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Billet de blog 12 juin 2015

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"Et Dieu créa l'homme à son image"

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Etty Hillesum* est une jeune femme juive de 28 ans internée dans le camp de transit de westerbork où elle s’est rendue, d’abord de son plein gré, pour servir d’assistante sociale auprès de sa communauté. Dans ce camp, antichambre de l’horreur nazie, elle tient un journal et envoie de nombreuses lettres à ses amis d’Amsterdam. Dans une de ses « lettres de Westerbork » elle écrit, le 24 août 1943 :

Quand je pense aux visages des soldats en uniforme vert de l’escorte armée, mon Dieu, ces visages ! Je les ai examinés l’un après l’autre, retranchée dans mon poste d’observation, derrière une fenêtre. Jamais rien ne m’a tant épouvantée que ces visages. Je me suis posé des questions sur cette parole qui est le fil directeur de ma vie : « Et Dieu créa l’homme à son image ». Oui, cette parole a connu chez moi une matinée difficile. 

Comme Etty, je me suis interrogée sur cette parole du livre de la genèse « Et Dieu créa l’homme à son image ». J’ai longtemps tourné autour de ces mots sibyllins, cherchant un sens possible, une raison valable pour comprendre, sinon accepter, l’inacceptable. En vain. J’ai refermé le livre sur cette impossible question et je suis passée à d’autres livres.

Et puis la triste actualité de ces mois derniers, les attentats de Paris, les prises d’otages et les décapitations de ceux-là, presque banalisées à force de visibilité sur nos écrans voraces d’images, toutes ces horreurs que depuis la nuit des temps l’homme commet au nom de Dieu, m’ont à nouveau ramenée à cette parole biblique.

Et la lumière fut ! La réponse que je cherchais se trouvait dans la question même. Il suffisait juste d’intervertir deux mots: « et l’homme créa Dieu à son image » ! L’homme créa Dieu à son image, c’est-à-dire projetant sur lui (Dieu) ce qu’il porte en lui de meilleur mais souvent, et c’est hélas ce qui l’emporte, de pire. L’homme est très doué pour inventer toutes sortes d’excuses à ses propres turpitudes. Une belle trouvaille, ma foi.

Je ne crois pas en ce dieu, je veux dire le dieu de ces hommes-là. Je ne crois pas aux religions, je veux dire les religions de ces hommes-là. Mais je crois, malgré tout, au meilleur de l’homme, à sa profonde humanité, et à son bon sens qui se suffit à lui-même. Je crois en Etty qui, comme les étoiles, continue de nous éclairer longtemps après qu’elle soit morte. Merci à elle.

* Etty Hillesum est morte le 30 novembre 1943 à Auschwitz.

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