Otrava Gamas (avatar)

Otrava Gamas

Résistant à la dictature chaviste de mon pays: Venezuela

Abonné·e de Mediapart

221 Billets

0 Édition

Billet de blog 25 novembre 2017

Otrava Gamas (avatar)

Otrava Gamas

Résistant à la dictature chaviste de mon pays: Venezuela

Abonné·e de Mediapart

Venezuela Infos: Cuba Libre

"Sólo tengo una esperanza, la de ver un día una Cuba libre." Leur Histoire contre notre Liberté Texto de Jacobo Machover

Otrava Gamas (avatar)

Otrava Gamas

Résistant à la dictature chaviste de mon pays: Venezuela

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pour fêter comme il se doit le premier anniversaire de l’arrivée en enfer du défunt Fidel Castro, je reproduis ici l’article que j’ai publié alors dans le quotidien « Le Monde », dont la version en espagnol est sortie sur le site web « Cubanet ». Je n’ai rien ressenti à l’époque, je ne ressens toujours rien. J’ai seulement un espoir, celui de voir un jour Cuba libre.

Para festejar como se debe el primer aniversario de la llegada al infierno del difunto Fidel Castro, cuelgo aquí el artículo que publiqué en ese momento en el diario “Le Monde”, cuya versión en español salió en el sitio web “Cubanet”. No sentí nada en aquel entonces, sigo sin sentir absolutamente nada. Sólo tengo una esperanza, la de ver un día una Cuba libre.

Leur Histoire contre notre Liberté
Jacobo Machover

Je n’ai rien ressenti à l’annonce de la mort de Fidel Castro ce 25 novembre 2016, peu avant minuit, heure de Cuba.
Aucune tristesse, évidemment - je laisse ce sentiment aux pleurnichards ignorants qui rendent un hommage grotesque au dictateur devant la statue du libertador vénézuélien Simón Bolívar qui, soit dit en passant, n’a été pour rien dans la lutte pour l’indépendance de l’île, dont le symbole est un autre combattant pour la liberté, Cubain celui-là, le grand poète et démocrate convaincu José Martí, qui écrivait ces vers parfaitement adaptés à Fidel, qui entendait se présenter comme son disciple : « Du tyran ? Du tyran / Dis tout, dis plus encore / Et cloue / D’une main esclave en furie / Le tyran à son infamie. »
Aucune joie, non plus - cette annonce a mis trop de temps, au moins dix ans depuis que, le 31 juillet 2006, Fidel, gravement malade, a transmis le pouvoir à son successeur désigné depuis 1959, son demi-frère Raúl, un homme aussi cruel que lui. La grande discussion à Cuba, à voix basse bien sûr, a toujours été de savoir lequel des deux est le pire, si Fidel ou Raúl. Je comprends l’allégresse de certains de mes compatriotes exilés, qui tient davantage d’un exutoire que d’un véritable bonheur. Mais le castrisme est toujours vivant bien que décrépit.
Je pense à tous ceux qui n’ont pas survécu au Commandant en chef, que tant de chefs d’État célèbrent aujourd’hui : les anciens prisonniers politiques, qui avaient souvent figuré parmi ses compagnons de lutte contre la dictature de Batista et ont ensuite passé vingt ou trente ans dans ses geôles avant d’être envoyés en exil, les fugitifs (les balseros) qui ont tenté de traverser le détroit de la Floride sur des embarcations rustiques, et sont morts dévorés par les requins ou assassinés par les garde-côtes et autres sbires du régime, comme les dizaines de victimes du remorqueur 13 de marzo, attaqué à la lance à eau en 1994. Il y a les descendants des fusillés, par exemple les soixante-douze exécutés par Raúl Castro à Santiago de Cuba dans la nuit du 12 au 13 janvier 1959, enterrés dans une fosse commune puis déterrés pour être jetés à la mer dans le but de faire disparaître toute trace du crime, ceux aussi de la prison de La Cabaña à La Havane, dont le commandement revenait à ce guérillero argentin atrocement romantique, Ernesto Che Guevara. Il y a eu tant d’autres victimes… Par exemple, le valeureux dissident Oswaldo Payá, prix Sakharov pour les droits de l’homme, mort en 2012 avec son compagnon de lutte Harold Cepero des suites d’un « accident de la route », provoqué sans aucun doute par un véhicule de la Seguridad, la Sécurité de l’État, la sinistre police politique.

