Leonardo Padrón
Aujourd'hui, au XXIème siècle, la vérité trouve toujours une caméra pour être filmée. C’est pour cela, que c’est absolument burlesque voir Nicolas Maduro assurer qu’à la consultation populaire du 16 Juillet n’ont participé que 600.000 personnes. C’est burlesque - mais soyons sincères - c’est aussi une insulte. C’est impossible d'être aussi aveugle et aussi cynique. Comme cela lui a été rétorqué dans tous les réseaux sociaux: en effet, nous avons obtenu 600.000 votes, mais seulement à l'étranger. Les autres 7 millions de votes ont été obtenus dans le propre terrain de la révolution, au Venezuela.
Cela ne vaut même pas la peine de s’occuper des déclarations des autres dirigeants du chavisme, chargés de la pitoyable tâche, de minimiser l’immense rébellion civile de ce dimanche là.
Une manifestation millionnaire de désaveu au régime de Nicolás Maduro, qui a été exercée, démontrée et enregistrée sur tous les continents de la planète. Millionnaire en votes, bien sur. Des villages aux noms imprononçables dans des lointaines contrées du Canada ou Italie, chantant l’hymne dans le métro de Santiago au Chili, se reconnaissant et se retrouvant dans les rues du Honduras, Zurich et New York, à la Puerta del Sol à Madrid, un peu plus loin à Tenerife, ou beaucoup plus loin en Australie, et même à Dubai. Partout où l’on pouvait trouver de la civilisation, une table et un stylo, il y avait un vénézuélien faisant partie du plébiscite lapidaire contre une dictature qui a détruit notre pays en 18 ans. Et peut être, il n’y a jamais eu un autre jour comme celui-ci dans notre histoire. Jamais il n’y a eu, comme ce dimanche là, autant de drapeaux vénézuéliens à sept étoiles dans les rues du monde entier. Jamais une diaspora n’avait prononcé sa douleur et son enthousiasme de manière aussi unanime et massive.
Comme le hasard écrit ce qu’il veut bien écrire, avec cette spontanéité imprévisible, la consultation m’a surpris à Miami. J'étais déjà époustouflé par ce que je voyais sur les réseaux sociaux. Des queues de citoyens qui faisaient le tour du pâté de maison à la Candelaria, à Caracas. Ou pour la file d’attente serrée et sans peur à la Bombilla de Petare. Des gens, beaucoup, dans ce quartier populaire, naufragé par le salaire minimum et les sacs du CLAP. Bref, j’avais déjà l'émotion au plus haut point quand je suis arrivé à l'université de Miami, et cela a changé en surprise en voyant le stationnement du campus colapsé de monde. Je sais que la plupart des émigrants vénézuéliens ce sont installés à Miami, mais la c’est force de constater que le plus grand quartier de classe moyenne vénézuélienne était là, devant mes yeux.
Une chose est de croiser des vénézuéliens ici et là, et une autre très différente c’est de les voir tous ensemble, avec leur casquette aux couleurs du drapeau, la gorge nouée et une détermination sans faille, faire cette queue sans fin. Ce n'était pas seulement la queue de l’exil, de l'enracinement au vent, de la nostalgie en haleine, mais la queue du futur, du chemin de retour, de la rencontre avec les origines.
J’avoue que j’ai été très ému pendant les deux heures que je suis resté à serpenter cette interminable file d'électeurs, sous un soleil calcinant. Force est de constater que trop de gens sont partis du pays. Des familles entières, la larme à l'œil, qui ne comprennent toujours pas ce qu’il c’est passé avec leur vies, lesquels, vivent en permanent décalage horaire et qui ne perdent pas une miette de la feuille de route d’un désastre annoncé, et ne se résignent pas à être distance et à mourir dans l’oubli. Avec chaque vénézuélien que j’ai pu parler, il y avait de la douleur dans leurs mots. Et je me demande, le pouvoir est-il aussi indolent avec la souffrance de son peuple? Ça monte tellement au nez, qu’il tourne le dos aux tragédies qu’il provoque? Devient-on sans scrupules lorsque l’argent mal acquis coule à flots?
Une chose est de taper sur Google « le plus grand exode de notre histoire », et une autre de le regarder dans les yeux, de l'écouter dans les pas de chaque émigrant, de deviner sa région d’origine selon son accent, le sourire oriental, le clin d’oeil du zuliano, l'espièglerie des Caraïbes, la prose du caraqueño, en gros ce fil rouge qui nous unis tous à fleur de peau.
Mais ce dimanche inoubliable que nous nous sommes offert tous, ce 16 Juillet, durant lequel, dans tous les recoins du monde, et dans chaque rue du pays, nous avons prononcé notre besoin d'être libres, et que nous avons revendiqué notre ADN démocratique, nous avons affirmé notre refus à autant d’arnaques déguisées de paradis. De dimanche n’a pas été en vain. Personne n’oublie les morts de ces 100 derniers jours, ni celles d'avant d’ailleurs, ni ceux qui sont en prison, de la ruine d’autant de foyers, des chevrotines tirées au visage de la dignité.
C’est pour ça que nous voulons faire valoir cette fête dominicale. Qu’elle soit une affaire permanente. Un présent immédiat. Plus de sept millions et demis de vénézuéliens avons dit trois fois oui à la liberté. C’est une prouesse de la société civile. Personne ne peut nous voler cette réussite. Nous devons, maintenant plus que jamais la pression, continuer la bataille contre ceux qui ne veulent rien comprendre. À cet instant précis, la seule négociation possible avec Nicolás Maduro et sa clique, c’est l’adieu. Et donner la bienvenue à la transition. Et continuer avec la même discipline et détermination dont nous avons fait preuve comme société lors de cette journée qui est déjà rentrée dans notre histoire.
Le document propose par la MUD, « Compromiso Unitario para la Gobernabilidad » est sans conteste dans son objectif de reconstruction du pays depuis les bases profondes et cohérentes. Messieurs du régime: baissez les armes et arrêtez la violence et la répression. Comprenez que vous ne pouvez pas obliger un pays tout entier à se soumettre à vos caprices. Assumez que votre temps est périmé. Il serait sage de se plier à la volonté du peuple.
Ce sera à nous, les citoyens, d’accoucher d’un pays tout neuf, et c’est ce que nous voulons. Et nous somme disposés à vivre cette aventure. Depuis le 16 Juillet cela est clair pour tous. Et alors, dans les livres d’histoire qui seront écrits, on parlera du pays qui a commencé un dimanche.
Billet de blog 25 juillet 2017
Venezuela infos: Le pays qui a commencé un dimanche
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