L'usage des deniers publics européens à des fins d'administration politique locale ne peut être reprochée de manière identique au Front National et au Modem (et peut-être, au gré des révélations, aux autres partis politiques français). En effet, le Front National n'a jamais caché que le meilleur usage qu'il pensait pouvoir faire de l'argent européen était de l'utiliser pour financer la perte de l'Europe, en rétribuant la main d'oeuvre politique nationale chargée de populariser un programme visant à la défaire. De ce point de vue, s'il y eut tromperie financière, elle ne fut pas politique.
Tel n'est pas le cas du Modem, qui disposait entre 2009 et 2014 de cinq députés européens (Marielle de Sarnez, Sylvie Goulard, Nathalie Griesbeck, Robert Rochefort, et Jean-Luc Benhamias). Des députés qui ne représentaient pas un parti europhobe, mais, bien au contraire, dernièrement au sein du groupement européen "L'alternative", un mouvement européen fédéraliste. C'est donc à cela que devaient, selon les professions de foi des députés européens modem, servir les collaborateurs européens: aider ces députés à construire des propositions européennes, conformes aux valeurs du modem.
Ce qu'il faut donc à présent reprocher à F. Bayrou et ses amis, ce n'est pas tant le détournement de quelques millions d'euros, mais d'avoir trompé les électeurs, soit en tenant un discours européen de façade, tandis que son usage des collaborateurs démontrait le peu de crédit qu'il apportait à la construction européenne, soit au contraire en détournant les moyens qui lui auraient permis de mieux se consacrer à la mission qu'il s'était fixé.
Si François Bayrou et ses amis nous ont trahis, ce n'est pas sur la scène politique française, mais au sein de l'assemblée européenne, rabaissée par eux au rang de guignolade.