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Billet de blog 25 novembre 2015

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Nous, mécréants, nous ne sommes pas d'accord.

Je vais vous demander de faire un truc politique pour moi. Un truc politique qu’habituellement un cinquantenaire élitiste vient vous demander une fois tous les cinq ans avant de vous oublier à nouveau pour une demi décennie : votre voix.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Et si vous n’êtes pas d’accord, si vous n’avez pas envie, c’est très bien et cet article restera comme tant d’autres sur la vase indistincte du fond des internets où pourrissent les opinions peu partagées. Mais si ces mots résonnent, s’ils touchent à quelque chose qui vous est cher, s’il pose trois verbes dans un ordre correct sur un truc que vous peiniez à formuler, alors je vous demande votre voix. En le partageant, non pas pour le faire lire, non pas pour faire du clic (j’ai rien à y gagner) mais pour crier haut et fort que c’est votre avis, que Le Monde et Le Figaro doivent dire aussi cette réalité, notre réalité.

Nous, mécréants

Je suis, nous sommes, des mécréants. De ceux qui sortent de ceux qui aiment vivre sans qu’on nous dise quoi faire ou quoi penser, de ceux à qui vendredi on destinait une rasade de balles. Mais aimer vivre ne suffit pas, parce que contrairement à Morel qui fait de jolies tirades et puisque le temps des pleurs est vite passé, ça ne suffira pas de s’accrocher à nos pinards, nos saucissons et nos drapeaux comme si c’était cela que les jihadis visaient. Non ils visaient la diversité : la dissolution, qu’ils abhorrent, de l’Islam dans la société française et heureusement les LePen sont là pour les faire gagner d’avance en criant à longueur d’ondes que l’Islam ne peut pas se dissoudre dans la France.

Donc oui, aller en terrasse et boire du vin c’était résister aux premiers instants de frayeur, mais maintenant, ça n’est plus qu’aux terroristes qu’il va falloir resister, c’est à nous-même. Parce que si on pleure ensemble, si la France est unie dans sa douleur, alors moi, et toi qui lis, et lui aussi, on doit porter la responsabilité de ce “nous” et dire non en notre nom collectif, parce que ne pas se dresser contre, c’est laisser le champ à des actions politiques avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord.

La voix des concernés

Si la base de la lutte féministe c’est d’en laisser parler les femmes, c’est parce que, les principaux concernés par un sujet doivent avoir leur mot à dire. Or si c’est contre nous que les kalash ont aboyé, nous n'avons pas eu voix au chapitre… Après tout, ceux qui sont tombés me ressemblent plus qu’à Sarkozy à Hollande ou à LePen mais pourtant où sommes-nous aujourd’hui pour dire ce que nous pensons de ce que sera la société qui doit se relever de ce revers brutal ? 

C’est de cette société que j’aimerais ici parler et c’est aux mots qui vont suivre que j’espère vous ajouterez votre voix.

La haine en retour comme premier réflexe

Nous ne voulons plus de la violence. Frapper en Syrie au lendemain de cette attaque, peu importe que ce soit efficace ou non, était déplacé. Ça n’est pas notre idée de la justice qui se doit d’être lente, impartiale et glacée pour tout rageant que cela puisse parfois nous être individuellement, nous tenons comme principe sacré que la justice n’a pas à être dispensée par les militaires ou les politiques qui décident de prendre une soudaine revanche contre des gens qui, pour tout amicaux qu’ils puissent être avec nos bourreaux sont tout à fait innocents des tueries qui ont eu lieu à Paris.

Or condamner à mort à l’autre bout du monde l’ami de quelqu’un qui nous a blessé, ou son frère, ou son allié n’est pas notre idée de la justice qui se doit d'être dépassionnée, stoïque et impartiale.

Répondre œil pour œil au terrorisme, lui rendre les coups au décuple, cela fait 70 ans que c’est la politique d’Israel. Est-ce que ça a marché ? Ce pays plein de belles personnes et d’intellectuels qui fuyaient les oppressions a lentement basculé à l’extrême droite a mesure qu’il s’est laissé aller au dent pour dent… Qu’a donc apporté cette politique du service militaire obligatoire, préparant chaque nouvelle génération à la guerre sinon plus encore de violence ? Israel est féroce et sur-armée dans sa région… Lui a-ce apporté la paix ?

Alors c'est bien beau de dire "ils nous haïssent pour notre liberté" tout en leur donnant des raisons de nous haïr qui n'ont rien à voir avec notre liberté et tout à voir avec les vies innocentes que nous prenons sur le chemin de notre passage de nerfs.