Il y a eu également tous ces écrivains et intellectuels morts en exil, qui ont tous accusé Fidel Castro d’être responsable de leur malheur : Reinaldo Arenas, Heberto Padilla, Guillermo Cabrera Infante, Severo Sarduy, Néstor Almendros, Jorge Camacho, Juan Arcocha et tant d’autres… Je les entends crier leur haine, parfois avec sarcasme, et manifester leur mépris envers tous ceux, innombrables, qui ont tressé des louanges aux bourreaux, à l’instar d’un Jean-Paul Sartre ou d’un Gabriel García Márquez. Ces exilés, le meilleur de Cuba, ont été traités de « vers de terre » (gusanos) par le castrisme et ses sympathisants. Nous tous, nous avons dû faire face au mépris, à l’ostracisme des bienpensants, des institutions culturelles et académiques qui, en France aussi, ont préféré donner la parole, par exemple, à un Ignacio Ramonet, biographe complaisant de Fidel et de Hugo Chávez, qu’aux critiques des exilés. Pour eux, Fidel incarnait la « résistance » à l’ « impérialisme » américain. Ils ont tort : les résistants, ce sont ceux qui ont dû supporter leur aveuglement coupable, leur silence complice devant l’injustice déguisée en utopie.

Pour tous les admirateurs des frères Castro et de Che Guevara, il est de bon ton de se montrer en public, sans la moindre réserve, comme ils l’ont fait lors du séjour en mai 2015 à La Havane de François Hollande, au cours duquel le président a posé tout sourire avec Fidel, ou lors de la réception en grande pompe de Raúl à l’Élysée, au milieu de deux cents invités, chanteurs, chefs d’entreprise, militants communistes et d’extrême-gauche, hommes politiques proches du pouvoir socialiste et même de l’opposition. Sont-ils naïfs au point de croire que personne ne va leur reprocher leurs courbettes devant un homme qui est tout sauf un démocrate ?

Les dirigeants des pays démocratiques occidentaux, ceux des États-Unis et ceux de l’Union Européenne, qui se prépare à lever ses sanctions contre Cuba, pourtant adoptées parce que le pays ne respectait pas les droits de l’homme, font semblant de croire que Cuba se dirige vers une voie plus démocratique. Sous la botte de Raúl Castro ou de sa progéniture, qui se prépare à prendre la relève, lorsque le cadet ira rejoindre son aîné dans l’au-delà ?
Le rapprochement diplomatique des États-Unis avec Cuba n’est que de la poudre aux yeux. En tout cas, Barack Obama a adoubé Raúl Castro auprès de la communauté internationale. Pour autant, la répression n’a pas cessé dans l’île. Pire : elle s’est aggravée. Les Damas de blanco (les « Dames en blanc ») sont embarquées tous les dimanches et relâchées en pleine nature par les hommes et les femmes de la Seguridad après avoir été harcelées et malmenées, afin d’empêcher tout rassemblement d’opposition. Les Cubains, surtout des jeunes, continuent à fuir leur île en balsas ou en tentant, par dizaines de milliers, de rejoindre les États-Unis dans une périlleuse traversée de l’Amérique latine, comme d’autres réfugiés de par le monde, comme s’ils étaient eux aussi en guerre. Qui daigne en parler ?
Nous sommes orgueilleusement seuls. Les dirigeants de la planète se rendront en masse aux funérailles officielles de Fidel Castro, après d’interminables processions mortuaires auxquelles les Cubains de l’île devront assister, contraints et forcés, souvent la mort dans l’âme, parce qu’ils se verront obligés de rendre tribut à l’homme qui a provoqué la tragédie, la division de leur famille, les pénuries extrêmes, les emprisonnements arbitraires, l’exil, la mort.

Fidel Castro va sans doute entrer dans l’Histoire, qui a produit tant de désastres causés par les totalitarismes du XXe siècle et des débuts du XXIe. Le président Obama, dans un message de condoléances qui équivaut à une trahison, en appelle au « jugement de l’Histoire ». Fidel, lui, était certain du verdict : « L’Histoire m’acquittera » avait-il dit en 1953. Si le peuple avait eu l’occasion de s’exprimer au cours d’élections dignes de ce nom, sans Parti unique, sans presse aux ordres, sans Chef suprême, cela fait bien longtemps qu’il aurait fini dans les poubelles de cette terrible Histoire. Nous, les Cubains de l’île et de l’exil, nous aspirons simplement à autre chose : la Liberté.

Écrivain et universitaire, exilé en France. Auteur de Cuba : une utopie cauchemardesque (Les Éditions de Paris – Max Chaleil) et de La face cachée du Che (Buchet-Chastel, réédition chez Armand Colin début 2017).

Jacobo Machover

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.