Manifestation du 20 mars 2021
Aujourd'hui, c'est manif. Ultra importante. Contre les violences policières et l'article 24, le projet de loi portant sur l'interdiction de filmer la police. « Une manifestation de très grande ampleur » dit BFMTV. Maintenant, nous aussi, on a notre George Floyd, et surtout des policiers pris en flag. Nos gardiens de la Paix ont changé de nom, mais pas de méthodes. La différence, aujourd'hui : ça se voit, ça se sait, ça se filme. Et puis ça se déplace, de la banlieue à Paris. Les bandits ne sont pas toujours là où on croit.
On défile, donc. Le parcours est très court, justement : République, Bastille.
« Police partout, justice nulle part »
Nous avons retrouvé les potes habituels, toujours présents pour les bonnes causes. On papote, on avance doucement. Les rues sont noires de monde. On discute de « Nickel boys » mon coup de cœur de l'année 2020. Un coup de maître. Chapeau bas. On constate que cette histoire de fou se passe en 1960, en Floride, et que finalement rien n'a vraiment changé puisque, en 2020, on maltraite encore les citoyens en les traitant de « sale nègre ». Et que ce sont les gardiens de la Paix, si bien nommés, qui profèrent ces menaces, matraques à la main.
Non, on n'avance pas beaucoup. Je regarde les slogans, les banderoles. Certains sont vraiment percutants. Mais je ne me décide pas à les prendre en photo, car mon téléphone est un peu vieux et fatigué. En pré-retraite en quelques sortes. Dans la foule, il y a tous les âges, ça fait chaud au cœur.
Tout le monde se sent concerné. Il faut dire que nos libertés font grise mine, Peau de chagrin ces derniers temps ; avec l'épidémie tout est au ralenti mais pas au Sénat où les lois liberticides tombent les unes après les autres à une vitesse incroyable.
Les médias sont là et défilent avec nous : Le Monde, Mediapart et même Paris-Match, c'est dire...
Les photographes ne peuvent plus bosser sans se faire bousculer... « Quelque chose est pourri au royaume » de France. Qui a dit dernièrement « La liberté de la presse est une de nos valeurs fondamentales » ?
Le défilé ne défile plus, nous sommes bloqués avant Bastille. Comme d'habitude, toutes les rues sont obstruées par les forces de l'ordre, sauf une, ce qui implique une sortie de manif. en goulet et souvent la peur de se faire gazer ou d'être pris en tenaille.
Nous restons donc sur place et attendons. Je me décide à sortir mon appareil photo quand je vois un slogan qui m'interpelle : « Éduquez vos flics ».
Je me décale, le panneau est trop loin. Puis je me rapproche au maximum, en cadrant j’aperçois une silhouette d'homme au premier plan. Il doit se dire « Quelle emmmerdeuse celle-là ! » Je m'apprête à m'excuser lorsque je devine un sourire derrière le masque... c'est Vincent.
Il est là, sur mon unique photo, au milieu d'une foule de milliers de personnes. Je ne l'avais pas revu depuis treize mois, date à laquelle il a enterré sa femme, et moi, une amie.
Elle s'appelait Mimi.
