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Résistant à la dictature chaviste de mon pays: Venezuela

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Billet de blog 2 octobre 2017

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Venezuela Infos: Le Venezuela de Maduro

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Le Venezuela de Maduro :
"Un régime totalitaire qui s'installe petit à petit"
(ici seulement le texte de l’article)

L’Obs : Natacha Tatu. Publié le 30 septembre 2017 à 07h59

Vous connaissez la blague du type devenu
super-viril depuis qu’il crève de faim ?
C’est l’une des préférées du président
Nicolás Maduro. Il y a quelques mois, le
successeur de Hugo Chávez demandait
à un de ses supporters, lors d’un show télévisé, pourquoi
celui-ci était aussi maigre. Effrayé, l’homme a
répondu qu’il faisait beaucoup de jogging. Mais dans
la foule, une femme a crié tout fort ce que tout le monde
pensait tout bas : « Régime Maduro ! » Le surnom des
pénuries alimentaires qui minent depuis des mois le
pays a suscité un flottement dans l’assistance. Le président
ne s’est pas démonté : « Très bien. Ce régime
Maduro vous a ragaillardi… Vous n’avez sûrement plus
besoin de Viagra, maintenant ! »

Les Vénézuéliens n’ont pas ri. En un an, près des trois
quarts d’entre eux ont maigri, en moyenne de 9 kilos,
selon une étude universitaire. Lait, pâtes, huile,
oeufs… Le pays manque de tout. La course à la nourriture
et aux produits d’hygiène est devenue un sport
national. Les enseignants sèchent les cours, les
médecins désertent l’hôpital pour pouvoir faire la
queue dans les supermarchés. « On a le choix entre
passer de cinq à dix heures par jour dans les files d’attente,
ou payer cinq fois le prix au marché noir », soupire
le sociologue Pedro José Garcia Sanchez, qui vit
aujourd’hui à Paris.

Mais que faire lorsqu’on est prof de fac, avec un
salaire de 40 dollars par mois, au sommet de sa carrière
? Dans les barrios comme dans les beaux quartiers
de Caracas, on fouille les poubelles. Cet été, alors que
des animaux avaient disparu des zoos, la police a
sérieusement soupçonné les kidnappeurs de les avoir
enlevés pour les manger… Neuf foyers sur dix affirment
ne pas avoir assez de nourriture, et dix millions de personnes
sautent au moins un repas par jour, le plus souvent
au profit de leurs enfants. « Je reçois des mails
désespérés de mes anciens amis, des enseignants, des
cadres, qui me supplient de les aider. Avant, je rapportais
du foie gras, du bon vin. Aujourd’hui, mes valises sont
remplies de produits de première nécessité », soupire
Pedro José Garcia Sanchez…

Mois après mois, le pays s’enfonce dans la crise et
Nicolás Maduro, qui refuse obstinément toute aide alimentaire,
dans le déni. « Arrêtez de surconsommer »,
tonnait dès 2014 le président vénézuélien, alors que les
rayons des supermarchés commençaient à sérieusement
se vider : « Comme ça, on arrivera à un point
d’équilibre entre l’offre et la demande »… Haro sur les
« profiteurs capitalistes » – accusés de spéculer contre
le peuple et de créer artificiellement des pénuries – et
sur les « grandes puissances impérialistes », Etats-Unis
en tête, qui « persécutent financièrement » le pays. Et
qu’importe si de 1 à 2 millions de Vénézuéliens se sont
réfugiés au Brésil, en Equateur ou en Colombie, ces
anciens voisins pauvres, que le Venezuela prenait, il n’y
a pas si longtemps, de haut… « Ceux qui n’aiment pas
leur pays n’ont qu’à partir. Nous n’avons pas besoin
d’eux », a fait savoir le palais présidentiel. Moustache
frémissante et poing levé, le successeur de Hugo
Chávez a réponse à tout : les violences des forces de
l’ordre lors des manifestations qui ont fait au moins
115 morts d’avril à juillet dernier ? La faute des manifestants.
Les arrestations systématiques des leaders de
l’opposition ? Des putschistes en puissance. Manipulation
de la justice, médias sous pression, référendum
annulé car perdu d’avance, neutralisation des pouvoirs
de l’Assemblée nationale depuis le vote de 2016, qui a
donné une majorité à l’opposition… En trois ans, le
« gorille », comme on le surnomme, a fait tomber un à
un tous les remparts démocratiques… Et pour couronner
le tout, ce coup de force du 31 juillet, et l’élection
très contestée d’une puissante Assemblée constituante,
qui lui a donné les pleins pouvoirs…

