ornito (avatar)

ornito

Chien transcaniste

Abonné·e de Mediapart

338 Billets

0 Édition

Billet de blog 22 juillet 2013

ornito (avatar)

ornito

Chien transcaniste

Abonné·e de Mediapart

AirBnB: l'internet facile, trop facile

ornito (avatar)

ornito

Chien transcaniste

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le site d'hébergement chez les particuliers (et autres hébergeurs) AirBnB connait un succès croissant. La compagnie, créée il y a 4 ans, est aujourdhui valorisée 2.5 milliards de dollars. Loin de la présentation simpliste de particuliers choisissant librement d'héberger et d'être hébergés, les modalités juridiques et commerciales de AirBnB questionnent fortement les lois et réglementations des pays dans lesquels s'établissent les prestations mises en ligne par la société californienne: en cela, il est un exemple typique du commerce sur internet.

Pour l'illustrer, prenons quelques exemples symptomatiques:

- "Vous pouvez exclure les noirs, les homosexuels, voire les femmes de votre commerce"

La formulation est provoquante. Pourtant, c'est bien ce que permet le système AirBnB: sélectionner les hôtes, sans justification, sur la base de leur photographie (noir, blanc ?) de leurs moeurs (famille, couple homo., décolleté trop prononcé ?) ... etc. La transaction étant réputée non commerciale (rien n'empêche pourtant des loueurs appartenant, par ailleurs, à des enseignes autrement plus exigentes sur la pluralité de s'y inscrire), les règlementations élémentaires du commerce ne s'y appliqueraient pas. A l'inverse, les populations potentiellement discriminées pourraient voir un avantage à afficher de prime abord leur particularité, afin de s'éviter la mine déconfite de l'hébergeur à leur arrivée, découvrant par exemple qu'il accueille un couple homosexuel.

- "Votre contrat d'assurance peut-être rédigé en anglais"

L'assurance du logement du loueur ("garantie hôtes") n'est accessible sur le site de AirBnB qu'en anglais. Sans doute était-il trop périlleux pour la société de la traduire dans chacune des langues des pays où elle est effective. En effet, c'est avant tout une longue liste d'exclusions qu'elle contient, et tout semble fait pour limiter de facto les obligations réelles de l'assureur: une traduction pourrait mettre en péril cet édifice complexe. Une fois passée la barrière de la langue, ses bases apparaissent des plus fragiles. Ainsi, l'une des nombreuses obligations faites au loueur est de prendre contact avec son hôte, afin de s'informer suffisamment des ses caractéristiques ... chose impossible si celui-ci réserve instantannément chez l'hébergeur ! On constate avec effarement qu'une société cotée plusieurs milliards de dollars met en oeuvre des solutions d'amateurs...

-"Vous notez tout et n'importe quoi, et n'importe comment"

Copiant le principe Facebook selon lequel tout et chacun est susceptible d'être noté, "liké" et recommandé, les hôtes de AirBnB sont censés se noter. Ceci éviterait aux uns d'être hébergés dans de mauvaises conditions, aux autres d'accueillir des rustres. De toute évidence, le système ne fonctionne pas plus que le jeu du "tu me tiens par la barbichette...", puisqu'à une mauvaise appréciation donnée par un logeur correspond souvent une mauvaise appréciation donnée en retour par l'évalué. Au mieux, une mauvaise évaluation est une absence d'évaluation, et on constate régulièrement que des hôtes grossiers collectionnent les commentaires les plus élogieux. D'une manière générale, le comportement des clients AirBnB est souvent plus consumériste que celui des enseignes de location traditionnelles: il n'est pas rare d'observer que ces clients assimilent le paiement de leur séjour au mieux à un droit de disposer de leur hôte comme bon leur semble, au pire à se comporter comme des cochons, chose que nous avons observé que très rarement dans les filières traditionnelles, comme Clévacances ou Gites de France. AiBnB semble avoir pris acte que son mauvais système n'est nullement indispensable - voire nuisible au commerce - puisqu'il propose désormais la réservation instantanée, sans plus de chichi de consultation de profil.

Voilà, AirBnB est un système assez peu innovant, dont le succès commercial tient à la fois de son absence de contraintes - parfois en marge des lois nationales (tout ou presque peut-être loué, les hébergés étant priés de faire le tri entre eux) - et du monopole qu'il a créé (tendant à devenir universel, il est incontournable, quelques soient ses qualités ou défauts intrinsèques).

Face à cette nouveauté commerciale, les gouvernements pataugent, peinant même à récupérer la moindre taxe du juteux business AirBnB. Les usagers, eux, tout accaparés par le bénéfice immédiat que semble leur procurer un tel système, se déclarent majoritairement opposés à la règlementation du commerce des produits ainsi dispensés. Il s'agit donc bien d'une innovation internet.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.