors même que des appels s'élèvent pour la renforcer afin de protéger le multilatéralisme dans le domaine de la santé mondiale. L'engagement pris par l'UE, le lundi 4 mai, pourrait être le signe d'un changement de pouvoir au détriment de l'OMS, selon des observateurs.

Toute une série d'intérêts façonnent activement la santé mondiale, alors même que le monde continue d'enterrer ses morts de la pandémie. La géopolitique, une lutte pour les ressources, y compris les gains potentiels de propriété intellectuelle autour des technologies en lien avec le COVID-19, une profusion d'informations sur la santé pour les entreprises technologiques - tous ces facteurs convergent de manière à transformer à jamais la manière dont l'OMS et la santé mondiale seront gouvernées - ici et maintenant.

Il semble que l'OMS soit systématiquement mise sur la touche au plus fort de la pandémie de COVID-19. Et il n'y a pas que les États-Unis qui ont soulevé des questions sur l'efficacité de l'OMS - en gelant leurs contributions à l'organisation. Dans l'attente d'un examen systématique du rôle de l'OMS dans la réponse à la pandémie, d'autres riches États membres semblent essayer de s'assurer qu'ils dirigent les questions cruciales, notamment sur la manière dont les ressources qui seront collectées pour lutter contre le COVID-19 devraient être dépensées. En fait, cela contribue à l'affaiblissement général du multilatéralisme en matière de santé mondiale.

Les documents récents qui ont été publiés laissent entendre que les nouvelles initiatives telles que - Access to COVID-19 Tools (act) Accelerator-(Act Accélérateur pour l'Accès aux Outils contre le COVID-19), visent essentiellement à prendre le contrôle des ressources qui seront mobilisées pour les "partenariats" en matière de vaccins, de thérapies et de diagnostics pour lutter contre la pandémie, sans que l'OMS ait un rôle de premier plan dans ces domaines. En outre, le rôle des acteurs privés, continue de s'étendre.

Le 24 avril 2020, l'OMS et ses partenaires ont appelé à une collaboration mondiale pour accélérer le développement, la production, tout en assurant un accès équitable aux diagnostics, aux thérapies et aux vaccins pour lutter contre COVID-19.

Ursula Von Der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a déclaré qu'un événement mondial d'engagement serait lancé le 4 mai 2020. " (et il a effectivement eu lieu) L'objectif est de réunir 7,5 milliards d'euros pour accélérer les travaux d’outils de prévention, de diagnostic et de traitement...", a-t-elle déclaré.
Que signifie donc cet événement pour la santé mondiale ?

Selon le site web du sommet "l'Union européenne et ses partenaires organisent une conférence internationale des donateurs qui débutera le lundi 4 mai 2020 et au cours de laquelle nous voulons réunir 7,5 milliards d'euros de financement initial pour lancer la coopération mondiale".

(En sus de la Commission européenne) parmi les autres co-organisateurs figurent la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Norvège et l'Arabie saoudite. Et les partenaires officiels comprennent: l'OMS, la BMGF (Bill et Melinda Gates Foundation), la CEPI (Coalition for Epidemic Preparedness Innovations), Gavi, le Fonds mondial, Unitaid, Wellcome et la Banque mondiale. En outre, il est entendu que la fenêtre de collecte de fonds qui s'ouvre le 4 mai culminera par un événement le 23 mai.

Quel est donc le problème que pose ce noble événement d'engagement ? Il pourrait signaler un changement dans le contrôle des ressources, non seulement dans la manière dont on fera face à la pandémie, mais aussi pour l'avenir de la gouvernance de la santé mondiale. Une source, qui connaît depuis longtemps les rouages de la santé mondiale à Genève, a qualifié ces efforts des États membres riches et des entités privées - de "changement tectonique" dans la santé mondiale, semblable à la période où le Fonds mondial de Lutte contre le SIDA fut créé en 2002. (plus tard devenu le aussi un Fond contre la tuberculose et le paludisme, Note de UN blog)

L'histoire semble se répétée : "L'OMS est incapable de relever efficacement les défis, il est donc nécessaire de créer de nouveaux forums". En conséquence de quoi, "quelques uns" peuvent prendre des décisions - en dehors du système multilatéral comprenant les 194 pays qui composent l'OMS.

Le problème ne s'arrête pas à une conférence d'engagement. Comme le suggèrent les documents, les structures qui régiront la manière dont ces ressources potentielles seront déployées soulèvent certainement des questions plus urgentes de gouvernance et de responsabilité dans la manière dont certains États membres cherchent à façonner l'OMS.
La raison pour laquelle l'OMS a opté pour de grands "partenariats multipartites", en dehors de son espace multilatéral sacré, à un moment critique comme celui-ci, est difficile à comprendre pleinement. Une source a déclaré que "l'OMS est trop faible" et que, par conséquent, d'autres fixent l'ordre du jour.

De tels partenariats dans le domaine du développement international sont une source de préoccupation depuis des années. Il est certain que l'administration du Dr Tedros a été ouverte à l'approche des partenariats dès le début. Mais ces questions restent d'actualité.
"Pourquoi l'OMS n'a-t-elle pas pu attendre deux semaines l'Assemblée mondiale de la Santé, le 18 mai, pour trouver le meilleur moyen de mobiliser des ressources et de hiérarchiser les investissements pendant la pandémie, en consultation avec tous ses États membres ? Quelle était l'urgence", demande un expert en négociation, qui travaille avec les pays en développement.

Les organes directeurs de l'OMS, sont les forums appropriés pour discuter de ces questions de financement et de stratégie, ajoute la source. Il ne peut y avoir de "surveillance multilatérale" des fonds collectés et utilisés de cette manière - comme l'UE a cherché à le faire.

