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Billet de blog 5 juin 2022

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Black bloc : redonner sens, loin des clichés, à cette pratique manifestante

Le terme “black bloc” a été dépossédé de son sens par des chroniqueurs et polémistes en mal de sensations fortes.

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Black bloc - Orsinos © Orsinos

Les blacks blocs ne sont pas un groupe, une association politique ou quoi que ce soit d’autre. Mais une tactique de militantisme qui prône une forme de violence et de radicalité dans leurs actions, visant toujours le capitalisme et les institutions fascistes. 

Contexte historique 

Cette tactique manifestante est apparue dans les années 1970 en Allemagne. Nommée dans un premier temps “ Schwartz bloc ”, ce sont des groupes anti-fascistes allemands qui créent cette pratique. D’abord de niche, elle se propage dans les années 90 aux États Unis et prend une ampleur mondiale à la fin de la décennie suite à la bataille de Seattle. La ville, accueillant la troisième conférence interministérielle de l’OMC en 1999, connaîtra de nombreuses protestations dont des méthodes d’action directe comme les black blocs. Ce fut l’une des premières apparitions de cette pratique manifestante sur le continent nord-américain (du moins revendiqué comme tel). Suite à cela, la globalisation de la pratique va angliciser le terme “Schwartz bloc” à “black bloc”. 

L’émergence de cette tactique est due à trois phénomènes : 

- Une lassitude des mouvements ultra-pacifistes.

- Un maintien de l’ordre de plus en plus violent.

- Des idées d’extrême droite qui, en opposition, s’étendent. 

C’est dans ce contexte qu'apparaît cette tactique de lutte en Allemagne, se relayant par la suite aux États Unis puis en France…

La violence pour imager 

Le principe du black bloc est avant tout le collectif : créer un groupe éphémère qui partage les mêmes valeurs et les mêmes pratiques manifestantes. C’est la personnification du concept « je pense donc j’agis ». La tactique s’inscrit dans cette mouvance « d’action directe ». La violence ici a pour but de servir l’intérêt commun et n’a pas pour but de dominer ou de prendre le pouvoir.

Par le black bloc, c’est ainsi ramener le débat et la politique dans les espaces publics auxquels toutes et tous ont accès (comme la rue) et ainsi répondre à la violence du capitalisme. Par la casse des vitrines, du mobilier urbain exposant des publicités, il s'agit de montrer la manière dont le capitalisme a investi nos espaces publics. Les militant.e.s les réinvestissent donc à leur tour en expulsant et en dégradant ce qu’ils considèrent comme dévalorisant pour les espaces communs. Iels invitent à repenser la ville.  

 Le noir comme code couleur 

Les militant.e.s sont tout de noirs vêtus (visage compris) pour ne pas être identifié.e.s par les institutions et ainsi se protéger en tant qu’individu. Cela prend d’autant plus de sens aujourd’hui avec la multiplication des pratiques de surveillance policière (utilisation de drones, vidéos surveillances, etc). Ce code uniforme permet aussi de ne faire aucune distinction de genre, classe sociale et couleur de peau. Elle repose sur l’autonomie individuelle de faire corps et bloc à un instant T. L’inclusivité des blacks blocs se limite, cependant, essentiellement à cela. Cette pratique ne s’est propagée que dans les pays occidentaux riches et chez les blancs. La répression policière bien que présente y est en effet moins meurtrière et les personnes blanches, face aux policiers, encourent surtout bien moins de risques. Un privilège que ne peuvent se permettre les personnes racisé.e.s. 

La tactique black bloc évolue avec le temps, les contraintes sociétales évoluant elles aussi. Cette pratique est difficile à saisir et n’a pas vocation à l’être. Elle n’est pas là pour supplanter les autres approches de protestations mais vient plutôt en complément. Même si celle-ci fait énormément parler d’elle, elle reste une pratique marginale dont le mode d’action directe et violent n’est pas accessible à toutes et tous. 

Dans nos sociétés contemporaines, c’est l’impasse du dialogue et le sentiment de non-écoute de la part des divers gouvernements qui ont fait émerger des pratiques d’actions directes en manifestations dont la tactique black bloc. Dans le mouvement gilets jaunes en France, c’est ce refus du dialogue qui fit monter la colère et fit développer des pratiques plus « violentes » de protestations. Par le black bloc, c’est une tentative de retrouver du sens commun dans les luttes et dans nos sociétés. 

Rédaction : Rio Clémence & François Perdriau - Orsinos

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SOURCES : 

- Black bloc : Histoire d'une tactique de Camille Svilarich

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