Imaginez une énergie qui se ferait trop rare pour la demande, et dont le prix serait laissé aux mécanismes du marché. Cela n'existe pas, me direz-vous, les prix du gaz, du pétrole, de l'électricité étant soit subventionnés, soit maîtrisés par le gouvernement. Pourtant, il ne faut pas chercher bien loin un exemple, qui donne à voir ce qui pourrait nous attendre: celui du bois de chauffage en granulés.
Cette énergie, devenue populaire pour alimenter poeles et chaudières, se fait en effet trop rare comparée à la demande (15 % de déficit, en partie alimenté par les restrictions commerciales avec la Russie), entrainant une hausse récente de son coût de 50 %. Cette énergie laissée au seul marché, le consommateur n'a plus qu'une alternative: soit il peut payer et se chauffer, soit il est dans l'incapacité de le faire et il restreint son chauffage.
Le même dilemme nous attend pour toutes les énergies: si leur disponibilité n'est pas contingentée, c'est leur prix qui en assurera la modération de consommation. Et dans ce cas, il y aura ceux qui peuvent, et tous les autres. D'une manière emblématique, la polémique sur les jets privés illustre à un autre niveau de revenus ce qui nous guette. Ce n'est en effet pas tant une introuvable "morale écologique" qui devrait nous surprendre, que l'affichage criant des inégalités que ces usages représentent. Voilà sans doute ce qui aura contribué à l'hilarité de Mbappé, bien placé pour savoir qu'on peut se vautrer dans l'argent bien autrement qu'en empruntant un avion privé...
Empêtré depuis une décennie dans une gestion européenne libérale de l'énergie, le gouvernement est ainsi bien en mal d'assurer le contingentement nécessaire. On ne peut, en effet, se contenter de mécanismes de compensation de prix, lorsque la denrée elle-même vient à manquer, et que son coût est déterminé par l'offre et la demande. Ce serait aussi assurer aux opérateurs des bénéfices indus.
Pour maintenir l'équilibre social, la solution passe donc par l'utilisation conjointe d'aides ciblées (dont par exemple la différentiation tarifaire en fonction de la consommation), de taxation des bénéfices et de régulation des marchés, aux antipodes de la politique énergétique menée jusqu'à présent par la commission européenne.