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Billet de blog 3 octobre 2024

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L'INPI et l'INSEE dans un bateau

La tuyauterie du Guichet Unique de l'INPI vers ses partenaires se révèle peu adaptable à la correction des bugs de cette administration. Récit Kafkaïen d'une modification qui tourne mal.

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Le Guichet Unique des entreprises est confié depuis 2023 à l'INPI. Il permet les inscriptions et modifications concernant toutes les entreprises. Charge à lui de communiquer avec ses partenaires: le Registre du Commerce, la Chambre des Métiers, l'INSEE.... Ce dernier gère notamment le répertoire SIRENE, fiche d'identité des entreprises, et attribue le code APE qui caractérise l'activité de celles-ci; il délivre ainsi l'avis de situation SIRENE, carte d'identité de l'entreprise nécessaire à certaines formalités.

Cette présentation faite, les méandres de l'administration ne sont malheureusement pas impénétrables, et il nous faut déjà relater à quelle occasion le Guichet de Unique a croisé notre chemin, ce qui fut le début de nos mésaventures. La situation n'est pas sans rappeler le célèbre film "Brazil", où le pâté créé par l'écrasement d'une mouche sous le caractère d'une machine à écrire conduit le héros à subir in fine les procédures implacables d'un gouvernement totalitaire.

Peu de personnes le savent, mais la location de meublés nécessite une inscription en tant qu'entreprise afin d'obtenir un numéro SIRET. Ainsi, lorsque j'ai voulu créer mon entreprise individuelle de commerce de légumes sur les marchés, j'étais déjà titulaire de cette immatriculation, pour louer en banlieue parisienne un studio meublé à l'usage d'étudiants. Organiser une deuxième activité d'entrepreneur individuel à l'aide de cette immatriculation aurait dû être la voie normale.

C'était sans compter avec l'administration fiscale qui, de son propre aveu, ne garantit pas d'être en mesure de distinguer les revenus de la location meublée, de celle de la vente des légumes. Pour cette raison, il aurait pu être impossible de bénéficier des seuils de revenus prévus pour simplifier la vie des petites activités, à partir desquels la vente de quelques légumes commence à s'apparenter à la gestion d'une multinationale.

Evitant soigneusement ce piège, nous avons donc opté pour que ce soit mon conjoint qui administre l'entreprise individuelle de la vente de légumes. Il avait lui aussi son numéro SIRET, pour avoir dans le passé loué un gîte de tourisme. Il "suffisait", donc, de modifier son activité et, par la même occasion, l'adresse de l'entreprise qui, du meublé de tourisme normand, devenait charentaise et légumière.

La procédure semblait prévue par le Guichet Unique. L'INPI a mis en place à cet effet un très complet formulaire informatisé de mise à jour des entreprises, muni de maintes rubriques, dont celles de l'activité et de la domiciliation. Tout semblait paramétrable et transformable à volonté, ce qui malheureusement ne devait s'avérer que partiellement vrai.

Lorsque nous reçûmes le KBIS d'inscription au Registre du Commerce et des Sociétés, nous pensions en avoir fini: l'entreprise de mon conjoint y était bien domiciliée en Charente, et son activité requalifiée. Mais si la tuyauterie qui relie l'INPI au R.C.S. avait bien fonctionné, celle vers l'INSEE apparut rapidement plus problématique: SIRENE demeurait obstinément braqué sur la Normandie, version location de meublés.

S'il y a un procès qu'il ne faut pas faire à l'INPI, c'est celui de la disponibilité des conseillers. Il nous est en effet rapidement apparu que, si un allocataire de prestation sociales ne peut souvent que rêver de s'entretenir avec un être humain, un chef d'entreprise a, lui, la faculté de se faire rappeler dans la minute par un conseiller du Guichet Unique. C'est sans doute là la reconnaissance de son apport présumé à l'économie, plutôt que de son coût à la société.

Des multiples échanges cordiaux que nous eûmes avec ces conseillers, l'hypothèse la plus plausible était qu'un opérateur avait validé notre demande de changements multiples, à partir d'un questionnaire que d'autres avait imaginé ne pouvoir modifier qu'une chose à la fois. De ces mêmes échanges, la suggestion la plus étrange fût sans doute celle de nous re-domicilier en Normandie, puis à nouveau en Charente, dans l'espoir qu'un signal convenable soit envoyé à l'INSEE à travers la tuyauterie sous-dimensionnée qui le relie à l'INPI. Quant à l'INSEE, qui fut aussi contactée, il déclara que, en dépit de l'extrait KBIS que nous produisions, il "n'avait pas la main" sur notre fiche, et qu'une demande devait émaner de l'INPI (et la copie d'écran fournie indiquait bien qu'aucune tuyauterie n'avait requis les modifications convenables).

Au bout de plusieurs semaines, une solution se profila enfin. Soit qu'ils l'ait créé depuis, soit qu'il s'en soit rappelé l'existence, l'INPI nous invitait, suite à nos multiples demandes, à effectuer une 'formalité de complétion ou modification'. Nous modifiâmes donc à l'aide des rubriques fournies. La réponse ne se fit pas attendre: il n'était pas possible d'enregistrer, à l'aide du formulaire transmis à la suite de l'exposé de nos déboires, ces informations de l'entreprise. Une conclusion s'imposait: tout le monde à l'INPI ne connaissait pas l'usage qu'il était possible de faire des formulaires et procédures créés par l'organisme.

Lorsqu'une semaine se fut écoulée depuis qu'une réponse dans la journée par un nouveau conseiller INPI nous fût promise, nous rappelâmes l'organisme. Le conseiller, toujours aussi aimable, comprit bien lui aussi la problématique: comment modifier à l'INPI des informations déjà tout à fait correctes, afin que l'INSEE et son répertoire SIRENE reçoivent enfin le bon signal ?

A l'heure où j'écris ces lignes, mon imagination vagabonde: quelqu'un va-t-il prendre son téléphone et demander à l'INSEE d'effectuer une modification du répertoire SIRENE sur la foi des informations détenues par l'INPI et le R.C.S ? Un nouveau formulaire de complétion et modification va-t-il être créé ?

Dans l'attente, j'envoie ce billet à Jérémie Fenichel, directeur de la propriété industrielle et des entreprises à l'INPI, dans l'espoir qu'il demande à Nelson Dos Santos, département des entreprises, de se plonger dans la tuyauterie défectueuse qui relie son organisme à l'INSEE, et qu'enfin je dispose d'un avis de situation conforme, et que je m'inscrive à cette 'Ruche qui Dit Oui' qui me tend les bras depuis maintenant des semaines.

Pour découvrir d'autres histoires de dindons de l'INPI, ce groupe Facebook: https://www.facebook.com/groups/716429690031376

Pour le rapport de la Cour des Comptes: https://www.ccomptes.fr/fr/documents/67827

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