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S’il est du devoir de l’homme politique de poser les questions qui fâchent, la réponse est parfois le malheur de la question. Surtout quand le sujet concerne l’immigration. L’interrogation vire à la controverse. La suspicion prend le pas sur la réflexion.
Ici, Édouard Philippe a fait preuve d’une radicalité qu’on ne lui connaissait pas ou trop peu. Une rhétorique incendiaire qui, peut-être, est le véritable non-dit.
Les mots sont mitraillés sans contenance, pendant cet entretien. On y lit : « Immigration du fait accompli, immigration subie, il est temps de remettre en cause l'accord de 1968 avec l'Algérie, la question de l'islam est devenue un sujet central, un sujet inquiétant, un sujet obsédant »
Autant d’assertions qui se revendiquent, du moins dans la forme, des discours d’un Eric Zemmour ou d’une Marine Le Pen. En somme, Édouard Philippe renoue avec la droite en s’attaquant, entre autres, à l’un des accords historiques facilitant les conditions d'entrée des Algériens sur le territoire français.
De quoi mettre le feu aux poudres à une actualité qui se remet à peine des secousses de la réforme des retraites.
Pourtant, cette sortie médiatique, si elle est impulsée par la loi immigration qui doit être présentée cet été par Gérald Darmanin, reste incohérente tant Édouard Philippe jouit d’une popularité auprès des Français.
Tous les sondages le montrent, le dernier en date, Odexa public Sénat, le gratifie de 38 % d’opinions favorables, devant Marine le Pen (36 %).
Dès lors, pourquoi avoir choisi de traiter d’un sujet aussi glissant quand, pour les électeurs, on a les mains propres ?
Peut-être qu’Édouard Philippe veut justement se défaire de l’image du juppéiste tiède que ses contempteurs veulent lui prêter ? Sans doute, veut-il, aussi, liquider le macronisme en lui et son centrisme qui ne séduit plus ?
Finalement, c’est à un horizon de ruptures qu’Édouard Philippe veut amener son parti. Son ton se veut tranchant. Ainsi, il juge la loi que prépare Gérald Darmanin « nécessaire » mais « pas suffisante ». Pourtant, au-delà de l’artifice des grandes formules, la seule proposition qu’il esquisse est une modification du Préambule de la Constitution pour réformer le droit d'asile.
En définitive, si Édouard Philippe se rêve en hussard sur le toit de la politique, il n’est pour l’instant qu’un franc-tireur à la gâchette enrayée. Au régal de ses détracteurs.