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La trajectoire politique de Lula se confond avec le Parti des Travailleurs (PT) qu’il a contribué à créer en 1980 à São Paulo. Il est une figure centrale de la question des travailleurs et de la gauche brésilienne et sera président du pays de 2003 à 2011. Après 4 ans de Bolsonaro, son parti qui a connu une succession de revers sur le plan médiatique reprend des couleurs. Premièrement due au bilan catastrophique du mandat Bolsonaro, mais aussi depuis l’annulation des condamnations de Lula par le Conseil Constitutionnel. Placé en tête dans les sondages face au président actuel d’extrême droite, Lula da Silva peut à nouveau espérer l’emporter.
Lundi 8 mars 2021 : la Cour Suprême annule les condamnations de l’ex-président Lula
La Cour suprême à trancher dans le dossier Lula et confirme l’annulation de toutes les condamnations pour corruption et blanchiment de fonds de l’ex-président, estimant que le tribunal l’ayant condamné n'était pas compétent. L’enquête ayant conduit Lula en prison n’aurait en effet pas respecté ses droits selon l’ONU. Emprisonné depuis 2018, le leader socialiste avait dû renoncer aux dernières présidentielles remportées par Jair Bolsonaro. Après 19 mois en prison, il redevient éligible pour l'élection brésilienne 2022. Par cette décision, la justice ne juge donc pas sur le fond, mais bien sur les biais de procédure de l’enquête visant le candidat dans le cadre de l’opération anticorruption de 2016.
L’héritage chaotique de Bolsonaro
C’est ainsi l’une des raisons du retour en force du PT et de Lula : le bilan chaotique du président en poste. Élu sans véritable programme en 2018, Jair Bolsonaro laisse un héritage désastreux pour le pays. Sous son mandat, les politiques sociales ont été démantelées et les salaires ont globalement diminué. Le chômage a cependant baissé, mais cette diminution s’explique par la montée du travail informel* qui représente aujourd’hui plus de 40% du travail au Brésil.
La déforestation de l'Amazonie reste l’une des conséquences phares de la politique de Bolsonaro. Sur la période août 2020 - juillet 2021, plus de 13 000 km2 de forêt tropicale ont été rasés, l’équivalent de plus de 120 fois la ville de Paris. En une année seulement, la déforestation a augmenté de 22%. Année après année, la déforestation continue d’atteindre des records au Brésil. Alors qu’entre 2004 et 2012, le niveau de déforestation diminuait sur le territoire, c’est un énorme coup d’accélérateur qu’a porté Bolsonaro durant 4 ans, motivé par l’idée d’expansion agricole.
*Le travail informel représente toutes les formes de travail exercées par des personnes percevant des revenus dont les conditions de travail ne sont pas réglementées par un cadre légal. Au Brésil, une immense part de la population participe à ce secteur de l’économie.
Un programme axé sur le social et l’environnement
« Nous devrons reconstruire le pays, et toute construction doit être basée sur de bonnes fondations. Ce programme en est la base ».
Lula da Silva le 20 juin 2022 à São Paulo.

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Juin 2022 : Lula présente son programme en 112 points à São Paulo. Selon lui, les politiques sociales et l’Amazonie seront les priorités de son mandat en cas de victoire à la présidentielle. En prévision, la mise en place d’une politique de lutte contre la destruction de l'Amazonie. Il promet également d’améliorer les conditions de vie de l’immense majorité de la population qui connaît depuis des années la crise, la faim et la baisse du pouvoir d’achat. La lutte contre l'inflation est ainsi l’un des objectifs du candidat. On notera aussi son positionnement en faveur de l’avortement*. Pour cette campagne 2022, Lula sera à la tête d’une coalition de neuf partis, la plus importante jamais réunie autour de son nom.
*Après son élection, Jair Bolsonaro a significativement restreint le droit à l’IVG. Avant lui, la procédure n’était permise qu’en cas de viol, malformation grave ou menace pour la santé. En 2020, son gouvernement introduira une nouvelle loi obligeant le personnel médical à transmettre à la police l’identité des victimes de viol réalisant une demande d’IVG.
