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Billet de blog 30 juin 2023

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Les chemins de l’exception n°4 : Marc-Édouard Nabe, écrivain-maudit

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Illustration 1

Il y a des auteurs qu’on ne connaît que de nom. Dont le patronyme est évoqué au détour de conversations mondaines, pour salir et abjurer l'œuvre.

De Marc-Édouard Nabe, un mot ressortait le plus : antisémite. Vieux réflexe français d’après-guerre. L’hexagone ne laissant plus de place à la nuance et à la fantaisie des singularités, une seule binarité siège sur le trône républicain : antisémite ou suspect de l’être.

J’ai longtemps cru que Nabe, l’était : antisémite. Vulgaire créature qui prenait la plume pour cracher sa haine du peuple élu. Ce fut, bien sûr, avant que ma rupture avec les médias ne soit consommée.

Un jour, quelqu’un m’a dit qu’il fallait se faire une idée du personnage. Lire son texte, oublier l’auteur, son autorité n’était que bancale devant l’immensité des mots qu’ils disséminent comme une blessure. Qu’il s’agira au lecteur de panser ou d’ouvrir un peu plus.

Je me suis donc renseigné sur un moteur de recherche, en deux clics, toute l’œuvre de cet “antisémite” déroulait en face de moi. Au régal de mes curiosités.

Une vidéo ressortait le plus : son passage à Apostrophes, l'émission littéraire de Bernard Pivot. À 27 ans, avec son style fascisant à la Rebatet et ses lunettes de notaire, Marc-Édouard était une cible facile aux railleries et aux fantasmes d’un renouveau antisémite.

Illustration 2

Son livre : Au régal des vermines, présenté lors de cette émission en 1985, était un crachat asséné au monde de l’édition qui demandait à être châtié.

Un fouet, pour réveiller la littérature française. La punir de son défaut de style.

Ce livre est un roman à charge contre l’humanité. Coupable de médiocrité.

Les journalistes parlent d’un pamphlet autobiographique. Ou comment faire rentrer le judiciaire dans l’art.

Faire du “je” du narrateur qui donne à la haine sa beauté immémoriale, un aveu d’aigreur condamnable en première instance.

Pourtant, comme le dit Nabe lui-même, le fascisme est la seule issue pour un artiste.

La France l’avait bien compris. Paris étant la terre d’exil d’artistes déchus ou en pleine gloire. La littérature, l’espace privilégié d’aveu qu’aucun confessionnal ne daigne écouter.

“C'est un humanisme mal digéré qui fait que les gens se croient plus à gauche qu'ils ne le sont vraiment. Viscéralement, tout le monde est à droite. L'instinct est de droite. C'est le cœur qui est à gauche.”

Si le cœur est à gauche, le talent, lui, est introuvable. Niché dans les méandres du temps, plutôt que la matérialité de l’espace. Si Alain Zannini, de son vrai nom, est méprisable, Marc-Édouard Nabe, lui, le temps de l’écriture de son premier livre, s'est mué en grand écrivain.

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