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Résistant à la dictature chaviste de mon pays: Venezuela

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Billet de blog 26 mars 2018

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Venezuela Infos: Une présidentielle sans suspense

Les négociations entre le gouvernement et l’opposition ont échoué. Conséquence directe : la majorité de l’opposition ne participera pas à l’élection présidentielle du 20 mai prochain. Les conditions électorales pour une compétition équitable et démocratique ne sont pas réunies . Le régime quant à lui poursuit sa folle course pour garder le contrôle au prix de ce qui lui reste de légitimité.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Une fois de plus, la rupture est belle et bien consommée. La majorité des partis formant la MUD, la coalition d’opposition au gouvernement du Président Maduro, ne participera pas à la prochaine présidentielle anticipée convoquée par le régime.

« L’événement prématuré et sans garanties … n’est qu’un show du gouvernement pour prétendre à une légitimité qu’il n’a pas, au milieu de l’agonie et de la souffrance des Vénézuéliens. Nous appelons le pays à sortir du faux débat de cette farce de participer ou pas. Ce ne sont pas des élections. Notre objectif est d’obtenir de véritables élections. La Constitution les exige, et c’est vers cet objectif que nous orienterons notre lutte. »

Cette décision lourde de conséquences fait suite à l’échec des négociations organisées en République dominicaine.

D’échec en échec

Ce n’est la première fois depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Maduro (avril 2013) que gouvernement et opposition s’asseyaient à la même table. En avril 2014, après les violences connues sous le nom de La Salida, qui avaient causé la mort de 43 personnes, les deux camps avaient débattu en direct à la télévision et en radio par cadena*. La MUD s’était retirée des négociations un mois plus tard. Des réunions exploratoires entre les deux camps, avec la médiation du Vatican, s’étaient tenues aussi à l’automne 2016 après l’annulation pour de supposées fraudes du processus de convocation d’un référendum révocatoire du mandat du Président.  Sans résultat aussi. La dernière tentative de négociations, qui a officiellement débuté le 1er décembre 2017 pour finir dans une impasse le 7 février, s’est tenue à la fin d’une année marquée par de nombreux bouleversements politiques.

*Cadena: Au Venezuela une cadena est une retransmission obligatoire sur toutes les stations radios et chaines télé du pays imposée par les autorités.

Un contrôle politique renforcé

En 2017, au niveau interne, le pouvoir a renforcé son contrôle politique. Suite à la mise hors-jeu de l’Assemblée nationale (AN) [4] - gagnée en décembre 2015 par l’opposition -, le gouvernement a dû faire face à d’importantes manifestations au printemps 2017. Acculé, il a repris la main en remplaçant de factole Parlement par une Assemblée  constituante (ANC) acquise à sa cause et qui dispose de tous les pouvoirs, et donc de celui de respecter la loi ou de la changer à sa guise si elle ne lui convient pas. A partir de son entrée en fonction, le gouvernement a profité de la conjoncture et a organisé deux scrutins selon des critères bien à lui , faisant imploser une opposition qui peine plus que jamais à se mettre d’accord et à mobiliser son électorat désabusé, dont un nombre croissant préfère s’abstenir, sans parler des centaines de milliers de citoyens qui optent pour l’exil. On compte pres de 4 millions de vénézuéliens qui auraient quité le pays ces  dernières années.

Un isolement international grandissant

Le seule victoire de l’opposition en 2017 fut au niveau international. La mise hors-jeu de l’Assemblée nationale, la répression durant les 120 jours de manifestations et l’imposition de la Constituante ont représenté un point de rupture. Dorénavant, nombreux sont les voisins continentaux du Venezuela et les pays occidentaux - Etats-Unis, Canada, Union européenne - qui refusent de reconnaître la légitimité de l’ANC et des prochaines élections. Pire, Les Etats-Unis suivis par le Canada et l’UE ont adopté une série de sanctions à l’encontre  de certains de ses dirigeants. Depuis 2007, le gouvernement est entré dans un cycle d’endettement aggravé par la chute des prix du baril de pétrole à partir de 2014 et la quasi banqueroute de son entreprise pétrolière PDVSA qui fournit l’essentiel les devises dont a besoin le gouvernement pour importer ce que consomment les Vénézuéliens.   La « guerre économique » est l'excuse souvent invoquée par le pouvoir pour expliquer les difficultés économiques, en se dédouanant de toute responsabilité.