L'OMS a le pouvoir institutionnel et le pouvoir de convocation. Les États membres européens, qui sont d'importants donateurs de l'OMS, profitent en fait du pouvoir de mobilisation de l'OMS, potentiellement au détriment de ses États membres les plus pauvres, qui n'auront pas leur mot à dire sur la manière dont les ressources destinées à la lutte contre la COVID19 seront dépensées.

Selon une source, les actions de certains États membres riches risquent d'en aliéner d'autres. En fait, le moment était opportun pour se réunir afin de faire preuve de solidarité avec l'OMS, lorsque le tapis a été tiré de sous ses pieds, lorsque les États-Unis, son plus grand donateur, ont décidé de geler leurs contributions

(Mais rien d'est encore officialisé ici, selon nos sources, d'ailleurs l'Administration l'a dit publiquement en annonçant vouloir mettre la contribution des USA au niveau de celle de la Chine aujourd'hui samedi 16 mai - soit un quart - Ce serait bien pour la santé si au lieu d'une competition commerciale et militaire, les deux géants faisaient ainsi de la surenchère... au passage cela montre bien l'aveuglement raciste des Fake news qui ont propagé un odieux cartoon du Dr Tedros en esclave noir, à 4 pattes, tenu en laisse par un Maître Jaune! Campagne qui a révolté toute la société civile à but non lucratif mondiale en santé dans la défense de l'OMS- Note de UN Blog).

En ce moment, l'OMS fait face à un travail technique croissant sur la pandémie, et se trouve dans une sorte de tourbillon géopolitique qui s'intensifie rapidement.

Coincée entre les États-Unis et la Chine, l'OMS a passé des semaines à défendre son rôle dans les premiers jours de la pandémie. Il semble que pour combler rapidement le vide imminent laissé par les États-Unis et l'influence prétendument croissante de la Chine, les pays de l'Union européenne interviennent rapidement et de quelle façon...

Sur ces deux points, les experts estiment que l'OMS peut faire mieux en matière de coordination et d'orientation de l'innovation.

Une pandémie est un moment aussi propice que d'autres dirions-nous pour établir un programme, définir les marchés et garantir les droits commerciaux. (Lire mon article précédent ici, Patnaik, voir lien en bas) Des questions sont également soulevées sur les raisons pour lesquelles l'OMS prête son nom à cette initiative? Les experts craignent que cela ne contribue à la fragmentation de l'espace pour l'innovation.

Des documents vus par ce journaliste, partagés par une source crédible, révèlent que l'OMS ne figure pas comme "acteur principal" dans l'ordre des choses en ce qui concerne cette "collaboration". Cela est surprenant compte tenu du rôle de l'OMS dans les efforts existants, notamment en ce qui concerne le Plan directeur de R&D sur la recherche COVID-19 (R&D Blueprint on COVID-19) et d'autres efforts sur les essais cliniques internationaux, les Procédures d'inscription sur la liste d'urgence COVID-19 et l'accélération de la mise au point de vaccins COVID-19 sûrs et efficaces, entre autres.

- Voici quelques extraits significatifs d'un document récent intitulé "The Coronavirus Global Response Pledging Event" (L'Evénement d'Engagement mondial sur le Coronavirus):

L'objectif de la manifestation du 4 mai comprend les buts suivants :

- Répondre à l'appel à l'action lancé le 24 avril 2020 par les organisations internationales et les dirigeants politiques ;

- Jeter les bases d'un processus d'engagement permanent et le propulser ;

- Mobiliser des promesses de dons pour un montant total de 7,5 milliards d'euros ;

- Approuver le cadre de collaboration mondiale pour garantir que ces vaccins ou

traitements seront produits à une vitesse et à une échelle sans précédent, et seront accessibles, sûrs et abordables pour tous dans le monde entier.

L'UE et ses partenaires travaillent à cette manifestation d'engagement avec des organisations expérimentées et respectées, notamment le Conseil de Surveillance de la Préparation mondiale (Global Preparedness Monitoring Board), la Fondation Bill et Melinda Gates, le Wellcome Trust, l'Organisation mondiale de la Santé et bien d'autres encore.

Le financement sera réparti en trois volets, visant à accélérer le développement et le déploiement des outils 1) de la vaccination, 2) de traitements  et 3) de diagnostics.

L'événement des promesses de dons déclenchera un marathon des promesses de dons, avec des étapes supplémentaires prévues jusqu'à la fin du mois de mai et par la suite.

- Les principaux partenaires de communication sont énumérés ci-après :

Les États membres de l'UE, en particulier l'Allemagne, la France, la Suède, les Pays-Bas, plus la Norvège et le Royaume-Uni, d'autres gouvernements en tant que co-leaders

- CEPI, FIND, GAVI, ONU, OMS, OPS, UNICEF, Fonds mondial, Global Citizen Initiative

- Wellcome Trust, Fondation Gates, Fondation Zuckerberg, Mastercard, Banque mondiale, FMI, Africa CDC, CARPH

- Forum économique mondial - DAVOS

- Des influenceurs de divers secteurs - du divertissement aux ONG, en passant par la communauté scientifique, le monde des affaires, la politique ou les médias sociaux

- Représentations de la COM, délégations, partenaires de mise en œuvre, consortiums de recherche

(Blog de la journaliste d'investigation Priti Patnaik avec sa permission, https://genevahealthfiles.wordpress.com/2020/05/02/what-does-the-eus-pledging-event-to-fight-covid-19-actually-mean-for-global-health/

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