Les va-t-en-paix

Il y avait cette phrase du directeur d’une prison suédoise (je peine à retrouver la source, si quelqu’un peut me la retrouver dans les commentaires, je cite de mémoire) «Si votre fille emménage pour la première fois et que son voisin est un ex-prisonnier, préfèreriez-vous que cet homme ait été bien traité, qu’on lui ait rendu une place dans la société, appris la guitare et la cuisine ? Ou qu’il ait été battu, violé et qu’il lui ait été signifié avec force que la société et tous les gens qui la composent le haïssent ?»

Le parallèle est pour moi limpide : on ne peut plus croire comme des naïfs et sans preuve qu’il suffira de taper de plus en plus fort pour des raisons de plus en plus futiles sur les plus faibles pour les faire taire… Quand nous écoutons Pécresse pérorer que le terrorisme commence par les fraudes dans le métro nous commençons par nous foutre d’elle sur twitter… Mais que veut-elle dire au fond ? Derrière cette affirmation, il y a la croyance profonde que la punition est la seule des pédagogies. Or les punitions et l’escalade de la brutalité à la Sarkozy qui veut être plus caïd que les racailles ne semble avoir que divisé plus encore la société. Nous, peut être assagis par le sifflement des balles nous interposons dans ce conflit et disons fermement "on se fout de qui a commencé, stop, c'est tout !" parce que c'est ce que nous a toujours répété l'éduction nationale.

Non.

Alors en trois lettres nous disons notre désaccord ferme avec les frappes aériennes en Syrie qui ne soulagent ou ne rassurent que les paranoïaques violents qui ne méritent ni d’être soulagés ni d’être rassurés (et qui d’ailleurs ne sauront jamais s’en contenter). Au delà de l’idéal de justice évoqué, nul massacre de population, même hostile n’a jamais su créer la paix. 

Or Daesh n’est pas une armée, n’est pas un pays, Daesh est une population civile soulevée contre nous. Lors il est absurde de prétendre que nous pouvons dans un conflit pareil “épargner les civils" quand c'est eux que nous visons… Sur une échelle qui va de sal à fist, quel degré de sympathie avec Daesh mérite une bombe sur ma ferme, mon mari, mes enfants ? Ces frappes non planifiées, faites sur un coup de tête ne sont que notre haine projetée à l’étranger. Et si elle sont ressenties comme hostiles et revanchardes c'est parce qu'elles le sont.

Or moi non plus «vous n’aurez pas ma haine» mais cette phrase d’Antoine Leiris, je ne l’adresse pas seulement à Daesh, mais aussi à ceux que j’ai élu ici en France : M. Hollande, vous n’avez pas le droit de haïr en mon nom, moi à qui ces balles étaient destinées, je refuse qu’on ordonne à une armée qui est aussi la mienne de tuer en retour.

Le plus dur sera de ne rien faire

Alors quoi, on ne frappe pas en Syrie ?! On nous attaque et nous… Nous ne ferions rien en retour ?

Oui. Nous ne ferons rien. C'est bien là la difficulté, le courage d'endurer plutôt que la veulerie qui consiste à envoyer un porte avion déglinguer des furieux en slip armés de petites mitraillettes pour se passer les nerfs. Le plus dur pour un président eut été (et ça n'est pas une critique que j'adresse à Hollande, sa situation n'était pas simple et il n'est pas utile de refaire l'histoire) de rester stoïque quand le monde l'aurait accusé de ne rien faire. Parce que nous ne faisons par "rien" sans raison ou faute d'idées. Nous ne ferions rien parce que nous avons des choses à défendre plus importantes pour l'espèce humaine que 130 de nos morts.

Certes, il faut se défendre, a commencer peut-être faire attention aux frontières de Shengen (là où on a laissé la Grèce se démerder toute seule avec l’afflux de migrants que nous, pays plus riches attirons) oui il faut désarmer les terroristes dans notre pays, les traquer et les empêcher d’agir, mais pas aller créer à grands coups de bombes, des orphelins qui seront à coup sûr les terroristes de demain.

