Les assurés de la caisse nationale de retraite (régime général) peuvent avoir l'illusion de la modernisation. A la condition toutefois qu'ils restent sagement dans le seul itinéraire prévu à leur usage: une unique demande de retraite. Les autres, et en particulier tous ceux qui auront souhaité reporter leur demande, dans l'attente des précisions de l'interminable mais néanmoins expéditive réforme des retraites, peuvent voir à présent ressurgir une administration obsolète, où le papier fait loi.
L'apparence de la simplicité, l'enfer administratif sous le clavier
Votre demande de retraite en ligne a été un bonheur, ou presque: demande centralisée aux différents régimes, dossier unique dans lequel vous avez sagement téléchargé vos justificatifs, corrigé votre carrière... tout semble bien parti. Mais les incertitudes et les confusions que le gouvernement a longuement fait peser sur sa réforme des retraites auront incités les plus prudents à demander le report de leur demande.
Voilà qui est fait par vos soins, aussi simplement que la demande, d'un simple clic, qui s'avèrera pourtant fatal.
Très rapidement, un courrier vous parvient, indiquant que l'annulation est traitée, et que "vous devrez refaire une demande ultérieurement". C'est donc tout naturellement que, quelques mois plus tard, vous refaites une demande en ligne. Lorsque défilent les régimes de retraites concernés à cocher, vous remarquez juste que le régime général est grisé, et mentionne "demande traitée". La retraite complémentaire AGIRC-ARCCO semble le seul régime à prévenir, et vous cochez la case. Il s'avèrera que le système ne sait pas qu'une retraite complémentaire ne peut être traitée en l'absence d'une demande simultanée du régime général.
Vous l'apprendrez seulement des mois plus tard. Mais avant, il vous faudra subir le premier bug du système: le régime AGIRC-ARCCO, qui vous a pourtant signifié la bonne exécution de la précédente annulation par un prompt courrier, retrouve dans le système votre demande non purgée... Consciencieusement, il annule donc votre nouvelle demande, après avoir enregistré le dernier document manquant que vous venez de lui fournir. Mais il ne sera pas le pire de l'histoire. Prévenus de la bévue, les services de l'AGIRC-ARCCO restaureront votre dossier informatique à la date précédant l'erreur, et vous informeront de la nécessité de demander la retraite du régime général.
Le régime général, par l'intermédiaire de la CARSAT, chargée de l'interface régionale avec les assurés, se révèle, lui, incapable de traiter une deuxième demande autrement qu'avec du papier. Avec toute la mauvaise foi dont est capable une administration à l'ancienne, elle affirme que son processus déficient est "normal", confondant sans doute ici la normalité avec la récurrence. D'ailleurs, plaide-t-elle, il "suffit de demander autour de vous" pour savoir qu'une demande en ligne n'est pas possible. Voilà le problème: vous vous êtes contenté de ce courrier, vous incitant sans plus de précisions à faire une demande nouvelle, et vous n'avez pas demandé autour de vous quelles étaient les limites du système...
Recevant votre demande papier (par un mail, persistant à vous informer qu' "une demande en ligne est aussi possible"), vous pouvez admirer un nouveau pan de la "normalité" façon CARSAT. Alors que tout votre dossier a été, de longue date, complété; que vous avez fourni tous les justificatifs et documents nécessaires, ne voilà-t-il pas que la CARSAT, sans doute incapable d'exhumer cela de son système informatique, vous demande à présent des photocopies de ceci et de cela ?
Bien entendu, il ne vous est pas accordé de démarrer votre nouvelle demande à la date d'effet de l'infructueuse demande en ligne, vous faisant perdre plusieurs mois de retraite. Pour cela, il vous faudra solliciter la commission de recours, sans garantie du résultat, et peut-être même le médiateur. Cela fera l'objet d'un projet billet.