Agrandissement : Illustration 1
Par Philippe Fontana / Samedi 30 septembre 2017
Devant quel tribunal Jean-Luc Mélenchon sera-t-il jugé pour son apologie réitérée du régime de Maduro ?
En 2013, le chef de La France insoumise « saluait la victoire » du président vénézuélien, qu’il décrivait comme une « source d’inspiration ». Le président Macron qualifie aujourd’hui le régime de « dictature » quand Mélenchon, lui, « condamne l’opposition ». Dans le futur, le président Maduro pourrait pourtant être traduit devant la Cour pénale internationale. Il y a seulement quelques jours, le haut-commissaire aux droits de l’homme à l’Onu, s’appuyant sur un rapport d’août 2017, évoquait « la possibilité que des crimes contre l’humanité aient été commis » par son gouvernement, qui écrase systématiquement les institutions démocratiques et les voix critiques qui s’élèvent.
Si le sang ne coulait pas au Venezuela, si les journalistes et les avocats ne risquaient pas d’être abattus ou emprisonnés pour leurs condamnations du caractère dictatorial du régime, si les médicaments ne manquaient pas au point que la délégation reçue par le président Macron en ait réclamé la livraison d’urgence, la position de Mélenchon serait risible.
Que fait le régime de Maduro ? Contesté depuis son élection au forceps, contraint à la cohabitation après sa défaite aux élections législatives de décembre 2015 face à une coalition inédite entre tous les partis, le président a d’abord tenté (sans succès) de s’approprier les pouvoirs de l’Assemblée nationale. Après cet échec, Mélenchon passa du rôle d’idolâtre de Maduro à celui d’inspirateur de la convocation d’une Assemblée constituante.
Chacun sait que les deux hommes partagent la même idéologie révolutionnaire et son corollaire : le recours à la violence. Cette fascination va au-delà, il existe une méthode commune pour l’imposer, en piétinant allégrement l’état de droit. D’abord, ils créent une situation préinsurrectionnelle, recourant à la rue. Si, profitant du chaos, ils sont élus, le pouvoir est alors confisqué en contournant la Constitution existante.
Cette proposition de Constituante, point essentiel du programme de Mélenchon, était passée inaperçue lors de la dernière élection présidentielle. La manière par Mélenchon de l’exposer est abrupte : « La nouvelle Constitution dont la France a besoin doit être radicalement nouvelle, y compris dans sa méthode d’écriture : elle ne peut être un simple rafistolage de la Ve République, ni se résumer à quelques réformes octroyées par le futur président de la République. C’est le peuple lui-même qui doit s’emparer de la question et s’impliquer tout au long d’un processus constituant. » Au dire d’éminents professeurs de droit, cette feuille de route est totalement anticonstitutionnelle puisqu’elle passe par un référendum, alors que les assemblées doivent préalablement voter une loi constitutionnelle. Le spécialiste de droit constitutionnel à Paris-I, Dominique Rousseau, interrogé sur ce point précis du programme présidentiel de Mélenchon, avait même employé l’expression de « coup d’État » pour le qualifier.
Maduro a suivi à la lettre la suggestion de son camarade Mélenchon. Lors de l’été, une nouvelle Assemblée constituante a été élue au Venezuela. Le référendum préalable a été oublié. L’élection s’est déroulée dans des conditions délétères ; la fraude a été dénoncée ; les membres des partis politiques étaient déclarés inéligibles d’avance.
L’inauguration a été faite au nom du « peuple vénézuélien rebelle ». Si le terme utilisé avait été celui d’insoumis, l’analogie entre les rêves de Mélenchon et leur réalisation par Maduro eût été parfaite.