Certes, le Venezuela n’est pas la Corée du Nord. Officiellement
des élections ont lieu et, sur le papier, les
médias sont libres. Les opposants politiques sont
emprisonnés, mais les intellectuels, eux, peuvent
encore s’exprimer relativement librement. « Le simple
fait que je vous parle prouve que ce n’est pas une dictature
», insiste Hector Navarro, l’ancien ministre de
Chávez. Et pourtant… « C’est bel et bien un régime totalitaire
qui s’installe petit à petit et c’est ce qui le rend terriblement
efficace », affirme Pedro José Garcia Sanchez,
étonné, comme tous les dissidents, du silence de
la communauté internationale.

Et pour cause : malgré toutes ses dérives, la République
bolivarienne continue de fasciner tout ce que
l’Europe compte de gauches radicales. Dès les années
2000, des dizaines de jeunes journalistes, d’universitaires,
d’humanitaires se sont installés à Caracas pour
apporter leur pierre à la construction du « socialisme
du xxie siècle » promise par Hugo Chávez. Beaucoup
ont fini par rentrer au bercail, tant les conditions
de vie y sont difficiles, mais la complicité idéologique
reste vive. Surnommé par Maduro le « Jésus-
Christ de l’économie », Serrano Mancilla, l’expert de
Podemos en Espagne, considéré comme l’un des gourous
du président vénézuélien, multiplie les allers-retours
à Caracas. Cet été encore, Christian Rodriguez,
le responsable des relations internationales de La
France insoumise, y a passé quinze jours. « Le
Venezuela bolivarien est une source d’inspiration
pour nous. Nous saluons la victoire de Maduro », tweetait
déjà Jean-Luc Mélenchon en 2013, qui n’a jamais
désavoué le successeur de Chávez.

En qualifiant Nicolás Maduro de « dictateur »,
Emmanuel Macron a suscité une levée de boucliers.
« Tous les relais chavistes, et ils sont nombreux en France,
se sont activés », note Pedro José Garcia Sanchez. Tollé
dans les rangs de La France insoumise, tribunes d’intellectuels,
émoi sur les réseaux sociaux… Et pourtant :
comment qualifier un régime qui compte au moins
600 prisonniers politiques, le plus souvent détenus de
manière arbitraire dans des conditions épouvantables
? Les témoignages, recueillis par Amnesty International
ou HRW (Human Rights Watch) qui font état
de recours systématique à la torture, sont accablants.
Prisonniers privés de sommeil et de nourriture, obligés
de manger des excréments, jeunes filles de 15 ans
contraintes de se dénuder, intimidation et menaces de
mort sur leur famille...

Ecoutez Rosmit Mantilla, 32 ans, militant LGBT,
arrêté en 2014 lors d’une manifestation, élu sur une
liste d’opposition alors qu’il était incarcéré, et
aujourd’hui réfugié en France. Il a d’abord été enfermé
sept jours durant dans une cellule de 5 mètres sur 3,
avec 22 personnes, en situation dite de « torture
blanche » : pas de montre, une lumière aveuglante
vingt-quatre heures sur vingt-quatre – « pour qu’on
perde tout repère », puis transfert avec 14 prisonniers
dans une pièce de 40 mètres carrés, où les geoliers
déposaient régulièrement des sacs d’excréments, pour
les faire vomir. Un de ses compagnons de cellule,
77 ans, s’est suicidé. « L’oppression est quotidienne.
Maduro n’est pas seulement un dictateur mais c’est un
assassin », martèle-t-il.

Maduro aurait-il dévoyé l’idéal révolutionnaire de
son mentor, comme veulent le croire les nostalgiques
du chavisme ? Ex-fidèles du régime et opposants historiques
se déchirent sur le sujet. « Chávez savait écouter
ses contradicteurs. Il me disait toujours qu’il voulait
savoir ce qui se passait dans le pays. Maduro, lui, ne veut
s’entourer que de flatteurs », affirme Hector Navarro,
l’ancien ministre de Chávez. Mais pour d’autres, nombreux,
le ver était dans le fruit dès le premier jour.
« Maduro n’est que le produit d’un système totalitaire.
Avec ou sans lui, le résultat aurait été exactement le
même », tranche Pedro José Garcia Sanchez.

