"Mes chers amis: comme vous êtes tristes, comme votre France est triste ! Votre tristesse m'ennuie, car je vous aime bien. J'ai du vous délaisser - un peu - pour la lointaine Russie. Mais, que voulez-vous ? Là-bas, ils s'amusent encore. Regardez leur président ! Pas comme le nôtre: fort, pas bégueule, du genre à rigoler, entre potes, sans chichis. Et moi, l'absence de chichis, j'aime ça. Tout doit être largement servi, démesuré: ma piscine, mes cuites, mes amis, ma rue, mon pognon ...
Mais je suis comme vous. D'ailleurs, ne suis-je pas, ici, dans ma maison belge, à vous parler en confidence, entre une batterie de cuisine et un jambon pendu, qu'aucun d'entre-vous - j'en suis sûr - ne dédaignerait de manger avec moi ? N'ai-je pas incarné ce bon vieil Obelix qui, avec le petit Asterix, vous personnifient si bien ? N'avez-vous pas apprécié, tout au long de mes films, cet étalage d'une jouissance jamais satisfaite, cet appétit jamais rassasié, ces désirs si vrais, si vous, si nous ? Ne vous ai-je pas déjà vengé maintes de fois de la bourgeoise d'à côté, du politicien du 20 heures, de votre petite vie ? Où est passé votre appétit ? Pourquoi ne vous satisfais-je plus ?
Quoi ? Ce n'est pas vous qui changez, mais le monde d'en face ? Comment ? la bourgeoise d'à côté n'en n'est plus une ? Et quoi, encore, "ces politiciens sont pourris" ? Comment, dites-vous ? "on dirait des porcs" et on voudrait "les trucider" ? Mais vous voilà tout aigris, tout pleins de rancoeur, l'estomac vide. Que pourrais-je faire pour vous, pour vous donner, encore, un peu l'envie de jouir ? Tiens, prenez, mangez, ça, ça et encore ça, et cette brioche avec !