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Billet de blog 6 avril 2023

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Wadie Haddad: L’homme qui internationalisa la Palestine

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Wadie Haddad est un illustre inconnu. Un homme immense, d’une envergure rare que l’histoire n’a pas inscrit dans son panthéon. Une omission fâcheuse dont souffrent, comme une malédiction, les hommes que la postérité indiffère.

Sa vie a commencé dans la violence. Dans la brutalité de la dépossession. Né en 1927 d’une famille chrétienne de Palestine, la guerre de 1948 fera de lui un exilé. Arraché à sa terre, il fera de la Palestine plus qu’un territoire, une émotion que les humiliés célébreront en partage.

La Nakba sera l'événement fondateur de sa vie. Un traumatisme qui donnera l’impulsion à tous ses actes. La loi du Talion deviendra son éthique, son acte de foi.

Il se donne pour mission de traquer les sionistes où qu’ils soient. Cherchera à faire de son désespoir, une promesse de libération. 

Après ses études de médecine, il créera le FPLP (Front Populaire de Libération de la Palestine), avec son grand ami George Habache, autre grande figure méconnue de la lutte palestinienne. Le slogan de l’organisation est un condensé de l’homme qu’était Haddad: “Derrière l’ennemi, partout”.

Ainsi, la peur commençait à changer de camp. Il pensait qu’en attaquant l’ennemi partout, il ferait d'Israël un colosse aux pieds d’argiles avec un talon d’Achille qu’il usera à souhait :  la peur de représailles sur les citoyens juifs.

Les détournements d’avions étaient sa signature. Il marquera les cieux des années 70, du drapeau de son pays.

La première opération se déroule en septembre 1970. Des membres du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) ont détourné quatre avions de ligne à destination de New York et un pour Londres. Trois avions ont été forcés d'atterrir à Dawson's Field. Une piste d'atterrissage dans le désert de Jordanie que Haddad nommera  « l'aéroport révolutionnaire » du FPLP. 

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D’autres opérations s'ensuivront. Certaines seront des succès, d’autres de cuisants échecs, pourtant tous contribueront à consacrer Wadie Haddad en révolutionnaire chevronné et Leila Khaled en terreur des compagnies aériennes.

En effet, Leila Khaled deviendra la figure emblématique des opérations de détournement d’avions. Courageuse, elle gagne la confiance complète de Haddad, au point qu’elle deviendra sa confidente.

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Néanmoins, malgré ce soutien indéfectible, il connaissait la limite de sa méthode. Si les détournements d’avions étaient spectaculaires, ils n'avaient pour seule fonction que d’attirer l’attention internationale sur la question palestinienne. Occultés par les forces impériales alliées d'Israël, cette question s'impose dans les débats. 

Grâce à Haddad, le dossier palestinien mobilisera des passions contradictoires. Sa plus grande victoire : L’abolition du statu quo.

Une victoire qu’il savait temporaire si elle n'était pas appuyée par des troupes habituées au combat militaire. Sauf qu’à la différence des autres organisations palestiniennes, Haddad se fera une spécialité de recruter partout dans le monde.

Sa recrue la plus tristement célèbre est Ilich Ramírez Sánchez, plus connu sous le nom Carlos “le chacal”. Il entraînera également Andreas Baader dans ses camps en Jordanie. En somme, des groupuscules d'extrême gauche du monde entier se porteront volontaires pour rendre justice à une Palestine blessée. Son camp d'entraînement deviendra un pôle d’attraction irrépressible pour idéalistes en quête d’une révolution.

Il confiera aux plus déterminés d’entre eux une mission insensée, presque impossible : prendre en otage le siège de l’OPEP à Vienne. Ainsi, en 1975, un commando de révolutionnaires professionnels se dirige vers l’enceinte du sommet, armé jusqu’aux dents.

L'opération est menée par un groupe de six personnes dirigé par Carlos, comprenant Gabriele Kröcher-Tiedemann, Anis Naccache et Hans-Joachim Klein. L’objectif : kidnapper les onze ministres du Pétrole présents sur place, d'en rançonner neuf et d'en assassiner deux autres : le Saoudien Ahmed Zaki Yamani et l'Iranien Jamshid Amouzegar. 

La volonté de tuer les deux ministres était motivée par l’embargo sur le pétrole imposé par les pays arabes qui avait conduit à un choc pétrolier.

Des mesures visant à faire pression sur l’occident qui a soutenu Israël lors de la Guerre du Kippour et qui allait être levée par ces deux pays.

La mission prend, tout d’abord, l’allure d’un franc succès. L’équipe de Carlos, accompagnée de 42 otages, se voit attribuer un avion en direction d’Alger où trente otages sont libérés. Un cliché du tarmac d’Alger, où l’on voit Carlos pour la première fois accompagné de Bouteflika, ministre des Affaires étrangères à l’époque, fera le tour du monde. 

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© GETTY IMAGES

Pourtant, Carlos et son escadron finiront, sous la pression des gouvernements saoudiens et iraniens, par libérer les deux dirigeants de l’OPEP qu’ils étaient censés exécuter. 

Non seulement Carlos avait désobéi, mais plus encore, il s’appropriera une bonne partie de l'argent de la rançon. Wadie Haddad profondément affecté par la trahison, choisi de l'exclure du mouvement pour lui éviter des représailles.

Si la vie de Wadie Haddad semble jonchée d'événements qui ont fait la une de la presse internationale, des pans entiers de son existence restent troubles.

Des documents, déclassifiés dans les années 90, suggèrent qu’il menait une double vie. Révolutionnaire engagée pour la cause palestinienne et espion soviétique.

Avec comme nom de code : Nationaliste, les documents décrivent Haddad en agent soviétique précieux et irremplaçable.

Une autre énigme est la cause de sa mort en 1978. Si la version officielle déclare que Haddad est mort de Leucémie, un livre remet en question ce narratif. Ainsi Aaron Klein, dans son livre “Striking Back”, parle d’un assassinat par le Mossad. Le mode opératoire est d’une dérangeante simplicité. Un proche de Haddad, travaillant pour le Mossad, lui aurait offert son chocolat préféré qui contenait un poison mortel et indétectable.

L’ingéniosité du Mossad a été de concevoir un poison qui ne provoque pas de mort immédiate. La visée était d’infliger un supplice à leur ennemi de toujours. 

La symbolique du poison est d’autant plus tragique que c’est un ami de toujours qui a contribué à sa longue agonie qui se terminera dans un hôpital de Berlin Est.

Un ami qui, selon Aaron Klein, est actuellement dans les hautes sphères de responsabilités des organisations palestiniennes tout en collaborant avec Israël.

Preuve que la vipère pouvait prendre l’ascendant sur le lion. La vie de Wadie Haddad, avait pris l’allure d’une fable ironique. Malgré tout, Wadie Haddad avait vécu comme il était mort, dans la douleur et l’espoir.

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