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Billet de blog 13 avril 2020

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La République, ce n'est pas moi

par Emmanuel M. J'ai changé. Depuis le soulèvement populaire de 2018. Depuis un mois, depuis la semaine sainte. J'ai changé. Non posso essere io. Je démissionne.

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Mes chers concitoyennes, mes chers concitoyens,

Je serai bref.

Pas de discours sans fin, pas de parole confisquée, debout des heures et des heures, pour ne rien dire, tenir l'illusion ou la griserie d'un pouvoir par du verbe logorrhéique. Pas de pédantisme, de déclarations péremptoires des faux-savants, pas d'injonctions paradoxales, pas de en même temps.

Je démissionne.

Plus de cette mauvaise posture de mauvais professeur écrasant de mépris des figurants réduits à une écoute, plus de ce mauvais jeu de mauvais acteur récitant un texte inhabité. Je ne peux plus. Plus de "c'est pas open bar, les enfants", de "traversez la rue", de "pour avoir un costume", de "pognon de dingue", de "tas d'illettrées", de "la politique, c'est mystique". C'est terminé.

La République est plus grande que quiconque. Sa charge ne peut pas reposer sur un individu seul, coupé d'amis, sans famille, roi solitaire encombré de courtisans. Un individu, quel qu'il soit, ne pourra jamais incarner le peuple, ni être son émergence. Certains, habités d'Histoire, ont été des guides. Je ne suis pas issu de cette forge. Je ne suis qu'un de la cohorte des coaches, des managers. J'ai cru longtemps à la fable du team building, à la culture d'entreprise. L'entreprise n'est pas la démocratie, c'est son contraire. Je n'ai su m'entourer que de médiocres...

Je ne suis pas la République. Cette République va mourir. Il le faut. Elle a amené depuis ces 30 dernières années le pays à la catastrophe d'aujourd'hui. L'élection présidentielle, d'autres l'ont dit au soir de mon élection, est un hold-up. Ce n'est que le déguisement de la doctrine hégémonique actuelle, cette pensée trop économique pour être politique, outrée d'individualisme au détriment du bien commun. Un hold-up qui remplit les coffres de ceux qui sont tout. Il n'y a évidemment aucun ruissellement, il ne faut pas en attendre. Toutes les preuves aujourd'hui sont sous vos yeux.

J'ai changé. J'ai découvert aujourd'hui par la puissance de la mort qu'une nation, c'est avant tout une population, des gens qui la composent. La Nation n'est ni une ni indivisible mais la République se doit de l'être. Celle-ci a failli, il faut en changer.

Il faut d'abord sortir de cette crise. Je suis un de ceux qui l'ont rendue possible, je ne peux pas vous aider à la résoudre. Je cède ma place aux Institutions. Il faut leur redonner confiance. Nous n'avons pas d'autre choix. Il faut reprendre au début la lutte contre la pandémie, ne plus courir ni à droite ni à gauche comme des poulets sans tête, avoir des masques, les fabriquer ici, avoir des tests, les produire ici, sortir, revivre et permettre l'accompagnement digne des disparus, des absents. Ce n'est pas l'économie qu'il faut faire repartir mais la société. Elle repose sur de l'entraide, de la spécialisation des métiers, de leur dignité, du chacun à sa tâche, de l'organisation commune par un État qui ne cherche pas à protéger, mais qui partage. Vous n'êtes pas les enfants que j'imaginais, vous avez droit à la sincérité, à l'information et à la prise de décision. Vous pouvez devenir un peuple. La société française en sortira grandie, son économie à son service.

Vous construirez ensuite une nouvelle République, plus juste, plus humaine, plus égale, plus libre et plus fraternelle. Je vous fais confiance. Si, si.

Je démissionne.

Cela ne peut pas être moi.

La République est morte. Vive la République.

Ta da ta da da dam, ta da da da dam, ta da da dam, ta da da dam, ta da ta da da dam.

Illustration 1
© Nanni Moretti

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