Deux camps, deux accords

Entre le 1er décembre et le 7 février, six rondes de négociations ont eu lieu en République dominicaine. Gouvernement et opposition bénéficiaient de la médiation du gouvernement local et de l’UE, par l’entremise de l’ancien Premier ministre espagnol José Luis Rodríguez Zapatero. Trois projets de texte ont été officiellement déposés sur la table.  Le premier présenté par les cinq pays accompagnateurs. Le second et le dernier par l’émissaire de l’UE, M. Zapatero.

Le 6 février, la délégation du gouvernement annonce avoir scellé la veille un accord définitif avec « la droite vénézuélienne » mais dénonce sa marche arrière. Jorge Rodriguez, représentant du gouvernement vénézuélien, affirme que l’opposition aurait décidé de rejeter l’accord. Dans une mise en scène un brin surréaliste, les Rodriguez, Jorge et sa soeur Delcy, présidente de l’ANC, apposent malgré tout leur signature en bas du texte.

Pour le président dominicain, « l’opposition n’a pas compris qu’elle était obligée de signer… et a demandé du temps pour analyser le document ». Elle en a finalement proposé une autre version que le gouvernement n’a pas daigné recevoir.

Au final, aucun accord ne fut signé entre les parties et aucune nouvelle ronde programmée. Chaque camp a donc quitté la République dominicaine avec son propre « Accord de conviviencia ». Le gouvernement a décidé d’appliquer le sien, celui qu’il n’a finalement convenu qu’avec lui-même. Après d’intenses débats internes, l’opposition a décliné toute participation à la prochaine présidentielle du 22 avril, reprogrammée ensuite au 20 mai, et dont on entend déjà des possibilités de nouvelle reprogrammation.

Des différences notables

L’analyse comparative des « deux accords » est intéressante à plus d’un titre. Quatre des six chapitres les composant comportent des différences notoires.

Le premier chapitre traite de la priorité du gouvernement Maduro : « souveraineté et sanctions unilatérales contre le Venezuela ». Le texte oficialista dit que « gouvernement et opposition travailleront ensemble à la révision et suppression des sanctions ». Celui de l’opposition conditionne ce travail commun pour revoir (et non pas nécessairement supprimer) les sanctions à l’octroi par le gouvernement de « garanties démocratiques ».

La seconde partie est consacrée aux conditions électorales. Temps de parole dans les médias, rénovation du pouvoir électoral pour qu’il soit plus équilibré, mission d’observation électorale indépendante, levée des inhabilitations pesant sur les deux candidats favoris des sondages Henrique Capriles Radonsky et Leopoldo Lopez, légalisation des partis politiques exclus du jeu électoral, interdiction du prosélytisme électoral le jour du scrutin … La liste des revendications de l’opposition est longue et relève de ce qu’on appelle l’ « intégrité électorale » particulièrement mises en mal depuis deux ans.

Le troisième chapitre concerne l’Etat de droit. Il traite de l’Assemblée nationale (AN) dont le pouvoir de légiférer a été de facto transféré à l’ANC. Dans son document, le gouvernement se limite à promettre la création d’une commission entre les deux institutions « pour la coexistence institutionnelle ». L’opposition demande quant à elle que l’AN récupère ses fonctions, compétences et pouvoirs, sans faire référence à l’ANC, un pouvoir illégitime.

Dans son cinquième chapitre sur la « Commission de la vérité », l’opposition demande explicitement de « procéder de manière immédiate, dans un laps de temps non supérieur à 30 jours, à la libération de tous les prisonniers politiques, dont Leopoldo Lopez, ainsi que de faciliter le retour des exilés politiques au Venezuela. » Le gouvernement n’a jamais reconnu l’existence de prisonniers politiques mais bien de « politiques prisonniers ». Ils seraient à ce jour 241 selon l’ONG Foro Penal et reconnus par l'OEA.

