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Billet de blog 24 octobre 2013

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L'Etat est bon, parce qu'il le veut bien

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le jugement du tribunal administratif ordonnant à l'Etat le placement d'un enfant autiste en institution plutôt que d'en laisser la charge à sa famille éclaire crûment le débat qui devrait avoir lieu quant aux principes fondateurs de l'Etat.

Le ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale, par l'intermédiaire de Mme Carlotti, a d'abord cru pouvoir définir, en l'occurence, l'action de l'Etat de la manière suivante: A Amélie, nous apportons une solution individuelle. [...] Le gouvernement agit avec humanité. Il agit également avec volonté et lucidité.» «Il est de la responsabilité de l’Etat d’apporter des réponses adéquates à chaque famille, pas au juge. C’est pourquoi l’Etat engage un recours devant le Conseil d’Etat.

En clair: "l'Etat est bon, parce qu'il le veut bien; il n'est pas contraint par des principes moraux, lesquels sont subordonnés à son appréciation des circonstances (la lucidité quant aux contraintes matérielles). Il définit lui-même les droits fondamentaux".

Une telle position a été appréciée par les associations concernées - en des termes à peine adoucis - comme une position infecte. L'indignation porta, puisque le gouvernement a renoncé à son intention de recours. Il est clair que l'Etat a été pris de frayeur à l'idée qu'on puisse le contraindre à satisfaire à certaines obligations - telles que porter secours en toute circonstance à un individu malade, et à sa famille - sans qu'une loi ne l'y oblige explicitement. Il est clair, aussi, qu'une frayeur plus forte encore l'a saisit, lorsqu'il s'est fait jour que cette position pouvait trahir l'existence d'un Etat monstrueux, se détachant de la population pour lui imposer des intérêts d'ordre 'supérieur'.

Passe encore - par exemple - que l'Etat se trouve obligé de loger les individus, tant qu'une loi faite par lui, et révocable par lui, l'y oblige; mais il semble inconcevable, pour certains, que des obligations morales transcendent le pouvoir de l'Etat. Si tel était le cas, ne faudrait-il pas - séance tenante - donner du travail à chacun, plutôt que de promettre l'infléchissement de la tendance ? Ne faudrait-il pas - indépendemment de tout deficit - donner à chaque malade toutes les chances de guérison offertes par la technologie disponible sur le marché, indépendemment de ses ressources ? Ne faudrait-il pas interdire séance tenante l'agriculture chimique et ses pollutions ? Ne faudrait-il pas protéger toutes les Leonarda, plutôt que de les vouer à un avenir à coup sûr moins enviable que de rester sur le sol français ? Et tant qu'on y est, un pouvoir religieux, mieux à même de garantir que l'Etat se soumettrait à un système de valeurs ?

Pour s'éviter de telles obligations, les gouvernements se prévalent de certaines mécaniques intangibles: le chômage, contre lequel "on a tout essayé"; le code du travail, qui en fait perdre; l'assurance sociale, qui ne saurait creuser d'avantage le deficit; ces institutions, qu'on ne pourrait s'offrir... Curieusement, certaines de ces mécaniques, parmi les mieux identifiées: la démographie, les ressources, les risques technologiques... sont peu considérées par les mêmes.

Il n'y a en réalité aucun mystère à cela: toutes ces contraintes ne sont en fait que circonstancielles, et n'ont d'intangible que l'action qu'elles excercent sur des gouvernements impuissants à changer en réalité quoique ce soit, faisant indéfiniment tourner un  logiciel créé non par eux, mais fourni de l'extérieur, par des forces qui les dominent. Faire appel aurait été ici non seulement avouer qu'on était nu, mais aussi exhiber cette nudité jusqu'à scandaliser les moins clairvoyants.

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