Qui diable est-il, ce leader peu charismatique de
54 ans, aux faux airs de Staline ? Avec sa silhouette
trapue et sa dialectique marxiste-léniniste sortie d’un
bloc de glace des années 1970, il est aussi un adepte du
gourou indien Sathya Sai Baba. Ancien chauffeur de
bus de la régie de transport de Caracas, Nicolás Maduro
a d’abord été un syndicaliste ambitieux, habile à grossir
les rangs d’une manif et à gérer un service d’ordre.
« Un agitateur professionnel », selon un proche de
Chávez, qui l’a vu gravir tous les échelons de la Ligue
socialiste, un petit mouvement étroitement lié à Cuba,
pétri d’idéologie soviétique. Très vite, il se met dans le
sillage de Chávez, qu’il suit comme une ombre, au lendemain
du coup d’Etat raté de 1992. C’est en prison, où
il va voir son mentor, qu’il rencontre Cilia Flores, la très
influente avocate du révolutionnaire, de dix ans son
aînée, qu’il finira par épouser.

Envoyé comme de nombreux jeunes militants à
Cuba, il y forge sa dialectique marxiste. Les liens entre
les deux pays sont étroits. Chávez a une admiration
presque filiale pour Fidel Castro, son maître
politique et idéologique. Il le fournit en pétrole et
devises, et accueille en retour des bataillons de médecins
cubains. Maduro reviendra de La Havane plus stalinien
que jamais. Nommé quelques années plus tard
ministre des Affaires étrangères de Chávez, il va mener
une diplomatie alignée sur Cuba, gagnant la confiance
des frères Castro. « Il passait son temps sur l’île, à
demander des conseils. De nombreux diplomates vénézuéliens
ont démissionné à ce moment-là. Maduro les a
remplacés par des gens à lui, des militaires qui ne
connaissaient absolument rien aux relations internationales.
Ils étaient complètement sous la coupe de Cuba »,
souligne la sociologue Margarita Lopez Maya.

En 2012, quand Cuba s’interroge sur la succession
de Chávez, gravement malade, l’alternative est simple.
D’un côté, Diosdado Cabello, ex-président de l’Assemblée
nationale. De l’autre, le falot et peu éduqué Nicolás
Maduro. Aujourd’hui numéro deux du gouvernement,
le premier, militaire, est un fidèle de Chávez, avec qui
il a préparé le putsch de 1992. Mais il est peu populaire,
n’a jamais montré une grande passion pour le
marxisme ni beaucoup de sympathie pour le « Lider
Maximo ». Maduro, lui, n’a ni le charisme de son mentor
ni la vision messianique d’un Fidel Castro. « C’était
un simple exécutant, insiste Margarita Lopez Maya. Il
a toujours fait exactement ce que Chávez lui demandait.
» Castro a-t-il imposé son choix ? « Ça a été une
discussion entre Chávez mourant et le leader cubain »,
affirme le père Luis Ugalde, un universitaire jésuite
fin connaisseur des rouages du système. Seule certitude
: le castrisme a raflé la mise. Aujourd’hui
encore, le G2, les puissants renseignements cubains,
occupe tout un étage de la tour des services de renseignements
vénézuéliens ! Le 8 décembre 2012,
Chávez rédige son testament idéologique. Il délègue
la révolution à Maduro, qu’il a pris soin de nommer
vice-président avant de s’envoler pour La Havane
pour une ultime opération qu’il sait inutile. « S’il doit
m’arriver quelque chose, mon successeur est Nicolás
Maduro. »