Le respect de la loi comme principale revendication

C’est le grand paradoxe du conflit vénézuélien. Depuis plus de deux ans, ceux qui ont voué aux gémonies la Constitution « chaviste » adoptée en 1999 en sont devenus les principaux défenseurs et exigent son respect. Certes, on peut mettre le doigt sur ses incohérences, sa faiblesse structurelle, sa vision court-termiste, lui prêter des dessins peu démocratiques,  lui prétendre des intentions putschiste, pour certains du moins, l’opposition négocie surtout le respect de la loi et de la Constitution. Contrairement à l’an dernier, elle ne fait pas de la sortie de Maduro une condition préalable à son retour dans le jeu institutionnel. Elle est convaincue que l’impopularité du gouvernement est largement majoritaire au sein de la population et qu’elle pourrait réitérer sa victoire électorale de décembre 2015 lorsqu’elle avait conquis 2/3 des sièges du Parlement avant que la sortie de route constitutionnelle du régime ne la mette hors jeu.

Un dialogue vicié dés le départ ?

La crise économique s’aggravant, le temps joue évidemment contre le gouvernement. Il cherche donc à garantir son pouvoir en avançant l’élection présidentielle  et aimerait récupérer des marges de manoeuvres économiques. Mais seul l’organisation d’élections justes et le retour dans ses fonctions de l’Assemblée nationale pourrait éventuellement pousser la « communauté internationale » à assouplir les sanctions et donner de l’oxygène au gouvernement.

La question qui se pose à moins de 50 jours du scrutin est si le régime de Nicolas Maduro est prêt à reprendre le chemin de la légalité constitutionnelle, et à céder certains espaces de pouvoir, au risque évidemment de le perdre ? Cela ne semble pas être le chemin choisi. On ne voit pas de trace dans l’« accord » du gouvernement d’un quelconque compromis, qu’un quelconque preuve de bonne volonté. Durant les pourparlers à Saint-Domingue, alors que la date et les conditions électorales de la présidentielle était un des enjeux des négociations, le gouvernement a exclu la MUD et plusieurs partis d’opposition du jeu électoral, ce qui a fait retomber l’optimisme qui a un temps prévalu lors des négociations.  Il a profité ensuite de l’annonce de nouvelles sanctions européennes pour fixer unilatéralement la date du scrutin. 

Comme si cela ne se suffisait pas, les récents propos d’une proche du Président, la maire de Libertador, Érika Farías, ont apporté de l’eau au moulin de ceux qui pensent que le pouvoir ne cédera rien : « Que le monde sache que cette révolution est arrivée pour rester. Le Venezuela, c’est nous qui la gouvernons et personne d’autre. »  On mettra de tels propos sur le compte des excès propres à un meeting de campagne. Mais quand Delcy Rodriguez, qui dirige l’ANC illégitime, affirme lors d’un autre acte qui se veux officiel : « Nous disons à ceux qui veulent reprendre le pouvoir politique qu’ils n’y reviendront jamais, nous n’allons plus jamais rendre le pouvoir politique », on peut se poser des questions sur leurs réelles intentions. Aux dernières nouvelles, personne ne les a « recadrées ». Avec le durcissement des sanctions ciblées sur les hautes dignitaires du régime et l’ouverture d’un examen préliminaire pour des crimes présumés par la Cour pénal internationale (CPI), l’étau se resserre sur la cupula dirigeante.

Si rien ne change d’ici le 20 mai, la situation politique restera bloquée et la population trinquera à la recherche de dollars, de médicaments, de nourriture ou en envoyant des membres de la famille travailler à l’étranger. Plus probable qu’une intervention militaire états-unienne que brandissent sans-cesse le régime et ses partisans, le déblocage de la situation viendra peut-être d’une massification, des protestations, pillages, saccages et/ou révoltes, comme celles qui ont marqué le début de l’année 2018, comme encore à Petare (à l'est de Caracas) il y a quelques jours ou les plus de 700 qu'il y a eu depuis le début de l'année . Une massification qui aurait pour corollaire une croissance de la répression provoquant davantage de fissures au sein des forces armées, un des principaux pilier du régime. La vague d’arrestations en cours - 10 généraux et militaires hautement gradés arrêtés durant ce mois de mars - en son sein est peut-être un signe ?  Bien téméraire est celui qui peut savoir la tournure que prendra le conflit vénézuélien.

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