Ce que nous voulons c’est avoir le droit d’être triste sans être en colère et de reconstruire le lien brisé entre toutes les communautés françaises, permettant plus de mouvement, plus encore de cette mixité que Daesh a en horreur. Car la colère, pour toute nécessaire qu'elle puisse être en nous dans le processus de deuil et de reconstruction est indigne d'un État qui depuis des semaines maintenant agite son drapeau tout en en sciant le manche à coups de burrins contre l'égalité entre musulmans et non musulmans, contre la fraternité avec les musulmans et la liberté de manifester.
Si nous voulons intégrer l’Islam en France il faut accepter de changer nous aussi notre identité, de devenir un peu tous culturellement musulmans comme nous sommes tous un peu culturellement cathos, juifs et athées. Il est temps pour nous d’échanger notre part du gateau contre une part du ghetto et de cesser de prétendre que notre société se fabriquera contre ses pauvres plutôt qu’avec eux. Il faut accépter en France de virer un ou deux jours célébrant les Saints vieillots et mettre là une fête juive, une fête musulmane montrer que notre pays sait qu'il est habité par autre chose que des blancs cathos racistes et fermés d'esprit. Si la laïcité se permet de petites entorses à noël, il ne saurait y avoir de raison qu'elle le fasse uniquement pour les cathos. Oui nous avons une histoire, mais lors de la révolution française, imaginez-vous aller dire aux révolutionnaires hurlant à l'égalité "oui mais bon on a une histoire monarchique d'inégalité alors comprennez bien qu'on peut pas changer"…

Où est Charlie ?

Par ailleurs, ce que nous chérissions de concert en janvier nous est toujours précieux : notre liberté d’expression. Alors laissez nous manifester, laissez nous dire ce que vous ne voulez pas entendre, dites nous “attention c’est risqué” si vous le souhaitez, mais le peuple français, c’est nous. Le pouvoir en France, c’est nous. Or nous refusons de nous interdire à nous-même de manifester et vous n’êtes pas en droit de répondre par la négative à cette injonction du peuple, car nous ne sommes pas des enfants qu’on protège d’eux-même et malgré eux.

Si nos représentants se sont donné les plein pouvoirs pendant 3 longs mois, nous demandons à ce que ceux qui souhaitent exprimer leur désaccord, à ce sujet ou à un autre soient autorisés à le faire, au péril de leur propre vie s’ils le souhaitent.

Quelles leçons retenons nous de janvier ? Ce moment où la jeunesse rejettée par l'état a décidé de s'inscrire en faux, laissant courir de folles rumeurs de complots qui ont eu un écho assez traumatisan ? Aucune. Au contraire, on tombe dans le piège de Daesh à pieds joints et la gauche perquisitionne les musulmans en les mettant tous dans le même sac. Marine en rêvait, Hollande l'a fait.

J'allais vous mettre là un paragraphe sur la pente glissante de donner tous les pouvoirs au gouvernement… Mais le gouvernement a déjà glissé à de nombreuses reprises comme l'a repéré la Quadrature du net. Le blocage administratif du net dont les gouvernement successifs ont rêvé, fait passer par la pédo-pornographie un temps… Il est maintenant en place. Combien de temps avant que tous les sites d'écolos pas content, de piratage, de rêve d'une meilleure démocratie passent à la trappe alors même qu'ils n'ont aucun rapport avec le mandat que nous avons accepté, par nos élus, de concéder au gouverment pour agir avec force pour notre sécurité.
Notre société rêvée ne met pas les gens dans des boites, n'ose pas même évoquer comme l'ont fait certains politiciens de les mettre dans des camps (sans rire, ne faut-il pas être un dangereux dingue pour évoquer même de mettre des gens dans des camps…). Notre société veut cesser les guerres que nous mennons et que nous armons par la vente d'arme. Ça nous fait des sous ? Ça nous fait des contrats ? Des emplois ? Peu importe disons nous ! Nous sommes prêts à travailler quelques heures de plus tous les ans et payer dur nos impôts pour compenser le manque à gagner pour les caisses de l'état mais par pitié, cessons d'armer le monde, d'appeler à armer notre police, nos policiers municipaux… Plus d'armes ne feront, comme aux États-Unis, que plus de morts chaque années.

Nous voulons que cela cesse, nous voulons un monde meilleur maitnenant, parce que merde à la fin, c'est possible et c'est pas si compliqué d'arrêter de vendre des armes, d'arrêter de bombarder comme on le fait depuis 20 ans (oui, dire aujourd'hui qu'on est tout à coup "en guerre" alors que nous n'avons eu de cesse de larguer des bombes avec nos alliés depuis 20 années est au mieux d'une légerté sans fin, au pire de la malhonnêteté). Ce sont des actions politiques et si tous les partis de gauche à droite, qui aujourd'hui lèvent le voile en montrant ce dont ils ont vraiment envie, une société très sécurisée où les pauvres sont la cause des maux et les riches sur-armés, nous irons chercher nos politique ailleurs car nous refusons qu'on fasse la guerre à nos frères français musulmans comme aux humains qui pour tout dingue qu'ils puissent être, ne seront pas calmés par des bombes.

À vous

Voilà. Cet article n’est rien. C’est à vous de choisir s’il est important pour vous et si vous souhaitez le crier haut et fort et à cet effet, je vous laisse le choix des armes.

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