Après l'avoir enrobé de douceurs, Jacques Attali quitta J.L. Mélanchon sur une vacherie: "vous allez faire de la France la Corée du Nord".
Passons sur la crapulerie consistant à attaquer sans attendre la réponse, mais reconnaissons à l'invective qu'elle s'appuie sur une faiblesse capitale du programme du front de Gauche: son articulation avec la mondialisation; les échanges commerciaux de la France-enfin-de-gauche avec le reste du monde.
Que dit le programme à ce sujet ? Bien peu de choses, si l'on s'en tient à ce qui est explicitement exprimé:
UN RENOUVEAU INDUSTRIEL ET TECHNOLOGIQUE:
"Il est absurde que la totalité du paracétamol dans le monde soit produite en Chine ou que des constituants essentiels de l’industrie agroalimentaire ne soient plus fabriqués en Europe."
RELOCALISER L'ECONOMIE:
"La France agira pour l’institution de protections et de normes sociales et environnementales communes aux Européens, face à la pression des capitaux et des productions à bas coût sur les marchés mondialisés..."
De quelle "absurdité" parle le programme, quand chacun voit bien qu'elle est au contraire absolument conforme à la logique commerciale ? De quelle manière compte-t-il imposer en Europe des normes renchérissant le coût de la production, sans l'isoler commercialement ? Comment les nouvelles normes sociales et économiques de la France, de L'Europe, s'articuleront-elles avec le reste du monde ?
A ces questions, il y a peu de réponses dans le programme du front de gauche, qui semble occupé à décrire une société nouvelle, française, un peu européenne, dont on ne sait si elle éclairerait le reste du monde, ou bien se couperait de lui. Certes, on devine que JL Mélanchon répondrait que, à l'intérieur de cette nouvelle donne, le problème ne se poserait plus de la même manière. Mais de laquelle ?
Pour J. Attali, la réponse est claire: coupée du reste du monde libre-échangiste et capitaliste, la France serait vite distancée, économiquement, puis socialement. A l'heure où l'indien L. Mittal demande à l'Europe de diminuer ses coûts de production, où M. Le Pen porte ses attaques sur l'Europe, le libre-échange et l'euro, il est urgent d'opposer un programme apportant une réponse claire à ces interrogations. Faute de quoi il ne serait ni crédible, ni sans doute plébicité.