2003-2011 : un bilan sans bouleversements majeurs
Le 27 octobre 2002, le leader du PT est élu au 2nd tour avec 61.27% des voix. Il devient alors le premier président de gauche de l’Histoire du Brésil. Après deux mandats consécutifs, il quitte la présidence avec 87% d’opinion favorable durant lesquels il aura mené une politique sociale, visant la hausse des salaires, la pauvreté, l’emploi et les inégalités.
Par plusieurs aspects, son bilan apparaît plutôt très positif. Le salaire minimum augmente de 54% entre 2003 et 2011 ; le revenu des 10% les plus pauvres progresse de 72% entre 2001 et 2008 ; 24 millions de Brésiliens sortent de l’extrême pauvreté et 31 millions entrent dans la classe moyenne. 14 millions d’emplois formels sont créés ; la géographie du pays en a été impactée : Le Nordest, traditionnelle terre de misère, voit ses conditions de vie évoluer et les inégalités entre territoires diminuent.
“Arrivé au pouvoir dans un boom économique des matières premières au Brésil, il a su mettre à profit cette croissance pour réactiver l’économie du bas, en multipliant les programmes sociaux” (Médiapart). En 2011, lorsque Lula quitte ses fonctions, le Brésil reste tout de même l’un des douze pays au monde où les inégalités sociales sont les plus fortes.
S’il a amélioré la vie des plus pauvres, sans aucun doute, Lula n’a cependant pas fait la révolution que les militants de gauche attendaient. Mandats sans bouleversement majeur, le socialiste n’a pas mené une véritable politique de rupture et n’a pas effrayé les élites et l'ancrage politique en place avant son élection. Il reste critiqué comme un président à la fois de gauche mais ayant usé du capitalisme pour mener sa politique sociale. Ainsi, durant 8 ans, Lula n’a significativement rien fait contre la concentration des richesses. Les élites ont continué de s’enrichir et le revenu des 10% les plus riches du Brésil a progressé de 11% entre 2001 et 2008. Sa présidence restera celle d’un socialiste libéral, luttant contre la pauvreté au profit de la tranquillité des plus riches.
Lula traîne également avec lui son image de président corrompu. La majorité des brésiliens sont aujourd’hui en colère contre la corruption des élites et une partie des électeurs ne veulent parfois pas choisir entre Lula et Bolsonaro.
Il n’y a pas de doute qu’au sein du PT, du gouvernement de Lula et dans les précédents, il y a eu énormément de corruption. Du point de vue d’une partie de la gauche brésilienne, il reste nécessaire de chercher à construire une alternative politique à Lula et au PT. Dans la mesure où, à l’heure actuelle, Lula semble être la seule solution crédible à l’éviction de l’extrême droite du pouvoir et au retour de la gauche à la présidence, l’unité avec lui semble nécessaire dans la rue. Cependant, les doutes quant à son possible futur mandat sont présents. Aucune concession ne devra lui être faite dans la politique qu’il mènera s’il venait à être élu.
Présidentielle 2022 : Le Brésil imitera-t-il Gustavo Petro et la Colombie ?
Dans quelques semaines, le Brésil pourrait suivre la “vague rose” que connaît aujourd’hui l’Amérique Latine. Depuis le 7 août 2022, la Colombie découvre le premier président de gauche de son histoire, au nom de Gustavo Petro. Si nous résumons, en Amérique du Sud : Colombie, Pérou, Chili, Argentine et Bolivie sont tous passés à gauche depuis 2018. À cela s'ajoute l'Amérique centrale avec le Mexique et le Honduras qui ont suivi la même démarche. La couleur politique de l’Amérique Latine change catégoriquement et c’est aujourd’hui la seule région du monde ayant pris réellement position contre le néolibéralisme au cours de ce siècle. Là-bas, près de 300 millions de personnes vivent actuellement sous la gauche. Si le Brésil venait à élire le candidat Lula cette année, ce chiffre dépasserait les 500 millions. Voir article Orisons L' Amérique du Sud bascule nettement à gauche.
Rédaction François Perdriau, Orsinos.
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