Il serait de courte vue d'attribuer aux restrictions annoncées et qui s'annoncent la totalité de l'humeur sinistre qui s'empare des français. En effet, s'il s'agit indéniablement de retour en arrière, nos futures conditions de vie ne nous sont pas inconnues: travail jusqu'à 65 ans, pouvoir d'achat limité, retraite écourtée, crise énergétique, etc ... la société française a déjà connu cela. Certes, parcourir le chemin à l'envers est moins enthousiasmant que de le faire à l'endroit, mais cela n'est sans doute pas tout.
Le malaise, autrement plus fondamental, concerne en réalité le projet de société lui-même, dans lequel s'incrit cette austérité. Le Premier Ministre et F. Hollande, ne cessent de le nommer: celui de la compétitivité. S'ils répètent aussi, à loisir, que l'austérité (les réformes, disent-ils) s'accompagnera d'une justice sociale qui serait la véritable distinction de la gauche de la droite, chacun entend cependant la chose suivante: dans la société qui s'annonce, il faudra être compétitif, ou bien crever. Et cette compétitivité n'est pas seulement celle mesurée à l'aulne du voisin (et d'ailleurs, lequel: l'Allemagne, la Chine, les pays de l'Est ... ?), mais aussi et surtout à celle de nos concitoyens. En clair, tandis que la gauche peine à vendre un projet de société (certes, austère), chacun entend que la réforme sera celle du chacun pour soi, de l'élimination des plus faibles, car les plus forts se fichent bien de la cohésion sociale: ce n'est pas leur préoccupation, comme chacun peut le constater dans toutes les économies libérales, émergentes ou non.
En empilant des mesures sans les avoir jamais véritablement exposées dans un projet de société, F. Hollande conforte cette crainte d'un retour à l'état sauvage, plus qu'il n'apparait comme un chef pour temps difficiles. Le martèlement du thème de la réforme dans la justice ne convainc en réalité plus grand monde de l'existence d'un tel projet, pas plus que sa réaction aux exigences détaillées de la commission européenne en matière économique ne convainc qui que ce soit qu'il s'agisse là d'autre chose que de rodomontades. Pour cette raison, les rares mesures qui ne seront pas apparues dictées par les circonstances (ainsi du mariage pour tous), seront portées à son crédit. Paradoxalement, la droite dont les réformes s'intègrent parfaitement à une idéologie, se trouve en meilleure position, si tant est que son futur représentant puisse apparaître comme animé par une vision, plutôt que par une ambition personnelle.
Billet de blog 30 mai 2013
Un malaise qui provient non de l'austérité, mais de ses conséquences
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