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Billet de blog 29 janv. 2017

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Le Revenu Universel, une utopie ?

L’affaire « Pénélope » pose deux questions : la première concerne un présumé « emploi fictif » occupé par ladite dame et payé par le contribuable. Cette question incombe à la justice. Laissons-là faire son travail. La seconde question porte sur le revenu universel, une proposition phare inscrite au programme de Benoît Hamon et qui a au moins le mérite de susciter de passionnants débats,

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Le Revenu de Base | Film version Française © darkapitude


L’affaire « Pénélope » pose deux questions : la première concerne un présumé « emploi fictif » occupé par ladite dame et payé par le contribuable. Cette question incombe à la justice. Laissons-là faire son travail. La seconde question porte sur le revenu universel, une proposition phare du programme de Benoît Hamon et qui a au moins le mérite de susciter de passionnants débats, même si elle en hérisse quelques uns.
Avoir un emploi ne signifie pas forcément avoir un travail et travailler ne signifie pas avoir un emploi. L’emploi s’accompagne d’un salaire qui rémunère donc un travail reconnu et encadré par un ensemble de règles inscrites dans notre code du travail et par des conventions collectives propres à chaque entreprise. Mais on peut occuper un emploi sans pour autant travailler et bénéficier quand même de tous les avantages que procurent un emploi (salaire, reconnaissance et protection sociale, etc.), cela s’appelle un « emploi fictif ». C’est le cas aussi des dirigeant du CAC40 qui se contentent d’empocher des dividendes astronomiques générés par le travail des autres. Et puis il y a le travail invisible, non rémunéré et donc non reconnu, c’est le cas des femmes « au foyer », des bénévoles, des artistes et de tous ceux qui contribuent au bien-être et à l’amélioration de la société, qui en sont même les précieux garde-fous.
Les lignes sont donc brouillées et c’est bien la preuve qu’il nous faut explorer d’autres pistes que celles du plein-emploi, de la croissance à tout prix et de la course frénétique aux profits et à la performance. Il nous faut absolument sortir de la logique infernale du grand Capital, redoutable machine à broyer les salariés et l’emploi, et qui contribue à la disparition et des uns et de l’autre.
Faut-il avoir la mémoire courte pour avoir déjà oublié le nombre effarant de suicides dans ces mêmes entreprises du CAC40 (une trentaine de salariés chez France télécom aujourd’hui Orange et une cinquantaine à La Poste, sans compter les autres entreprises (Renault, Peugeot, EDF, IBM, H&M, Disneyland Paris, Solocal, etc.) qui utilisent les mêmes plans minceurs, comme le « Lean management » et autres monstruosités managériales qui vont jusqu’au dégraissage intégral des salariés.
Ces méthodes américaines d’organisation du travail (importées du Japon) pour des salariés qui n’ont pas la culture américaine génèrent des climats anxiogènes qui entraînent des arrêts maladie à répétition et permettent à des numéro 1, numéro 2, ou numéro 3... (même eux ne sont que des chiffres, c’est dire leur déshumanisation !) de faire régner la terreur pour les inciter à partir (par la porte ou par la fenêtre !  selon les propres paroles du patron de France Télécom d’alors). Tout ça au nom du sacro-saint productivisme à moindre coût qui enrichira les uns et tuera les autres.
Pour toutes ces raisons, dire que le revenu universel n'est qu'une utopie, au mieux une allocation de plus pour endiguer la pauvreté, est réducteur. Donner à tous un revenu d’existence inconditionnel en plus d’endiguer la pauvreté, permet surtout d’inverser ce rapport de domination qu’impose un patronat prédateur qui fait passer les intérêts de ses actionnaires avant ceux de ses salariés dont il doit pourtant assurer la protection. Il est un sas de sécurité qui nous donnerait plus de liberté et de recul dans le choix d’un emploi, de le refuser s’il est pénible ou mal rémunéré, de le quitter s'il est alliénant, ou de négocier sereinement ses conditions de travail sans être inquiété de se retrouver sans emploi et donc sans ressources.
Dire que le revenu universel encouragerait « une société de l’assistanat et du farniente » signe le manque de vision d’un Manuel Valls qui reste encore accroché à des valeurs obsolètes telles que « travail, famille, patrie...  et autorité ». Les familles d’aujourd’hui sont pour la plupart recomposées ou décomposées, la patrie est globalisée, et l’emploi se fait rare et n’a plus de sens. Ne reste que l’autorité qui est son point fort ! Lui veut nous proposer un RSA amélioré, qui serait une aumône de plus que l’on jette au pauvres sans se soucier de leur dignité. C’est bien pour cela que beaucoup, qui y ont pourtant droit, ne le réclament pas, par peur d’être stigmatisés. Ce culte qu’il voue à la « feuille de paie » continuerait de diviser ceux qui ont un emploi (et qui pour la plupart n’en sont pas satisfaits) et les fainéants-assistés qui vivent au crochet de la société. On divise pour mieux régner. Or, il ne s’agit pas de « de travailler plus pour gagner plus » mais de travailler moins pour mieux partager un travail qui aurait du sens, qui serait épanouissant et librement consenti, qu’il s’effectue au sein d’une entreprise ou en dehors de  l’entreprise.
Avec du temps retrouvé, et allégés des lourdes contraintes matérielles, nous pourrions réfléchir plus sereinement à notre avenir et à celui de nos enfants, accompagner nos parents âgés, poursuivre des études ou voyager, faire du bénévolat ou de la musique, cultiver son jardin, créer son propre emploi. Nous serions plus créatifs et plus heureux, participant ainsi à la paix, au bien-être et à la cohésion sociale.
Non, nos jeunes ne rêvent pas d’être millionnaires comme nous l’a affirmé un certain banquier qui se dit de gauche sans être de gauche. Non, nous ne raterons pas nos vies si nous ne possédons pas une montre Rolex à 50ans, comme nous l’a affirmé un publicitaire. Nous aurions tellement plus : la liberté, l’égalité et la solidarité qui ne seraient plus alors de vains mots juste utiles à décorer les frontons des mairies.
Pour mettre fin au débat, certains invoquent aussi son impossible financement mais ceux-là trouvent normal et tout à fait faisable que les gros dirigeants du CAC40 se versent des salaires qui dépassent tout entendement.
L’idée d’une allocation universelle a une longue histoire. On peut en situer l’origine au XVIe siècle, dans le mouvement humaniste de la Renaissance. Ainsi, dans L’Utopie, publié en 1516, Thomas More imagine une île où chacun serait assuré des moyens de sa subsistance sans avoir à dépendre de son travail. Dans La Justice agraire (1797), l’Anglais Thomas Paine, intellectuel engagé dans les révolutions américaine et française, défend l’idée d’un fonds alimenté par les propriétaires terriens permettant de verser à chaque individu un revenu minimum à sa majorité.
Depuis le 16ème siècle jusqu’à aujourd’hui, beaucoup de pays, y compris le parlement européen, y réfléchissent sérieusement. Et la preuve qu’il n’est pas une simple utopie imaginée par de doux rêveurs, le Brésil l’a mis en application depuis 2004.
Et nous quel monde avons-nous été capables de rêver, d’imaginer sinon pour nous, au moins pour nos enfants ? Benoît Hamon ne nous promet rien, il nous donne à réfléchir, à imaginer un autre modèle de société que nous bâtirons ensemble, il nous propose un chemin nouveau plein d’espérance. Aurons-nous le courage et l’envie de le prendre, ou resterons-nous encore sur la touche, paralysés par nos peurs et faute d’imagination ?

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