Président par intérim, élu d’une courte tête lors des
élections de 2013, l’héritier adoubé va faire de son
mieux pour se couler dans le costume de son mentor.
Mais malgré sa haute stature de 1,90 mètre et ses
épaules de matador, il flotte dedans. Chávez, dont les
portraits s’affichent partout, est un demi-dieu, une
figure tutélaire vénérée par la population. Lui n’a pas
l’étoffe d’un capitaine. Surtout dans la tempête. Or le
paquebot qu’on lui a confié prend l’eau de toutes parts.
Profitant d’une manne pétrolière tombée du ciel, le
héros de la Révolution bolivarienne a dépensé sans
compter. Il s’est acquis les faveurs des pays voisins, des
partis amis, du peuple ; il a flambé comme un gagnant
du Loto, nationalisé à tour de bras, généreusement
arrosé tous les programmes sociaux… Mais il n’a pas
préparé l’avenir. Pas d’investissement, pas de fonds
souverains, pas de réserves. Quand il meurt, les caisses
sont vides. Pas de chance pour Maduro : le prix du baril,
qui s’était envolé de 8 dollars à plus de 120 dollars sous
Chávez, dégringole jusqu’à tomber sous la barre des
20 dollars. Que faire ? Le « fils de Chávez », comme on
le surnomme encore, est dépassé. Le président va naviguer
à vue, au coup par coup. Chávez tenait les militaires
en respect. Maduro, qui va leur déléguer des pans
entiers de l’économie et de l’administration, passe sous
leur coupe. « Le régime est beaucoup plus militaire qu’il
ne l’était du temps de Chávez », confirme le père Luis
Ugalde. Les collusions avec les narco-trafiquants, qui
prospèrent, sont nombreuses. La corruption bat son
plein, en toute impunité. Faute d’investissements,
PDVSA, la compagnie pétrolière publique, hier
tout-puissant fleuron national, n’est plus que l’ombre
d’elle-même. Malgré ses réserves d’or noir parmi les
plus importantes au monde, le pays en est réduit,
depuis deux ans, à importer du pétrole. Un comble. La
situation sanitaire est catastrophique. Pas d’insuline,
pas de vaccins, pas de rétroviraux pour les malades du
sida ni de chimiothérapie… Comme en URSS au plus
fort de la crise des années 1980, les malades doivent
fournir gants et compresses aux chirurgiens pour pouvoir
être opérés. Signe de l’ampleur de la crise : les statistiques
santé sont suspendues. Plus de statistiques
sur la mortalité infantile, sur la chute de la natalité, sur
la réapparition de la malaria ou de la polio… Seule certitude
: le PIB a dégringolé de 30% pour la troisième
année consécutive, un record mondial ; l’inflation
dépasse les 50% par mois pour les produits alimentaires…
Et avec 366% d’augmentation des prix durant
le premier semestre 2017, selon les calculs de l’Assemblée
nationale, majoritairement d’opposition, « le pays
est entré dans l’hyper-inflation ». Résultat : plus des trois
quarts de la population sont sous le seuil de pauvreté.
Et le Venezuela, qui était en 2001 le pays le plus riche
d’Amérique latine, se retrouve aujourd’hui à la fois
parmi les plus pauvres, et les plus dangereux. Avec un
taux d’homicides de 91,8 pour 100 000 résidents, vingt
fois supérieur au taux nord-américain, la criminalité
bat tous les records.

Dos au mur, le gouvernement multiplie les mesures
désespérées et absurdes, instaurant un contrôle des
devises, différents taux de change, aggravant encore la
spéculation. Etranglé par une dette colossale, le Venezuela,
au bord du gouffre, n’a aujourd’hui pas d’autres
choix que de se vendre à la Chine qui fait ses fins de
mois, tandis que Maduro se rapproche des régimes
qu’il pense compatibles avec sa vision du monde :
Erdogan en Turquie, Assad en Syrie…

Environ 20% des Vénézuéliens soutiennent encore
Maduro : « Le plus souvent au nom de cette pensée
magique qui leur fait espérer une maison, un appartement,
un job en échange de leur vote », analyse le politologue
Mauricio Hernandez. Sans oublier les paniers
alimentaires subventionnés, distribués par les comités
de quartier à ceux qui ont eu le bon goût de ne pas critiquer
le régime...

Jusqu’où Maduro peut-il aller ? « Aussi loin qu’il
le pourra pour garder le pouvoir, analyste Mauricio
Hernandez. Il est prêt à tout pour cela. Ses proches
savent qu’ils foncent sur l’iceberg. Mais ils savent aussi
qu’ils risquent la prison s’ils perdent le pouvoir. » Et ils
s’accrochent. Sous influence de sa petite garde rapprochée
de conseillers cubano-marxistes et des « collectivos
», ces groupes paramilitaires dont il a toujours été
proche, Maduro continue, par habitude ou par
cynisme, à annoncer la défaite de l’impérialisme et
l’avènement de l’homme nouveau...

Mais y croit-il encore ? « C’est une manipulation
cynique où les mots ne signifient plus rien. On parle
d’amour alors qu’on tue, qu’on torture, qu’on insulte.
On évoque la puissance vénézuélienne, en dépit de
l’évidence ; la démocratie dans un pays qui réprime,
qui viole la souveraineté, qui manipule les élections.
C’est un régime de peur et de folie collective », affirme
l’écrivain Luis Ricardo Davila. Il y a quelques
semaines, à ceux qui l’accusent d’être un dictateur,
Maduro a répondu qu’il y songeait : « J’essaie de le
faire gentiment. Mais s’il faut devenir un dictateur
pour en finir avec les pénuries et l’inflation, je le ferai. »
Sans doute encore un bon mot…

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